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Nuciculture

Les couverts végétaux, un bon moyen de fertiliser les noyers

Des couverts végétaux commencent à être implantés sous les noyers. Les premiers résultats sont intéressants, même si des recherches doivent encore être menées.
Les couverts végétaux, un bon moyen de fertiliser les noyers

« Ramener de l'azote et trouver des plantes qui structurent le sol pour le rendre plus vivant et permettre aux noyers d'être dans de bonnes conditions pour produire ». Telles sont les raisons qui ont conduit Olivier Gamet, nuciculteur à Chatte, à implanter des couverts végétaux sous ses noyers. « La vie du sol est très riche. Dans une simple poignée de terre, il y a plusieurs milliards d'individus. Il est important de se demander ce que l'on peut faire pour ne pas détériorer cet environnement qui peut nous aider », explique l'agriculteur. Et d'ajouter : « Je pense à la mouche du brou qui se conserve dans le sol. Peut-être y a-t-il un insecte qui pourrait en être friand. Avec l'implantation de ces couverts, je souhaite favoriser la faune de façon à avantager la vie du sol ». 

Pour autant, l'opération s'avère délicate et les recherches pour mettre au point le « modus operandi » adapté prennent du temps. « Cela ne se fait pas du jour au lendemain, car il n'existe pas de formule toute faite », estime-t-il. D'autant que l'implantation sous noyers impose quelques contraintes dont les nuciculteurs ne peuvent pas s'affranchir. La mise en place des couverts se fait dans des conditions difficiles, puisqu'elle ne peut être réalisée qu'à l'automne, après la récolte des noix, au moment où les noyers n'ont plus de feuilles. Olivier Gamet a déjà réalisé des essais avec de la féverole, des pois fourragers, des graminées, de la vesce, mais il le reconnaît : « il est difficile de trouver l'espèce qui va bien pousser sous les arbres, qui sera détruite au printemps et qui se décomposera au moment de la récolte ».

Nombreuses propriétés

Pour accompagner les nuciculteurs dans leur réflexion, la chambre d'agriculture de l'Isère a organisé une journée « Innovaction » sur le sujet, début juin, à Chatte et à Beaulieu.

Selon Karim Riman, agro-écologue, spécialiste de l'étude des sols, « la matière organique du sol n'est pas figée. Elle se minéralise, se transforme, s'appauvrit quand on ne lui donne rien ».  Il faut donc l'enrichir. L'herbe, présente sous les noyers, peut y parvenir. Car, si elle est plus azotée, elle va reminéraliser la terre. Les couverts végétaux aussi sont un bon moyen pour améliorer la fertilité du sol. Ils présentent en outre de nombreuses autres propriétés, qu'a présentées le spécialiste. « Les couverts végétaux protègent le sol de l’érosion (éolienne, pluviale et « solaire ») et du lessivage. Ils améliorent la stabilité de la structure et aèrent les sols. Ils stimulent leur activité biologique et accélèrent la minéralisation de l'humus évolué. Ils assurent également une meilleure décomposition des débris végétaux (bois de taille, feuilles). Et ils restituent des éléments fertilisants facilement assimilables après son incorporation pour les engrais verts ». Tout ce qui contribue à ce que le sol ne soit pas nu favorise, la captation de l'énergie et joue un rôle positif.

Isabelle Brenguier

Le sol, un organisme vivant

La mise en place de couverts végétaux sous les noyers nécessite, au préalable, d'avoir de bonnes connaissances sur la vie du sol. Karim Riman, agro-écologue, spécialiste de l'étude des sols, a profité de la journée « Innovaction » organisée sur le sujet pour revenir sur ses fondamentaux. Selon le spécialiste, « le sol est un organisme vivant dont la formation repose sur un processus vieux de plusieurs millénaires ». Il explique aussi que « c'est la plante qui fait le sol, et non pas le sol qui fait la plante ». Pour lui, il peut y avoir des situations où la matière organique sera présente, mais la production insuffisante, par manque d'eau ou à cause de couverts inadaptés, et d'autres où le sol est « rachitique », qu'il ait « juste ce qu'il faut », mais que cela suffit à ce que la production soit au rendez-vous. C'est ce que le technicien recherche et qui lui fait dire que « la fertilité du sol est différente de la fertilisation ». Composée d'une fertilité première (argiles qui proviennent de la roche, et qui ont une certaine capacité de fixation) sur laquelle on ne peut pas agir, et d'une fertilité acquise (issues des 50 à 80 années d'agriculture qui ont enrichi le sol), la fertilité correspond à un « complexe minéral organique biologique ». Quant à la fertilisation, il s'agit du processus consistant à apporter au sol, les éléments minéraux nécessaires au développement de la plante : les engrais ou les amendements.
Environnement favorable
De nombreux organismes microscopiques (nématodes, protozoaires...) sont présents dans le sol. Ils représentent une composante essentielle de la rhizosphère (la région du sol directement formée et influencée par les racines et les micro-organismes) et permettent le recyclage des nutriments et la structuration du sol. « Lorsqu'on réalise un zoom sur ce monde des micro-agrégats, on se rend compte qu'il compte aussi de nombreuses bactéries libres, qui assurent la cohésion du sol par un gel bactérien », explique Karim Riman, qui préconise de ne pas récolter en condition humide, car cela chasse les vides qui sont pourtant indispensables. « Le tassement du sol est préjudiciable à son bon fonctionnement », fait-il remarquer.
Les endomycorhizes, qui représentent la symbiose entre les racines et les champignons, sont un indicateur microbiologique majeur. Ils permettent la protection des plantes, une meilleure nutrition en phosphore et facilitent la résistance au manque d'eau.
Le sol contient aussi des organismes macroscopiques qui permettent aussi le recyclage des nutriments, puisqu'ils fragmentent les résidus de plantes, stimulent l'activité microbienne et régulent les populations bactériennes et fongiques. Ils ont également une forte action sur la structure du sol, puisqu'ils mélangent les particules, redistribuent la matière organique, créent les bio-pores et limitent le lessivage. « Mais la vie du sol a également besoin d'un environnement favorable pour se développer, que ce soit au niveau du Ph, de la température, de l'oxygène, de l'humidité et de la présence de matière organique fraîche », rappelle Karim Riman.
IB