Les critères de choix d'une variété de blé dur

Dans un marché abondant et diversifié, le choix variétal est orienté par les débouchés. Les propriétés technologiques d'une production de blé sont en effet largement influencées par la variété. Les caractéristiques agronomiques et qualitatives des variétés seront donc prises en compte. L'agriculteur, comme l'organisme stockeur, a intérêt à diversifier ses choix variétaux pour limiter les risques d'accidents climatiques, et associer points forts et faiblesses des différentes variétés pour la commercialisation. Type de sol, date prévisionnelle de semis, contraintes de désherbage, tolérance aux accidents récurrents sont autant de facteurs qui doivent rentrer en compte dans le choix de la variété. Enfin, l'observation des résultats sur plusieurs années mais aussi sur plusieurs essais est essentielle pour un bon choix variétal.
Les valeurs sûres
• Anvergur (RAGT 2013) : référence de rendement actuelle, polyvalente et souple. Tolérance aux maladies et PS moyens.
La référence actuelle dans la plupart des milieux. Grâce à une grande souplesse : épi très fertile et PMG moyen mais très élastique, sa précocité est idéale pour la région. Sa grande fertilité d'épi permet de compenser une implantation médiocre. À sa place dans tous les milieux à l'exception des milieux très séchants où son PS peut chuter, et des milieux très fertiles où elle craint la verse. Son rendement est meilleur en finition douce (2016 et 2019) qu'en année à finition échaudante (2017) ou à maladies de l'épi (2018). A éviter en sol séchant et en situation à maladies de l'épi. Tolérance à la septoriose dans les meilleures. Sa tolérance à la rouille brune dérive vers faible depuis son inscription en 2013 (en 2019 présence de rouille brune sur plusieurs secteurs). Bonne qualité globale sauf PMG et PS juste moyens. Compte tenu de son rendement, sa teneur en protéines est bonne : Anvergur et RGT voilur sont les variétés produisant le plus de protéines par hectare (rendement x % de protéines).
+ Rendement, polyvalence, septoriose.
- Rouille brune. PS juste moyen. Verse en milieu très fertile.
• Atoudur (Serasem 2011-RAGT) : demi-précoce, un gros grain et un bon PS font qu'elle est bien adaptée aux sols moyens à séchants. Et une certaine tolérance aux fusarioses.
Elle fait son rendement avec beaucoup d'épis, peu fertiles, et un très gros PMG (60 g). En moyenne inférieure de 5 % à anvergur, elle la rejoint en cas de stress hydrique ou thermique en fin de cycle, conservant un meilleur remplissage du grain. Sa qualité est ainsi peu fragile (bon PS, teneur en protéines assez élevée).
Ainsi, en milieu séchant, elle fait souvent jeu égal avec claudio à partir de
40 q/ha, avec moins de risque de mitadinage. Sous climat pluvieux en mai, elle montre une assez bonne tolérance aux fusarioses.
+ Tolérance à la sécheresse de fin de cycle. Qualité régulière avec une bonne teneur en protéines.
- Peu souple en cas de mauvaise implantation. Haute et sensible à la verse.
• Casteldoux (Desprez 2015) : excellente tolérance aux rouilles. Très bon rendement pour les sols moyens à finition parfois difficile. Belle qualité.
Jusqu'à 55-60 q/ha, son rendement est du niveau de celui d'anvergur, à haut potentiel (75 q/ha), il lui est inférieur de 4 %. Assez précoce, elle construit son rendement avec un épi moins fertile qu'anvergur mais un grain un peu plus gros. Moins souple en cas d'implantation difficile, en revanche, elle finit mieux. Sa tolérance aux rouilles est excellente. Très sensible à la septoriose, le T1 ne peut être abandonné qu'en année sèche pendant la montaison. Sa qualité est bonne avec notamment une assez bonne tolérance à la moucheture qui conforte sa tolérance globale aux maladies de l'épi. À essayer dans les milieux intermédiaires, sans problème à l'implantation.
+ Une des meilleures tolérances aux rouilles. Qualité sans risque.
- Il faut réussir l'implantation. Attention à la septoriose !
• Claudio (Heliosem 2001) : référence (vieillissante) en milieu séchant. Avec un fond général de tolérance aux parasites racinaires. Très sensible au mitadinage.
En potentiel inférieur à 40 q/ha, avec fin de cycle échaudante, elle n'est rejointe que par santur. Très précoce, elle n'est freinée que par le froid de l'hiver. Le risque d'un excès de précocité est faible dans l'intérieur où l'hiver est plus marqué. Haute et sensible à la verse, inadaptée en sol profond.
+ Précocité. Tolérance aux fins de cycle difficiles. PS toujours dans les meilleurs.
- Rendement en retrait au-dessus de
45 q/ha. Très sensible au mitadinage, notamment de pluie.
• Miradoux (Desprez 2007) : si elle a, en moyenne, un rendement inférieur de 5 % à celui d'anvergur, en 2019 elle est au même niveau. Sa très grande sensibilité aux rouilles peut être très pénalisante. Qualité irréprochable toujours recherchée (contrats).
Épi fertile et grain élastique compensant les densités faibles, les départs difficiles, bonne finition, miradoux n'est déconseillée que dans les sols séchants à cause de sa tardiveté. Ses limites sont sa grande sensibilité aux rouilles brune et jaune et à Fusarium. Lorsque les rouilles ne sont pas un problème, miradoux reste un très bon choix. Elle supporte assez bien les pluies à l'épiaison (vérifié en 2018).
+ Souplesse. Excellente qualité.
- Très sensible aux rouilles. Sensible à Fusarium. À éviter après maïs, sorgho.
• Nobilis (Limagrain 2014) : dans les meilleurs rendements. Son démarrage est le meilleur en cas d'implantation difficile (excès d'eau, sécheresse longue comme en 2019). Très bonne tolérance aux rouilles et à la septoriose. Très sensible à l'oïdium et assez sensible à Microdochium.
En sol profond, au-dessus de 60 q/ha, elle fait jeu égal avec anvergur. Son élaboration du rendement en est proche avec un nombre d'épis moyen, très fertiles et un PMG moyen mais souple. Sa rusticité est remarquable avec notamment : un bon comportement lors des hivers difficiles (froid, excès d'eau) ; une tolérance aux maladies excellente ; très peu sensible aux maladies du feuillage (à l'exception de l'oïdium) et moyennement aux fusarioses des épis. La meilleure en 2019, en rendement comme en PS. Bon comportement en 2019 dans un essai touché par le piétin échaudage. Sa qualité est moyenne mais sans risque marqué, sauf la moucheture en milieu humide. Sa teneur en protéines, comme sa tolérance au mitadinage, souvent jugées faibles, sont en fait normales compte tenu de son niveau de rendement.
+ Rendement, polyvalence. Démarrages difficiles. Tolérance aux rouilles, à la septoriose.
- Moucheture, oïdium.
• RGT Voilur (RAGT 2016) : potentiel identique à anvergur. Tolérance aux maladies remarquable. Excellente teneur en protéines mais grain petit.
Son élaboration du rendement rappelle celle d'anvergur avec un épi aussi fertile mais un grain un peu plus petit (- 2 g). Son rendement atteint celui d'anvergur sauf en cas de forte compensation sur une faible densité d'épis probablement limitée par son petit PMG. Elle paraît ainsi moins à l'aise en milieu séchant, ce qui se confirme en 2019 où elle a fait des contre-performances dans de tels milieux. Ses tolérances à la rouille brune et à la septoriose sont excellentes.
En 2019, de la rouille jaune a été observée sur RGT voilur dans plusieurs secteurs. Bon comportement face aux mosaïques en 2016. Elle paraît sensible au piétin échaudage et, de manière générale, aux atteintes racinaires. Très courte, elle résiste très bien à la verse. Compte tenu de son rendement, sa teneur en protéines est exceptionnelle. Tolérante à la moucheture.
+ Concentré de points forts : rendement, tolérance aux maladies, protéines...
- Grain petit. Sensibilité racinaire (à confirmer).
• Santur (RAGT-Italie 2013) : très précoce comme claudio, un peu plus productive dans les milieux séchants.
Entre 30 et 50 q/ha, elle produit 2 à
3 q/ha de plus que claudio et son PS est presque aussi bon. Elle construit son rendement avec peu d'épis, fertiles et un PMG proche de celui de claudio. Sa fertilité d'épi la rend beaucoup plus souple que claudio en cas de mauvaise implantation. Toute aussi précoce que claudio, elle est exposée aux mêmes risques de gel au printemps et aux mêmes conseils de date de semis.
+ Claudio avec une meilleure qualité et un peu plus de rendement.
- Précocité risquée dans les milieux à hiver peu marqué.
• Toscadou (Desprez 2016) : demi-précoce à gros grain et bon PS, finissant bien. Bon potentiel en milieu moyen à séchant.
Au-dessous de 55 q/ha, son rendement est du niveau de celui d'anvergur. À haut potentiel (75 q/ha), il lui est inférieur de 4 %, identique à celui de casteldoux. Son élaboration du rendement rappelle celle de miradoux avec un peu plus de tout : épis, fertilité, PMG (+ 2 g). Sa capacité de compensation est inférieure à celle des meilleures : anvergur, nobilis, voilur. Il faut donc réussir son implantation. Sa précocité, son PMG et son PS élevé lui permettent de bien finir en sol moyen à séchant où elle remplace bien atoudur (potentiel 40 à 50 q/ha).
Assez sensible à la septoriose ; comme pour Casteldoux, il faut prévoir un T1...
En 2018, elle montre une certaine tolérance aux maladies de l'épi et maintient assez bien son PMG et son PS.
Bon comportement face aux mosaïques en 2016.
+ Bonne finition. PMG et PS. Tolérance aux maladies de l'épi (à confirmer).
- Assez sensible à la septoriose.
Variétés intéressantes
• Relief (Syngenta 2014) : très bon niveau de rendement. Très bonne tolérance aux fusarioses de l'épi et au VSFB (virus des stries en fuseau). Tardive et à petit grain.
Potentiel de rendement égal à celui d'anvergur au-dessus de 70 q/ha. Tardive et de finition lente, elle est plus adaptée au sol profond. Elle a montré en 2019 une bonne résilience après la longue sécheresse de janvier à mars. Elle construit son rendement avec un nombre d'épis moyen, très fertiles (plus que sculptur) et un grain petit (PMG inférieur à biensur). Bonne tolérance à la mosaïque VSFB mais inférieure à celle de LG boris. Sensible aux maladies foliaires (septoriose, rouilles), il faut prévoir un T1. Sa qualité technologique est bonne, et sa teneur en protéines est moyenne compte tenu de son rendement.
Pour les situations à risque de fusarioses (précédent maïs, humidité en mai) ou à VSFB et les milieux finissant bien (sol très profond, irrigation).
+ Potentiel de rendement. Fusarioses. Mosaïques. Froid.
- Tardive. Petit grain. Maladies foliaires.
• Surmesur (RAGT 2010) : très bonne tolérance aux maladies, mais tardive et de potentiel limité.
Son intérêt réside dans son potentiel de rendement limité qui permet de maintenir une teneur en protéines quand il n'y a pas assez d'azote (culture extensive ou biologique). Son épi peu fertile limite beaucoup son rendement (anvergur – 15 %) et sa capacité de rattrapage. Très bonne qualité avec notamment une teneur en protéines supérieure à la moyenne et une certaine tolérance au mitadinage.
+ Tolérante à la rouille brune.
- Rendement limité. Tardive.
Variétés récentes
• Heraklion (Syngenta 2017) : proche des leaders actuels. Bonne tolérance à la moucheture mais sensibilité marquée à la septoriose.
Élaboration de rendement de type miradoux : assez peu d'épis de bonne fertilité et gros grain. Sa capacité de compensation est inférieure à celle des meilleures : anvergur, nobilis, voilur. Il faut donc réussir son implantation. Très jolie couleur et bonne tolérance à la moucheture. Nettement sensible à la septoriose ; il faut prévoir un T1. PS assez faible, du niveau de celui d'anvergur, et teneur en protéines dans la moyenne.
+ Belle qualité. Rendement dans la course.
- Septoriose. PS juste moyen.
• Santograal (Actisem 2016) : variété italienne (Fratelli Cozzi snc) précoce, à gros grain, sur le créneau d'atoudur.
Son rendement est identique à celui d'atoudur. Il se construit de façon assez originale avec peu d'épis, de fertilité moyenne et un gros grain. Sa précocité stable est intéressante ; elle ne s'emballe pas comme claudio en cas d'hiver doux. De paille assez haute, peu sensible à la verse. Assez sensible à la rouille brune. PS et teneur en protéines dans la moyenne. Pour les milieux intermédiaires (potentiels 40 à 55 q/ha) où elle fait mieux que qualidou et aussi bien qu'atoudur.
+ Gros grain.
- Rouille brune. Capacité de compensation.
• RGT aventadur (RAGT 2018) : variété ultra-précoce inscrite en Italie. Potentiel de rendement supérieur à celui de claudio de 5 à 10 %.
2018 et 2019 sont les seules années de référence ; on sera donc prudent sur les classements. Elle épie en moyenne 2 à 3 jours avant claudio, le risque de gel montaison est donc très élevé. Elle est très courte (comme sculptur). Elle a fait son rendement avec beaucoup d'épis, peu fertiles et un gros PMG (type toscadou). Son PS est en revanche moyen (anvergur
+ 1 point). A priori sur le créneau de claudio mais il faudra voir son PS en année séchante en fin de cycle.
Pour mémoire : des variétés dont l’intérêt faiblit, surpassées par les variétés récentes
• Karur (RAGT 2002) : toujours appréciée dans les secteurs de transition blé dur-blé tendre (nord Gard, Hautes-Alpes, Drôme), pour sa tolérance au froid, à la microdochiose et à la moucheture. Dépassée en rendement, elle peut être remplacée par relief (risque de fusarioses) ou RGT voilur (risque de moucheture).
+ Souplesse, épi fertile ; tolérante à la moucheture, aux fusarioses, au froid.
- PS faible et fragile. Sensible à la verse, à la sécheresse.
• Sculptur (RAGT 2008) : rendement dans les meilleurs jusqu'à 70 q/ha, mais très sensible aux maladies et au mitadinage.
À remplacer par anvergur dans la plupart des situations, ou par nobilis ou RGT voilur dans les sols profonds et les situations à risque de mauvaise implantation. Ce sont les maladies qui la pénalisent habituellement.
En 2019, année à faible pression de maladies, elle est au niveau d'anvergur.
+ Capacité de rattrapage. PS, moucheture.
- Protéines, mitadinage. Maladies.
Yves Pousset, Arvalis-Institut du végétal