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Expérimentation

Les engrais verts gagnent les vergers

Une journée technique consacrée aux engrais verts en agriculture biologique s'est tenue le mardi 11 décembre au domaine de Gotheron à Saint-Marcel-lès-Valence. L'occasion de faire la promotion de ces engrais encore peu utilisés mais qui présentent pourtant de nombreux atouts.
Les engrais verts gagnent les vergers

Parmi la trentaine d'arboriculteurs rassemblés dans la salle de réunion du domaine de Gotheron, quelques convertis aux engrais verts, mais surtout une grande majorité de curieux. Seulement trois d'entre eux ont d'ailleurs levé la main lorsqu'il leur a été demandé combien avaient déjà franchi le pas. Pourtant, la réputation des engrais verts commence peu à peu à se répandre parmi les professionnels du secteur. Et nombreux sont les arboriculteurs qui semblent aujourd'hui en passe de s'y convertir. Lui-même arboriculteur, Claude-Éric Parveaud est membre du Grab (groupe de recherche en agriculture biologique), à l'origine de cette journée thématique. Le Grab, c'est ce groupe de professionnels du domaine agricole qui réfléchissent ensemble au développement de pratiques innovantes en agriculture biologique, dont font partie les engrais verts : « Les engrais verts suscitent de plus en plus d'intérêt chez les agriculteurs car ils présentent de vraies perspectives de développement et peuvent s'adapter à de nombreuses filières », a-t-il expliqué.
La solution innovante qui est aujourd'hui proposée aux arboriculteurs, c'est celle de semer des engrais verts dans leurs vergers pour constituer des bandes fleuries à proximité immédiate de leurs cultures.

Des bénéfices multiples de l'usage d'engrais verts

Ce dispositif, en plus de réduire l'impact environnemental global, a pour conséquence directe et rapidement observable de recréer un écosystème plus sain dans le verger quelques mois seulement après le semis. Des espèces prédatrices pour les ravageurs vont notamment pouvoir y trouver refuge, et s'y installer. Pour l'arboriculteur, c'est alors un véritable cercle vertueux qui se met en place, ce qui lui permet à moyen terme de rentabiliser ses investissements initiaux. En plus des économies de temps et d'énergie consacrés jusqu'ici à l'entretien du verger, ce sont surtout des gains très significatifs en termes de fertilité qui sont observés dans le verger. « Les bandes fleuries sont fortement préconisées notamment durant les premières années du verger, ensuite au bout de quatre à cinq ans on peut opter pour un enherbement permanent », a tenu à préciser Jean-Luc Petit, arboriculteur adepte des engrais verts. Décompactage des sols, apport de matière verte, nutrition des sols par restitution... les engrais verts permettent, en effet, de remédier à plusieurs casse-têtes récurrents pour les arboriculteurs. C'est par exemple le cas de Pierre Berger, qui doit gérer au quotidien une exploitation de 10 hectares de noyers et semble avoir trouvé dans les engrais verts un partenaire idéal : « Ils m'ont permis de régénérer la vie biologique de mon verger en luttant notamment contre le tassement des sols et la lixiviation des nitrates* », a-t-il témoigné. 
Pierre Garcia

*Lixiviation des nitrates : dissolution d'éléments minéraux dans le sol suite à des pluies abondantes ou à l'irrigation d'un champ.

 

Engrais verts : mode d'emploi

Avec un succès grandissant auprès des arboriculteurs, les engrais verts fleurissent un peu partout sur les exploitations de France. Pour ceux qui souhaiteraient s'y mettre, quelques précautions d'usage sont néanmoins à respecter.
Pour maximiser les chances de réussite, la mise en place d’engrais verts doit toujours suivre à la lettre le même processus. D’abord, il s’agit de broyer les engrais, puis de procéder à leur enfouissement dans la terre. « Pour ce qui est du mélange, cela se fait un peu au hasard, mais il faut bien faire attention à la concurrence entre les espèces », a confié l’arboriculteur Jean-Luc Petit.

Test de l’association de plusieurs espèces d’engrais verts.
Les associations de plantes peuvent en effet varier, même si certaines espèces ont les faveurs des arboriculteurs. Citons notamment le seigle, la vesce, la féverole, le pois fourrager ou encore le trèfle violet ou incarnat. Pour un semis en automne, on pourra par exemple associer du trèfle violet à de la fétuque élevée. Au printemps, pourquoi ne pas tenter l’association triolet et dactyle. Et avec l’arrivée des beaux jours en été, la phacélie se mariera très bien avec la serradelle ou le lupin. Au moment du semis, il s’agit en tout cas de bien préparer les sols et de respecter quelques contraintes d’usage concernant notamment la profondeur de plantation qui doit s’adapter aux spécificités de chaque espèce. Avec une règle d’or à garder en tête : plus
la taille de la graine est importante, plus le semis devra s’effectuer profondément dans le sol. Ainsi par exemple, le colza fourrager, la moutarde, la navette ou la phacélie se plantent de 1 à 1,5 cm de profondeur, le trèfle violet ou d’Alexandrie de 1 à 2,5 cm, la vesce, le sarrasin, le pois fourrager et le radis fourrager de 2 à 4 cm et la féverole de 6 à 8 cm de profondeur. La mise en place d’engrais verts n’étant pas une science exacte, il est d’ailleurs souvent conseillé aux arboriculteurs d’alterner une allée fleurie avec une allée non-fleurie, afin que chacun trouve au fil du temps la bonne formule pour son verger. 
P. G.

Méthode / Au menu des discussions de cette journée technique consacrée aux engrais verts en agriculture biologique, la méthode « Merci». Appelée à se démocratiser, elle pourrait bien changer la vie de nombreux arboriculteurs.

La méthode « Merci » séduit les agriculteurs

La méthode « Merci », peu encore la connaissent. Mais ceux qui l’utilisent la recommandent déjà à leurs collègues comme on a pu le constater lors de la journée technique organisée au domaine expérimental de Gotheron à Saint-Marcel-lès-Valence. Après plus de huit ans de travail pour les équipes de la chambre régionale d’agriculture du Poitou-Charentes (aujourd’hui de Nouvelle-Aquitaine), c’est finalement en 2009 que la méthode d’estimation des éléments restitués par les cultures intermédiaires (« Merci ») a vu le jour. Leur objectif : offrir aux agriculteurs une méthode simple et surtout fiable pour analyser la biomasse du couvert présent sur leur exploitation. Pour y parvenir, la méthode « Merci » propose de s’intéresser à trois composantes principales : la biomasse sèche du couvert, la quantité d’azote présente dans le couvert et par ricochet celle potentiellement disponible pour la culture suivante.
Une méthode simple d’utilisation
Basée sur des relevés de terrain, la méthode « Merci » suit un processus très rigoureux pour permettre à l’agriculteur d’obtenir ensuite des données précises. Tout d’abord, il lui faut délimiter sur son exploitation au minimum trois placettes d’environ 1m2 chacune qui serviront par la suite à effectuer les relevés. Ensuite, c’est l’étape du prélèvement de couvert, un par placette, pour pouvoir procéder dans un second temps à la pesée de chaque espèce relevée. Les résultats obtenus sont alors directement rentrés dans un tableau Excel, téléchargeable gratuitement sur le site de la chambre d’agriculture de Nouvelle-Aquitaine. L’agriculteur peut alors comparer ses propres résultats à une grille de références préalablement établie.
Si aujourd’hui la méthode « Merci » rencontre surtout le succès dans l’Ouest de la France, l’engouement qu’elle commence à susciter pourrait bientôt lui permettre de gagner le reste du territoire français. 
P. G.
Tableau de calcul Excel de la méthode « Merci », méthode d’estimation des éléments restitués par les cultures intermédiaires.