Les ex-Fralib pourront-ils relancer le tilleul des Baronnies ?

Le syndicat des producteurs de tilleul officinal des Baronnies a tenu, vendredi dernier à Montauban-sur-Ouvèze, son assemblée générale. Où en est aujourd'hui la filière ?
Nicolas Chauvet :
« La filière tilleul des Baronnies est confrontée depuis les années 2000 à une double difficulté : la baisse du tonnage et des prix. Les négociants et les grossistes se sont tournés vers les productions de tilleul des pays de l'Europe de l'Est et de la Chine à bas coût. Le prix proposé se maintient à des niveaux peu encourageants (entre 9 et 12 euros le kilo) et beaucoup préfèrent alors se consacrer à des productions plus rentables. Dans les Baronnies, quelques dizaines de producteurs sont vraiment des agriculteurs, les autres sont des familles qui se consacrent à la cueillette en juin et juillet. Alors que la production française annuelle était de 400 tonnes dans les années 1980, elle ne dépasse plus aujourd'hui les 20 tonnes dont la moitié dans les Baronnies et le Diois. Le tilleul reste une filière de niche et ne se développera de nouveau que si les entreprises acceptent de payer le prix pour avoir des fleurs de qualité estampillées bio et produites en France. »
Votre syndicat avait entamé une démarche visant à obtenir une certification IGP* et bio. Où en est ce projet ?
N. C. : « La démarche d'IGP est au point mort. Le dossier est dans les mains du parc des Baronnies provençales mais la filière n'est pas encore assez structurée pour voir aboutir une IGP. Par contre, nous avons beaucoup avancé sur la labellisation bio. Pour la récolte 2015, la commande des ex-Fralib est venue trop tard pour nous permettre de mettre la procédure en place. Mais ce sera le cas pour la campagne 2016 et l'importante commande de la Scop-Ti sera collectivement labellisée bio par le syndicat des producteurs et l'organisme Ecocert. »
La Scop des ex-Fralib vient en effet d'annoncer qu'elle souhaitait acheter chaque année dans les Baronnies deux tonnes de tilleul certifié bio. Quel est le rôle du syndicat dans cette transaction ?
N. C. : « Pour les deux tonnes de tilleul destinés à la coopérative de Gémenos en 2016, le syndicat des producteurs délivrera une certification bio en mention collective. Ceci est intéressant à la fois pour l'entreprise qui bénéficiera de l'exclusivité de cette production bio de qualité destinée à une gamme de sachets premium ; mais aussi pour le producteur qui pourra certifier son tilleul bio à moindre coût. Le coût de la labellisation individuelle est aujourd'hui de 400 euros quel que soit le tonnage ; via le syndicat, à partir de l'année prochaine, ce coût sera ramené à quelque centimes d'euro le kilo. Nous sommes assurés d'avoir un prix plancher de 18 euros auquel il faudra retirer 50 centimes pour la labellisation. Un prix réellement intéressant et qui pourrait même augmenter puisque le partenariat prévoit une éventuelle redistribution des bénéfices aux agriculteurs si les ventes le permettent. »
Quels effets peut-on attendre de ce partenariat sur le développement de la filière ?
N. C. : « Le partenariat établi avec la Société coopérative ouvrière provençale de thés et infusions (ScopTi) devrait permettre de relancer une activité et une filière qui était pratiquement à l'arrêt depuis une dizaine d'années. C'est un vrai coup de fouet pour nous. Sans se faire trop d'illusions, on peut cependant s'attendre à un redémarrage de la production. Les tilleuls seront de nouveau taillés, entretenus, redonnant de l'éclat à l'arbre emblématique d'un territoire. Et nous avons là un client qui a le souci de privilégier les productions locales, les circuits courts d'approvisionnement, d'établir un juste prix pour les producteurs et même d'envisager une redistribution des bénéfices avec ses partenaires agricoles... La Scop Ti de Gémenos n'est décidément pas un client comme les autres. »
Propos recueillis par Alain Bosmans
* IGP : indication géographique protégée.
Contact : Nicolas Chauvet (04 75 27 72 69 - courriel : [email protected]).
Info : www.tilleul-baronnies.com.
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L'histoire des ex-Fralib
Le 26 mai 2014, après 1 336 jours de combat et trois annulations de plans de sauvegarde de l'emploi, les ouvriers de l'usine Fralib de Gémenos (Bouches-du-Rhône), menacée de fermeture depuis 2012, signaient un accord de fin de conflit avec Unilever, le propriétaire du site. Ils obtenaient une enveloppe de 19,2 millions d'euros pour lancer leur projet de Société coopérative ouvrière provençale de thés et infusions (Scop-Ti) afin d'éviter le démantèlement de l'usine.Sur les 182 salariés de Fralib, 58 personnes sont devenues coopérateurs et viennent de lancer leur marque, « 1 336 », comme les 1 336 jours de leur conflit. La production commerciale des sachets ne débutera que dans quelques semaines sur les machines cédées par Unilever avec une gamme de quinze produits (thé et tisanes).
La ScopTi compte désormais s'appuyer sur la production française de plantes aromatiques pour fabriquer leurs produits, et notamment sur la filière du tilleul dans les Baronnies provençales. Déjà, en septembre 2013, plusieurs ex-Fralib étaient venus à Buis-les-Baronnies pour nouer des contacts avec le syndicat des producteurs et acheter quelque 250 kilos de tilleul bio.
