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Rendez-vous

Les foires à l'épreuve du temps

Tour d'horizon des foires, initialement agricoles, qui ont su résister, voire s'adapter au fil des années.

Les foires à l'épreuve du temps

Des parkings et des allées bondées : rien d'extraordinaire à Beaucroissant. Depuis plusieurs siècles, la commune iséroise de 1 560 habitants accueille en avril et septembre deux foires d'envergure, qui ont su garder leur identité agricole. Des rendez-vous populaires et de véritables institutions. Voir même une référence dans l'Hexagone. Au fil des allées trônent encore fièrement des bovins de commerce et de concours, des volailles, des ovins ou encore des vêtements, de l'alimentation, etc. Les machinistes peuvent y réaliser jusqu'à 60 % de leur chiffre d'affaires annuel. Certaines marchandises ont bien sûr évolué. Par exemple, on ne trouve plus de blouses d'écoliers ! Une fête foraine vient compléter l'offre. « Cela attire les jeunes générations », glisse le maire Georges Civet. La foire a aussi sa propre fréquence radio pour l'occasion. Les trains ralentissent même à l'approche du village.
Le week-end du 23 et 24 avril, un millier d'exposants figuraient ainsi dans les rangs. Près de 80 % d'entre eux reviennent d'ailleurs de générations en générations. Les visiteurs, quant à eux, sont en moyenne entre 250 000 et 300 000 au printemps, et jusqu'à 800 000 à l'automne. L'origine de cette foire remonte à 1219. Dans la nuit du 14 septembre, une terrible inondation fait de nombreuses victimes. L'année suivante, les survivants commémorèrent l'événement, sous la conduite de l'évêque de Grenoble. Le rassemblement avait alors drainé de nombreux marchands. Voilà le début d'une tradition qui perdure encore. La foire de printemps verra le jour en 1836. Désormais, les foires sont organisées par la municipalité. Les élus et l'ensemble des employés communaux sont mobilisés. « L'école est d'ailleurs fermée les jours de foires. On rattrape dans le courant de l'année », glisse le maire Georges Civet. Il faut dire que les foires sont aussi une ressource importante pour la commune, le chiffre d'affaires s'élevant à 600 000 euros (100 000 euros de bénéfices). Le côté convivial n'est pas oublié pour autant. « C'est comme une grande feria. Cela se veut très festif », indique Nicolas Garet, un conseiller municipal.

Malgré le temps pluvieux, de nombreux visiteurs ont arpenté les allées de la foire de printemps de Beaucroissant.

La fête de tout un territoire

La foire de Beaucroissant n'est pas la seule à connaître pareil engouement. Celle de Tournon-sur-Rhône (Ardèche) a aussi une belle affluence. Et ce, chaque 29 août, depuis un peu plus de 700 ans. L'événement est aujourd'hui porté par le comité des fêtes et la municipalité. Mais l'histoire a commencé en 1309, sous Philippe le Bel. La foire était alors placée sous le vocable de Saint-Julien, patron de l'église paroissiale. Dès 1830, la culture de l'oignon arrive en vallée du Rhône. L'oignon dit "de Tournon" est d'ailleurs encore cultivé. Il se différencie notamment par son goût légèrement sucré. Le nom de l'événement évoluera et deviendra "La Foire aux oignons".
Plus de mille exposants se déplacent chaque année. « Des produits du terroir, des fruits et légumes, des machines agricoles ou encore la vente de vêtements, » indique Florence Croze, adjointe au maire de la ville. Des agriculteurs vendent aussi ces fameux oignons, de l'ail ou encore des animaux. Que ce soit sous les platanes, le long du Rhône, ou encore dans les rues et places du centre-ville, la foire se veut aujourd'hui être le rendez-vous de prérentrée du territoire et une occasion de profiter encore des beaux jours. Un grand repas réunissant les familles et amis est aussi proposé. Avec en toile de fond, une histoire agricole que l'on tient à préserver.
Relancer un volet agricole a d'ailleurs été l'objectif des Jeunes agriculteurs de Haute-Savoie, lors de la dernière Foire de Crête, à Thonon-les-Bains.

Une véritable âme

« Ce rendez-vous a plus de 500 ans. Mais au fil des années, la partie agricole a diminué, jusqu'à même disparaître. Au fur et à mesure, elle a été remplacée par des forains. Nous avons donc décidé de faire revenir des vaches pour redonner une âme à la foire. Il faut que le visiteur ressente une émotion, comme un fil conducteur », souligne Julien Curdy, ancien secrétaire général des JA 74. L'agriculteur pense également qu'il est important de renouer le contact avec les consommateurs, qui plus est dans le contexte actuel. L'an dernier, 50 bêtes étaient ainsi présentes et les visiteurs étaient conquis. Un concours de vaches a même été organisé. « Beaucoup de personnes viennent à cette foire. Thonon-les-Bains est la capitale du Chablais. C'est fédérateur, il y a un fort attachement, une alchimie particulière », poursuit-il.

Il existe encore de nombreuses autres foires agricoles au sein de la région Auvergne-Rhône-Alpes : Sablons (Isère) et sa prochaine 435ème foire aux dindes, le comice de Feurs (Loire), etc. Dès lors, difficile de toutes les citer. Les foires restent aujourd'hui un média ancien. Mais celui-ci a su s'adapter au fil du temps. Les jeunes générations ont su y trouver leur place, tant dans le rang des visiteurs que dans celui des organisateurs. « Ne dit-on pas que c'est dans les vieilles marmites que l'on fait les meilleures soupes ? » rappelle d'ailleurs Julien Curdy. Preuve qu'elles ne sont pas si "ringardes" que cela. Mieux encore, elles semblent véritablement avoir encore de belles années devant elles. 
Aurélien Tournier

Concours d'Hauterives.

 

Foire-exposition : quand le monde agricole s'éclipse
Toutes les foires agricoles n'ont toutefois pas su garder leur identité première. Depuis deux ans, la municipalité de Saint-Donat-sur-l'Herbasse (Drôme) sollicite des agriculteurs afin qu'ils participent à la foire aux bœufs gras. L'événement est en effet devenu avant tout commercial. « Quand j'étais petite, je me rappelle de rangées de bœufs. Cette année, c'était essentiellement des forains », témoigne d'ailleurs Marie, une habitante âgée de 52 ans, qui a parcouru les allées de la foire au printemps. « Je ne sais pas comment était la foire il y a 108 ans. Historiquement, on venait y vendre ses bêtes. Aujourd'hui, il s'agit plus d'une fête foraine, d'un marché, d'une brocante. C'est un peu la fête du village », explique Marie-Pierre Manlhiot, adjoint au maire de la commune. « Depuis 2009, ce sont les associations qui l'organisent, en coordination avec la mairie. L'organisation de cet événement est importante. Il y a une notion de terroir », poursuit-elle. Mais les agriculteurs ne semblent plus guère s'y déplacer. « On compte un ou deux éleveurs », précise le maire, Aimé Chaléon. Lors des deux dernières éditions, la municipalité a mis en place un partenariat avec un agriculteur afin qu'il vienne avec des animaux. « Nous proposons depuis deux ans une mini-ferme. Même si nous sommes en milieu rural, le public est principalement urbain. Son rôle est éducatif. On peut découvrir des vaches, des bœufs, des chevaux, etc. Les citoyens sont curieux. Nous organisons aussi une chasse aux œufs pour les enfants avec de vrais œufs », ajoute Marie-Pierre Manlhiot.
Cette désertification des agriculteurs se fait aussi ressentir dans les foires-expositions. Des professionnels du monde agricole peuvent parfois y être exposants. C'est ce qui fut notamment le cas à Romans-sur-Isère. Dans les allées extérieures de la Foire du Dauphiné – une foire-exposition –, les visiteurs pouvaient encore voir il y a un peu plus de cinq ans des tracteurs. Une ère désormais révolue. « Nous nous tournons vers de nouveaux créneaux. Par ailleurs, près de 70 % de nos exposants sont aujourd'hui autour de l'habitat », explique Michel Vagnoux, son directeur. 
A.T.
Foire de Vinsobres.