Les fruits et légumes bio français convoités par les transformateurs

«Les jeunes consommateurs poussent le marché vers le bio, le local et les circuits courts. Le marché des produits transformés doit répondre à cette tendance ! » Bernard Lignon, chargé de projet qualité chez Synabio1, peut s'appuyer sur les chiffres pour illustrer son propos : les marchés bio du surgelé et des plats préparés ont en effet cru respectivement de 29 % et 22 % entre 2017 et 20182. Avec la croissance du marché végétarien, l'obligation pour la restauration collective d'intégrer 20 % de produits bio3, le marché des produits transformés à base de légumes et fruits bio issus de filières françaises semble avoir un bel avenir devant lui. Bernard Lignon en est convaincu : « La transformation offre de belles opportunités ! »
La transformation reste marginale face au marché du frais
Pourtant, à l'heure où la production en fruits et légumes bio s'accroît, le marché du frais fait de l'ombre à la transformation... Philippe Constant, responsable approvisionnement chez Favols-Naturgie (Lot-et-Garonne), société spécialisée dans la transformation de fruits bio (60 %) et conventionnels, en témoigne : « Nos matières premières sont issues de filières françaises à 25 % et à 41 % de l'Union européenne. Nous souhaitons augmenter la part de fruits français dans nos compotes bio mais c'est encore difficile car une majorité est destinée au marché du frais. » Une réalité qu'il explique en partie par des coûts de production plus élevés en bio, et pas toujours intéressants face aux niveaux de prix de la transformation. Aussi l'entreprise Favols-Naturgie, qui commercialise ses produits sous marques distributeurs mais aussi sous sa marque propre Saveurs Attitudes, a encore du mal à structurer une filière d'approvisionnement régulière : « Peu de producteurs bio se consacrent exclusivement à la production pour la transformation et nous dépendons des écarts de tri des variétés de bouche. Nos volumes de matières premières peuvent ainsi varier du simple au double selon les conditions climatiques. »
Des variétés de bouche peu adaptées à la transformation
« En matière de goût et de tenue, les variétés de bouche ne sont pas toujours
adaptées à la transformation », souligne Philippe Constant de Favols-Naturgie. C'est pour cette raison que la coopérative Sicoly (monts du Lyonnais), spécialisée dans les petits fruits, accompagne ses producteurs dans la mise en place de plantations pour la transformation. Cela passe par un soutien financier aux producteurs, sachant qu'il faut parfois compter cinq ans pour qu'une nouvelle culture entre en production. « La spécialisation et la montée en technicité sont de vrais enjeux, explique le président de Sicoly, Patrick Reynard. Afin d'encourager les producteurs et de sécuriser nos approvisionnements, nous leur assurons des revenus rémunérateurs, au détriment de nos propres marges sur la vente qui sont parfois nulles. »
Éviter une transformation à l'étranger
« Mis à part pour la pomme, la poire ou l'abricot qui ont une filière industrielle bien développée, il est difficile de réaliser certaines opérations de transformation en France, comme l'épluchage ou l'équeutage, déplore Philippe Constant de Favols-Naturgie. Certains produits français sont ainsi envoyés à l'étranger pour ces opérations et reviennent en France pour une seconde transformation ! » Il poursuit : « Il serait opportun de mutualiser les demandes des transformateurs, tant pour structurer une filière d'approvisionnement que pour nous doter d'outils industriels efficaces ».
Mylène Coste
1. Syndicat des transformateurs et distributeurs bio.
2. Source : Agence Bio, AND-International 2019.
3. Article 24 de la loi Egalim.
LE CHIFFRE : + 50 %
C’est le pourcentage de fruits et légumes bio destinés à la transformation d’ici 3 à 5 ans : un l’objectif que s’est fixée l’interprofession fruits et légumes (Interfel / Anifelt) dans son plan de filière (décembre 2017).
Transformation / La coopérative bretonne Triskalia a structuré une solide filière de fruits et légumes bio pour la transformation. Sa filiale Gelagri s’affirme aujourd’hui comme l’un des leaders de ce marché.
« Gelagri », le leader breton des légumes élaborés et surgelés bio
Filiale agroalimentaire de Triskalia, Gelagri est aujourd’hui leader du marché européen des légumes et produits élaborés surgelés. Ses produits sont commercialisés dans la France et le monde sous marque distributeurs (Carrefour, Picard) mais aussi sous la marque désormais bien connue Paysan Breton.« Nous disposons d’une maîtrise totale de la filière de production, explique Clara Baudoin, responsable de la filière chez Triskalia. Les consommateurs sont demandeurs de produits locaux: notre marque Paysan Breton répond aussi à un besoin de proximité et d’identification. »Des légumes précuits et rapides à cuisiner
La gamme bio de légumes et plats élaborés est fortement plébiscitée par les consommateurs. « Nous proposons une diversité de plats cuisinés précuits et rapides à préparer, avec l’idée que les consommateurs de bio n’ont pas plus le temps de cuisiner que les autres », explique Clara Baudoin. Poêlées cuisinées, soupes, gratins de légumes ou encore purées bio ont le vent en poupe dans les rayons. Pour sécuriser l’approvisionnement, la coopérative apporte un soutien technique, mais aussi financier aux producteurs durant les années de la conversion bio, avec un prix intermédiaire entre le conventionnel et le bio.
