Les journées nationales de l’agriculture urbaine se sont tenues à Lyon

Ce jeudi 15 juin, la grande salle de l'Hôtel de Ville est pleine tout comme les rangées de chaises rouges installées sous les lustres brillants. Les 150 à 200 personnes attendues ont répondu présentes. Si autant de monde s'est rassemblé, c'est parce que la métropole de Lyon a tenu, à travers cet événement, à montrer que l'agriculture urbaine et l'environnement sont des points clés du développement pour ces prochaines années. Après trois années consécutives à Paris, l'organisation de journées nationales de l'agriculture urbaine dans la deuxième ville de France est déjà une réussite.
De nombreux porteurs de projets venus de partout en France et de l'étranger sont présents pour échanger, et présenter leurs initiatives. Des personnes, pas nécessairement issues du monde agricole, qui souhaitent aujourd'hui apporter des compétences nouvelles pour faire évoluer ce qui n'a rien d'un phénomène de mode. « L'agriculture rentre dans une nouvelle période, celle du produire autrement » souligne Vincent Ripoche, directeur de l'EPLEFPA (établissement public local d'enseignement et de formations professionnelles agricoles). Avant d'ajouter qu'il est important de « relier les acteurs et d'œuvrer pour soutenir les porteurs de projets ».
Plus d'un siècle d'existence
L'agriculture urbaine n'est pourtant pas nouvelle. Vraiment qualifiée comme telle dans les années 1970, elle existe en France depuis plus d'un siècle. « L'agriculture urbaine est une histoire régionale », aime rappeler Bruno Charles, vice-président de la métropole de Lyon, en charge du développement durable et de la politique agricole. « Il faut remonter 120 ans en arrière pour voir les premiers jardins ouvriers de Saint-Etienne », poursuit-il. Des systèmes qui existent toujours pour faciliter parfois les réinsertions sociales. Car c'est aussi cela, l'agriculture urbaine. Un moyen de créer du lien social. Jardins partagés, communautaires, dans les rues, sur les toits, dans des espaces publics.... autant d'initiatives qui rassemblent la population.
« Depuis deux ans, nous définissons une politique agricole, 700 hectares de toits terrasses sont susceptibles d'être investis », explique Bruno Charles. Mais pour cela, il est nécessaire d'« arrêter l'extension urbaine et de préserver les terrains agricoles » autour de la métropole. Le patrimoine lyonnais d'agriculture urbaine repose déjà sur une base solide : on dénombre plus de 165 sites de jardins communautaires à Lyon. Ce qui représente 95 ha de superficie entretenue par 8 000 personnes et 30 000 directement concernées par la production. Un des exemples les plus marquants de la ville, les jardins Brin d'Guill dans le quartier de la Guillotière, qui ont pour but de transformer les espaces urbains délaissés en jardins communautaires.
S'inspirer de l'exemple québécois
Si Lyon s'inscrit dans la dynamique nationale en termes d'agriculture urbaine, la ville veut également s'inspirer de ce qui se fait ailleurs. « Le mouvement de l'agriculture urbaine est un mouvement international », souligne Éric Duchemin, de l'Université de Québec. Et Montréal est une des villes les plus avancées dans le domaine, puisque 42 % de la population dit détenir un espace jardinable, soit près de 800 000 personnes. Viennent s'ajouter à cela 95 jardins communautaires. Parmi les quelques évolutions récentes, Montréal a développé les campus cultivés, qui permettent aux étudiants de profiter d'une parcelle cultivable au sein de leur université. La ville accorde également beaucoup d'importance à l'apiculture avec plus de 500 ruches localisées en ville, soit 50 fois plus qu'en 2011. Un exemple dont doit s'inspirer Lyon, selon les acteurs présents et plus largement les villes françaises pour développer l'agriculture urbaine. Seulement, avant de vouloir révolutionner la ville, il faut s'assurer de bien le faire. Des études montrent que les jardins partagés ne sont pas aussi efficaces en termes de production que ce que l'on pourrait penser. Il est donc nécessaire de se pencher plus profondément sur de nombreuses questions qui découlent de l'agriculture urbaine comme le sanitaire, la protection des sols... des points importants qui peuvent inquiéter ou freiner les porteurs de projets. Mais nombreux s'accordent à dire que l'« agriculture urbaine est un outil qui va permettre la transition agricole en France », comme le précise Anne-Cécile Duchemin d'Agroparistech, ou qu'elle « crée de l'emploi », selon Éric Duchemin. Elle reste pour l'instant en France plus une histoire de passion qu'une source de revenus. Mais les acteurs souhaitent que cela change, en associant cette volonté de jardinage à des professionnels du métier et des agriculteurs. Pour cela, le plus dur reste désormais à faire : réussir à concrétiser les objectifs fixés, et surtout, les rendre efficaces.
Aurélien Gourgeon
En pratique /De plus en plus utilisées, les cultures hors-sol offrent de multiples avantages, aussi économiques que pratiques. Des arguments de taille pour attirer les habitants des villes à se familiariser à ces systèmes tels l’aquaponie.
La culture hors-sol, fer de lance de l’agriculture urbaine ?
Si les journées nationales de l’agriculture urbaine organisées à Lyon les 15 et 16 juin ont été l’occasion de faire un point sur les enjeux de la production de végétaux en ville, elles ont également permis de découvrir les multiples formes sous lesquelles l’agriculture urbaine se décline. Notamment à travers des visites et des ateliers organisés à la ferme de l’Abbé Rozier à Ecully, et dans différents endroits de Lyon et ses alentours. Car l’un des objectifs de la métropole lyonnaise, pour les prochaines années, est de « passer de 2,5 % à 25 % des urbains concernés par les jardins communautaires », souligne Tatiana Bouvin, du service espaces verts de la ville de Lyon. Un pari osé, qui ne sera réalisable qu’en sensibilisant les citoyens à l’agriculture urbaine. Pour cela, l’hydroponie et l’aquaponie sont des points d’entrées efficaces qui peuvent créer un engouement chez la population. Deux façons, donc, de produire des végétaux grâce à des cultures hors- sol. Dans ce domaine en France, quelques entreprises et start-up ont de grands projets pour les années à venir. C’est le cas de la start-up toulousaine, Citizen Farm, spécialisée dans l’aquaponie depuis 2014. Son but est d’accoutumer les gens à la culture hors-sol grâce à des installations simples tout en réalisant, à côté, des projets plus importants adaptés aux villes. Citizen Farm commercialise plusieurs produits destinés à l’aquaponie à domicile, que ce soit dans une maison ou un appartement. Le plus petit modèle, l’Ozarium, se compose d’un aquarium de moins de 2 kg et d’une contenance de 9 litres, couplé à un système autonettoyant qui permet de faire pousser les végétaux situés au-dessus. Le coût d’un modèle comme celui-ci est de 79 €, sans compter les poissons et leur nourriture. Il a plusieurs avantages économiques et écologiques : 80 à 90 % d’eau sont économisées par rapport à une plantation basique en sol indiquent les concepteurs. Quant à la facture énergétique, elle est limitée puisqu’un aquarium de ce type consomme environ 3 € d’électricité par an.C’est grâce à des projets de ce type que d’autres, plus grands, pourront naître. Et certains ont déjà vu le jour. C’est le cas notamment à Toulouse, où la ville a décidé d’investir dans une ferme urbaine et de l’installer dans un de ses parcs. Une zone de production en aquaponie de 13 m², qui a coûté pas moins de 20 000 €.
800 kg de légumes, 400 kg de poisson
Pour l’instant, les végétaux qu’elle produit ne sont pas commercialisés mais sont utilisés à des fins associatives. Il serait en effet bête de les gaspiller puisque le système, grand de 15 m², acheté par l’Armée du Salut est capable de produire environ 800 kg de légumes par an, avec 400 poissons. Avec ce premier démonstrateur, Citizen Farm continue ses analyses et ses tests. Car de nombreux facteurs varient et influencent la production en fonction des installations (taille, environnement extérieur, climat…). Tandis que des poissons rouges sont conseillés pour des petits aquariums à domicile, les fermes aquaponiques de plus grande taille peuvent utiliser plusieurs espèces, comme des carpes, des poissons-chats ou des écrevisses. Et trouver le bon compromis nécessite une longue période de test. Ce qui est sûr, c’est que ces modes de production intéressent de plus en plus les grandes structures, puisque l’entreprise a déjà été contactée par le groupe Leclerc qui réfléchit par exemple à des lieux de production en aquaponie. Des projets plus grands (fermes urbaines de 130 et 400 m²) sont d’ailleurs déjà en projet pour la start-up.
A. G.

Hydroponie ou aquaponie ?
L’hydroponie consiste à cultiver des végétaux sans que les racines soient ancrées dans le sol et sous couvert de serre. Pour fonctionner, cette technique utilise des solutions nutritives qui permettent aux plantes de s’enraciner et qui reproduisent les conditions que pourrait apporter le sol. Les principaux avantages sont de pouvoir contrôler les apports d’eau et de nutriments et ne pas subir les conditions météorologiques.
Quant à l’aquaponie, elle est basée sur le même principe que l’hydroponie mais combine également l’aquaculture, c’est-à-dire que les nutriments sont apportés grâce aux déjections des poissons. Il suffit alors d’alimenter les poissons qui nourrissent ensuite les plantes.