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Collectivités

Les petites communes rurales se cherchent un avenir

Face aux réductions des dotations de l’État, les petites communes cherchent à trouver de nouvelles pistes d’action. 1 090 communes ont choisi de se regrouper au 1er janvier dernier quand d’autres misent sur l’échelon intercommunal.
Les petites communes rurales se cherchent un avenir

La France compte moins de 36 000 communes depuis le 1er janvier 2016. À cette date, 1 090 communes se sont en effet regroupées au sein de 317 nouvelles collectivités. Ce mouvement de fusion des communes a fait disparaître 773 communes, le plus souvent petites et rurales, mais pas exclusivement.
Quand on se penche sur les 1 090 nouvelles communes, la plus petite d'entre elles regroupe 239 habitants à Mièges dans le Jura. Elle est le résultat de la fusion de trois petites communes. La plus importante, Cherbourg-en-Cotentin, est le fruit de la fusion de cinq communes et compte presque 82 000 habitants. Les communes nouvelles comptent en moyenne 3 543 habitants et 170 communes nouvelles regroupent entre 1 000 et 10 000 habitants. Ce sont donc principalement les communes et villes de petite taille qui se sont regroupées. Dans la Drôme, Mercurol et Veaunes (canton de Tain-l'Hermitage) ont fusionné.

Des dotations de l'État à la baisse

Derrière ces regroupements, il y a plusieurs enjeux. Pour les élus locaux, la création d'une commune nouvelle est aujourd'hui la réponse du terrain à la réorganisation territoriale en cours et aux contraintes financières qui pèsent sur les collectivités. Deux lois ont permis ces rapprochements, celle sur la réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010 complétée par la loi relative à l'amélioration du régime de la commune nouvelle pour des communes fortes et vivantes du 16 mars 2015. La première permet aux communes de se regrouper volontairement. Mais c'est le deuxième texte qui a accéléré la dynamique de rapprochement des communes, car il prévoit une incitation financière forte. En effet, les dotations générales de fonctionnement versées par l'État aux communes qui se sont regroupées avant le 1er janvier 2016 sont figées pendant trois ans alors qu'elles vont baisser pour la plupart des autres au cours des années à venir, de 3,6 milliards d'euros en 2016 puis d'autant en 2017.

De multiples avantages au regroupement

Par exemple, dans l'Ain, la commune nouvelle de Val Revermont est le fruit de la fusion de la petite commune de Pressiat (250 habitants) et de Treffort-Cuisiat (2 287 habitants). « En juillet 2014, je suis allé frapper à la porte de Treffort-Cuisiat, se souvient Jean-Louis Revel, l'ex-maire de Pressiat et maire délégué de Val Revermont. Nous avions des projets mais nous n'y arrivions plus face aux contraintes financières. » En 2014, les ressources de Pressiat et de Treffort-Cuisiat avaient diminué de 10 % avec la baisse des dotations de l'État. Les deux communes avaient déjà de nombreux liens : école et activités périscolaires, associations communes, etc. « Ce rapprochement pour nous était logique, souligne Monique Wiel, maire de Val Revermont. Quand la loi de mars 2015 a été votée, nous avions déjà bien avancé. Ce regroupement permet de relancer des dynamiques dans la nouvelle commune en plus de stabiliser les dotations de l'État pendant trois ans. » Au niveau de la gouvernance, les conseils municipaux ont fusionné jusqu'aux prochaines élections municipales avec trois maires délégués pour les mairies annexes de Pressiat, Treffort et Cuisiat, afin de maintenir des services en proximité des habitants. En l'absence de fusion, la baisse totale des versements de l'État se serait élevée à 595 000 euros en cinq ans pour les deux communes sur la période 2014-2019. « Les habitants n'avaient pas de grosses réticences, mais il fallait les rassurer sur le respect des identités des villages de Pressiat et Cuisiat », indique Monique Wiel, qui souligne également que de cette fusion permet de répondre aux difficultés de personnel communal des petites communes.

Vanick Berberian, président de l’associatioon des maires ruraux de France.

Des économies grâce à la mutualisation

Autre exemple, dans le Rhône, la commune de Thizy-les-Bourgs a été précurseur puisque, depuis le 1er janvier 2013, cinq communes limitrophes ont fusionné : Thizy, Bourg-de-Thizy, La Chapelle-de-Mardore, Mardore et Marnand. La commune nouvelle représente 6 500 habitants. Son maire, le sénateur et ancien ministre Michel Mercier, a imaginé ce rapprochement dès 2010. Face aux craintes des habitants de perdre des services publics (école, mairie, nettoyage, etc.), une charte a été rédigée qui garantit par exemple le maintien d'une école dans chaque village. Mais l'intérêt d'une fusion réside principalement dans les économies réalisées à l'échelle du nouvel ensemble. La mutualisation des achats a par exemple permis d'économiser 35 000 euros sur les fournitures scolaires de la nouvelle commune,
40 000 euros sur les contrats d'assurance. En 2014, la commune a réalisé 420 000 euros d'économie et 120 000 euros en 2015. Autre avantage, là où la masse salariale des communes croissait, elle a été stabilisée avec la fusion. Les impôts ont été nivelés par le bas. Autre avantage, vu de Paris, la commune nouvelle a atteint une masse critique suffisante qui lui assure de conserver son lycée, son hôpital ou sa gendarmerie. Même si ce mouvement de rapprochement des communes est fort, Vanik Berberian, le président de l'association des maires ruraux de France y est quelque peu réticent : « Notre position n'est pas toujours bien comprise. Nous sommes favorables à la création d'une commune nouvelle si elle répond à un besoin et si c'est une volonté des habitants. Mais les maires qui créent une commune nouvelle juste pour toucher trois ans de dotation globale de fonctionnement (DGF) sont indignes de leur fonction. » 

Camille Peyrache

 

Le redécoupage territorial prévoit des structures intercommunales de plus en plus étendues. Les nouveaux périmètres ont fait naître des réactions hostiles chez certains élus, voire chez les citoyens.

Des intercommunalités qui ne font pas toujours l’unanimité

Les nouvelles communautés de communes forcées sont vouées à l’échec ». Le président de l’AMRF (association des maires ruraux de France) et premier édile de la petite commune de Gargilesse-Dampierre dans l’Indre, Vanik Berberian, n’y va pas par quatre chemins. Le 31 mars, les préfectures valideront les nouveaux périmètres des intercommunalités. Certains d’entre eux ne font pas l’unanimité, auprès des élus principalement mais aussi parfois des citoyens.
Manifestation dans les Monts du Lyonnais
Le 27 février, plus de 600 personnes ont marché entre Saint-Symphorien-sur-Coise et la zone d’aménagement de la Croix-Chartier, à Saint-Denis-sur-Coise, un trajet symbolique qui fait fi de la limite départementale entre le Rhône et la Loire. Le motif de ce rassemblement citoyen ? Le risque de voir disparaître l’entité Monts du Lyonnais. « Nous souhaitons que les trois communautés de communes des Monts du Lyonnais fusionnent. Il y a un historique, des habitudes de travail, une culture commune », explique Lucas Rumpus, une des chevilles ouvrières de ce mouvement. Problème, les Monts du Lyonnais sont à cheval sur deux départements et l’une des trois intercommunalités est située dans la Loire. Chaque préfet a fait sa proposition, celui de la Loire souhaitant que les communes ligériennes des Monts du Lyonnais intègrent la communauté « Forez-Est » ; trois communes ont d’ailleurs déjà délibéré en ce sens. « Si une partie du territoire rejoint l’intercommunalité ligérienne, les Monts du Lyonnais risquent d’exploser puisqu’une autre zone se tournera alors vers la communauté de communes de l’Arbresle », craint Lucas Rumpus.
À ce jour, près de 2 500 personnes ont signé la pétition « Monts du Lyonnais unis » et la dernière CDCI (commission départementale de coopération intercommunale) du Rhône leur laisse quelques motifs d’espoir. Des négociations entre les élus et les deux préfets devraient permettre de trancher.
Bassin de vie non respecté
Autre exemple, le village de Châteauneuf-de-Vernoux en Ardèche. Pas de problème de limite départementale ici mais simplement de bassin de vie. La communauté de communes a été rattachée par décision du préfet à l’agglomération de Privas. « Nous sommes tournés vers la vallée et avons voté notre rattachement à Rhône-Crussol qui eux ne veulent pas de nous… », explique le maire, Christian Allibert, qui regrette que le bourg principal du territoire, Vernoux, ait de son côté opté pour un rapprochement avec Privas. « On ne respecte pas le bassin de vie. Une personne qui a un problème de santé ici ne sera pas envoyée à Privas, même si elle en fait la demande, mais directement à Valence ». Le maire reproche en outre l’absence de concertation et la précipitation de la réforme, problèmes d’ailleurs relevés par le Conseil de l’Europe qui a tancé la France sur sa réforme territoriale.
Malgré la pétition qui circule sur internet - Le pays de Vernoux veut choisir -, Christian Allibert fera contre mauvaise fortune bon cœur mais demeure inquiet des conséquences de ce rattachement, en matière fiscale et de représentativité notamment.
Avec ce redécoupage territorial, bon nombre de petites communes rurales vont rejoindre des communautés d’agglomération. Si l’inquiétude pointe chez certains élus, d’autres sont plus optimistes. La communauté de communes de Bains-les-Bains dans les Vosges va rejoindre l’agglomération d’Épinal et former un ensemble de plus de 120 000 habitants. « Pour compter dans une nouvelle région qui est immense, il faut de grandes communautés de communes », estime le maire de la petite ville, Frédéric Drevet. « Je n’ai pas l’impression d‘être avalé. Nous avons des atouts. Ma commune est une station thermale, nous allons apporter à la communauté d’agglomération du tourisme et de l’authenticité », assure-t-il. 
D. B.