Les préfets de la Drôme et du Vaucluse au contact des jeunes agriculteurs

C’est une journée toute particulière et certainement inédite qu’ont proposé conjointement les Jeunes Agriculteurs de la Drôme et du Vaucluse le 30 juin, avec l’invitation lancée aux préfets des deux départements, Hugues Moutouh pour la Drôme et Bertrand Gaume pour le Vaucluse. Bruno Bouche, président des JA 84, et Léa Lauzier, co-présidente des JA 26, leur ont proposé une journée sur le terrain de plusieurs exploitations tenues par des jeunes agriculteurs. « Cela permet d’évoquer les problématiques rencontrées sur le Sud-Drôme et le Nord-Vaucluse », a commenté Léa Lauzier. C’est sur l’exploitation de Mathieu Peysson, viticulteur et éleveur de poules pondeuses à Tulette, que la visite a débuté. Il s’est installé en 2014 sans dotation jeune agriculteur (DJA) en EARL avec ses parents. Ce jeune homme de 25 ans élève 3 800 poules pondeuses en label rouge fermier et cultive 45 hectares (ha) de vignes en Côtes-du-Rhône et vin de pays. « Le poulailler a été construit en 2010, pour sauver l’exploitation suite à la crise du monde viticole », a noté Mathieu Peysson. En lien avec le groupement Cocorette, le trio d’éleveurs ramasse encore les œufs à la main. Mais les difficultés liées au conditionnement le restreint à développer davantage la vente directe à la ferme. « Il faut détenir un agrément européen pour conditionner au-delà de 250 œufs. Mais le coût de l’investissement est important : 6 000 € en moyenne pour bénéficier de l’agrément et 15 000 € environ pour une petite calibreuse, sans compter le prix du centre de conditionnement. Il nous faudrait plus de sept ans pour l’amortir », a regretté l’éleveur.
Inquiétudes autour de la réforme de la Pac
Le convoi préfectoral a ensuite pris la route vers Suze-la-Rousse où l’attendait Corentin Hugouvieux, agriculteur en plantes aromatiques et cultures de plein champ sur 17 ha. Jeune agriculteur depuis mars 2018, l’exploitant cultive des maïs et tournesol semences, ainsi que du lavandin pour l’huile essentielle et toutes les herbes aromatiques nécessaires au mélange des herbes de Provence. Corentin Hugouvieux a touché 22 000 € d’aide à l’installation dans le cadre familial. Ces explications ont permis d’énoncer la problématique majeure à laquelle les jeunes agriculteurs sont confrontés : la future réforme de la Pac. A ce sujet, Jordan Magnet, vice-président des JA de la Drôme et désormais secrétaire général des JA Auvergne-Rhône-Alpes, est intervenu pour alerter les politiques. « Nous sommes dans le doute le plus complet quant à la transition du nouveau budget de la Pac. Pour l’instant, nous continuons d’installer des jeunes exploitants mais nous empiétons sur l’enveloppe 2021. Devons-nous ralentir le nombre d’installés ? Nous devons savoir à quoi nous en tenir pour pouvoir anticiper et ne pas envoyer les jeunes au casse-pipe », a-t-il interpellé, alors que le budget agricole est annoncé en baisse de 3 %. Ce à quoi le haut-fonctionnaire Hugues Moutouh a répondu : « Après discussion avec Didier Guillaume, ministre de l’Agriculture, il y a une vraie volonté de favoriser l’installation des jeunes ». De son côté, Isabelle Nuti, directrice de la DDT de la Drôme, a observé qu’il y aurait « certainement moins de marge de manœuvre que dans le passé », spécifiant une série d’inconnues qui laisse place au doute.
Le projet d’irrigation HPR à portée politique
Les discussions se sont poursuivies au restaurant La Table du Moulin à Suze-la-Rousse toujours, pour un repas politique axé sur le projet d’irrigation des Hauts de Provence rhodanienne (HPR). Pour rappel, ce projet est né en 2003 suite à l’annonce de l’interdiction de creuser des forages dans la nappe du Miocène. Depuis 2011, un travail a été engagé par les institutions agricoles pour élaborer un schéma d’irrigation comprenant différentes prises d’eau dans le Rhône.
Ce projet de grande ampleur, qui constitue une question de survie pour la conservation des agriculteurs et des productions locales, est suivi de près par les JA. « L’idée affichée par les JA de la Drôme et du Vaucluse était d’organiser une rencontre entre députés et sénateurs locaux, afin qu’ils soient partie prenante du projet. Nous souhaitions par ce biais faire bouger les choses d’un point de vue politique. Ce projet est territorial et tous les acteurs du territoire doivent en être conscients : tourisme, collectivités locales, incendie », a expliqué Léa Lauzier. Alors que les prochaines réunions devraient être relocalisées au cœur même du projet, à Suze-la-Rousse et ses alentours, les premières suggestions seraient de procéder tronçon par tronçon, en commençant par mettre sous pression les réseaux gravitaires et faire coexister les associations syndicales autorisées (ASA) afin qu’elles puissent travailler sur ce projet d’une économie des ressources en eau. Plusieurs scénarios sont actuellement à l’étude. Toutefois, les deux préfets présents se sont accordés à dire qu’un maillage territorial était nécessaire. La journée s’est terminée dans le Vaucluse, sur l’exploitation de Johanna Régnier, maraîchère et éleveuse de poules pondeuses à Visan. Là, ont été évoqués les sujets de la vente directe et du locavorisme (c’est-à-dire la consommation locale), de la concurrence étrangère et de la main-d’œuvre en agriculture.
Amandine Priolet