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Vercors lait

Les producteurs en attente de ruissellement

Lors de l’assemblée générale de la coopérative laitière, le 31 janvier à Autrans, les bons résultats de l’entreprise ont suscité
des attentes chez certains producteurs. Il a également été question de volume et de qualité.

Les producteurs en attente de ruissellement

Avec 9,6 millions de chiffre d'affaires total(1), Vercors Lait se porte bien. L'entreprise continue gentiment sur sa lancée, en fabriquant 680 tonnes de fromages, dont 160 en bio. La production est commercialisée à travers un réseau de 400 clients, conforté par trois magasins de vente directe et leurs boutiques en ligne. En 2019, les points de vente Vercors lait ont ainsi totalisé
160 000 passages en caisse, avec un panier moyen d'une trentaine d'euros (produits Vercors lait et activité de négoce confondus). Une belle performance, saluée lors de l'assemblée générale le 31 janvier à Autrans, mais aussi prétexte à débats.

Qualité

Car les chiffres de l'exercice 2018-2019, si bons soient-ils, masquent quelques couacs. « C'est une bonne année, car nous retrouvons une rentabilité, résume le directeur de la coopérative, Philippe Guillioud. Mais nous avons été plombés par un épisode bactériologique et quelques problèmes sur les lactiques.  » Conséquences  : un budget analyses (fromages et lait) de plus de 110 000 euros et une facture de 114 000 euros pour la seule destruction des fromages non conformes, sans compter 80 000 euros de manque à gagner (fromages non livrés suite aux ruptures).
Au total, l'incident de parcours aura coûté près de 300 000 euros à la coopérative. D'où le focus sur la gestion de la qualité, présenté par Geneviève Grisot. La responsable qualité de l'entreprise a évoqué les principales évolutions de la législation sur le lait cru et celles du réglement intérieur, négociées avec un collège d'une quinzaine d'éleveurs. Elle en a profité pour faire une piqûre de rappel sur quelques pathogènes particulièrement virulents comme les listeria, les enterotoxines ou les souches STEC(2). Deux journées de formation sur les flores utiles et les pathogènes ont d'ailleurs été programmées les 18 février et 13 mars.

Hausse de la transformation

Concernant les volumes de lait traités par la coopérative, les chiffres font apparaître une baisse notable du litrage disponible (-22,7 %), qui passe de 7,9 millions de litres (exercice 2017-2018) à 6,1 millions (2018-2019). Cette chute correspond à la fin de l'accord de collecte avec Sodiaal et se traduit par une baisse de 88 % des ventes de lait. En revanche le lait traditionnel collecté transformé augmente de 2,6 % (4,1 millions de litres) et bondit de 25 % en bio (1,7 million de litres), ce qui explique la hausse de 13,2 % des ventes de produits fabriqués (5,5 millions d'euros).
Dans les comptes, cette progression du volume de lait transformé se traduit par une augmentation mécanique de 6 % des charges de personnel. « Pour faire plus de fromages, il faut plus de monde, surtout vu les contraintes du cahier des charges de l'appellation (salage à la main, retourne à la main etc.) », justifie le directeur. Dans la salle, certains producteurs de lait tiquent et s'interrogent sur le ratio entre le nombre d'exploitations (33) et le nombre de salariés embauchés par la coopérative (51). « Ça interpelle, lance un éleveur. On a du mal à se tirer un Smic et on voit que la coop emploie 1,5 salarié par coopérateur. » Réponse sèche de Philippe Guillioud : « On fait du chiffre d'affaires et on fait grimper le prix du lait, mais ça ne se fait pas sans personnel. Là, vous avez une entreprise qui fait vivre le territoire et qui vous permet de voir l'avenir de façon sereine. »

Pas de baguette magique

La discussion roule ensuite sur le prix du lait. En prix moyen, Vercors Lait verse 368 euros les 1 000 litres(3) aux producteurs conventionnels (385 euros pour le plus haut, obtenu par 13 producteurs, et 319 euros pour le prix moyen le plus faible), qui monte à 456 euros pour le bio. « On va voir ce qu'on peut faire, avance Paul Faure, le président de la coopérative. Il y a de l'impatience, je le comprends, surtout quand on voit les chiffres de la production qui grimpent.  » Le propos se veut apaisant, mais ne calme pas la grogne sourde de certains. Il y a ceux qui invoquent le dérèglement climatique et les surcoûts entraînés par l'achat de compléments, surtout en bio, et ceux qui préviennent que « si on reste à des prix comme ça, certains éleveurs risquent de partir vers d'autres coop ». « Si on veut motiver les jeunes, la clé, c'est le prix du lait », renchérit un producteur. Certes, mais pour les responsables qui n'entendent pas « dépenser l'argent qu'on n'a pas  », la marge de manœuvre est étroite. « Nous n'avons pas de baguette magique, argumente Paul Faure. Nous avons une entreprise à faire tourner. Le prix du lait, on veut le faire progresser : on le construit. Je vous rappelle qu'il y a quinze ans, nous avions le moral dans les chaussettes. » 
Marianne Boilève
(1) 7,216 millions d'euros de chiffre d'affaires global pour la coopérative et 2,455 millions pour la SARL Bleu Vercors en charge de l'activité de négoce, qui rétrocède ses dividendes à la coopérative.
(2) Les STEC (Shiga-toxin-Producing Escherichia coli) sont impliquées dans de nombreuses épidémies alimentaires. Elles peuvent se traduire par des colites hémorragiques et dégénérer en infection grave chez les jeunes enfants et les sujets âgés.
(3) En 2018, le prix de base moyen s'établissait autour de 330 euros en Isère, selon les relevés de Thomas Huver, de la chambre d'agriculture.

 

Les évolutions du règlement intérieur  de la coopérative  

• Obligation de disposer d’un filtre avant le tank à lait
• Diminution des pénalités (30 euros/1 000 litres) et institution d’un délai de carence de 21 jours lors d’une première non-conformité
• Maintien des pénalités (60 euros/1 000 litres) et absence de délai de carence en cas de récidive
• Obligation, pour les livreurs irréguliers, de réaliser deux analyses dans les 15 jours précédant une reprise
• Obligation de signaler à la fromagerie tout dysfonctionnement avant l’intervention de Galactea
• Duplication de la grille été en hiver pour le paiement butyrique
• Ajout d’un contrôle d’E.Coli par mois dans le cadre du paiement à la qualité. 

En chiffres

En 2019, Vercors lait a fabriqué 680 tonnes de fromages, dont 369 tonnes de bleu du Vercors-Sassenage, 78 tonnes de vercorais, 33 tonnes de vercorette, 48 tonnes de bournette, 70 tonnes de saint-marcellin et saint-félicien.
A côté de la commercialisation des produits maison (78% du chiffre d’affaires), ses magasins exercent une activité de négoce qui leur a permis de vendre  700 meules de comté,  200 de beaufort, 120 d’emmental,  18 tonnes de tomme de Savoie,  15 000 tonnes de ravioles et 8 tonnes de charcuterie.