Les producteurs en vente directe s’organisent pour trouver de nouveaux débouchés

Il aura fallu moins de 12 heures au magasin de la Ferme des saisons à Murianette (Isère) pour réagir. Mardi 17 mars, soit au lendemain de l'annonce présidentielle d'un confinement généralisé et de mesures strictes de circulation, Élisabeth Perrot, maraîchère, transformait son point de vente à la ferme, trop exigu, en drive fermier. « Nous avons la chance d'avoir une entrée et une sortie de la ferme », explique Élisabeth Perrot. Les clients rentrent dans la ferme en voiture, les exploitants leur glissent le petit, moyen ou grand panier qu'ils ont commandé dans le coffre et ils règlent par chèque à la sortie. « C'est un système où les clients se sentent en sécurité et nous aussi », commente l'agricultrice.
Face aux coups durs...
Les initiatives de ce type se sont multipliées ces derniers jours. Il faut dire que les mesures de confinement et l'arrêt de certaines activités économiques non essentielles annoncés par le chef de l'État puis le gouvernement pour lutter contre la propagation du coronavirus ont eu des effets directs sur les agriculteurs en circuits courts. La fermeture des écoles et des restaurants, tout d'abord, a stoppé net les débouchés en restauration hors domicile. La suspension des marchés depuis le 24 mars a fini d'achever une partie de la profession, pourtant indispensable à la survie de la nation. « Dans le Rhône, ce sont 350 marchés qui sont concernés », se désole Pascal Girin, éleveur laitier à Grandris, qui transforme et vend une partie de sa production en direct. Également président de la FDSEA du Rhône et référent syndicalisme économique à la FRSEA Auvergne-Rhône-Alpes, le professionnel parle d'un impact énorme pour tous les producteurs qui vendent sur ces marchés. « Il y a eu beaucoup de réactions et un immense désespoir de la part de certains », complète-t-il. La pression de la profession auprès des pouvoirs publics (lire ci-contre) a heureusement permis la réouverture d'une partie d'entre eux. « Soixante-cinq marchés ont été rouverts dans le Rhône », affirme le syndicaliste.
... des actions un peu partout
En attendant, des producteurs ont cherché et trouvé des solutions. Parfois avec l'aide des organisations professionnelles agricoles ou des collectivités. « Les organisations professionnelles se débattent pour trouver des débouchés aux producteurs qui n'en ont plus et des lieux d'achat à des secteurs qui les ont perdus », témoigne Pascal Girin. A Villefranche-sur-Saône (Rhône), des négociations ont été lancées avec la mairie pour permettre aux producteurs privés du marché couvert de proposer à leurs clients des paniers de produits frais. Le système devrait être opérationnel ces jours-ci.
A Tarare (Rhône), la mairie annonce « la mise en place d'un système de « retrait de commandes » à la place du marché forain, en lien avec les producteurs locaux », peut-on lire sur son site Internet. Le système fonctionnera à partir du 4 avril. Toujours dans le Rhône, la chambre d'agriculture a lancé en début de semaine une carte interactive pour « localiser les différents lieux de distribution des produits fermiers du département et permettre ainsi aux consommateurs de savoir où s'approvisionner près de chez eux », indique un communiqué le 30 mars. La chambre d'agriculture de la Loire sert de plateforme d'échanges et de relais entre les producteurs et la préfecture. En Isère, la profession agricole plancherait sur l'organisation de marchés éphémères.
La chambre d'agriculture d'Auvergne-Rhône-Alpes a annoncé le 31 mars la mise en place sur son site internet d'une plateforme qui recense tous les producteurs fermiers près de chez nous.
... et une incitation à consommer local
Dans plusieurs départements, les grandes surfaces ouvrent leurs rayons aux producteurs locaux. Dans la Loire, une page Facebook « Du producteur au consommateur 42 », a été créée il y a quelques jours et affiche 3 852 membres (au 30 mars, NDLR). L'initiative spontanée met en relation les producteurs et les consommateurs. Même type d'action via la page « Producteurs d'Ardèche », soutenue par la chambre d'agriculture départementale. Plusieurs autres départements ont déployé des systèmes de contacts similaires. Du local au national, producteurs, intermédiaires, acteurs publics se mobilisent afin de dégager de nouveaux débouchés pour ces agriculteurs qui se trouvent eux aussi complètement chamboulés par la crise sanitaire que nous vivons. Avec pour mot d'ordre le manger Français et le consommer local. « Nos producteurs locaux participent à nourrir les habitants de leur territoire et sont des acteurs dans le combat contre cette crise. Il est important de les aider et de les soutenir dans leurs démarches », clame la chambre d'agriculture du Rhône.
Sébastien Duperay
A lire l'initiative en Drôme en cliquant ici
VENTE DIRECTE / La réouverture des marchés, une nécessité en Auvergne-Rhône-Alpes
Sitôt la fermeture des marchés de plein air annoncée par le Premier ministre (lundi 23 mars, NDLR), Gilbert Guignand, président de la chambre régionale d’agriculture Auvergne-Rhône-Alpes est intervenu auprès de Michel Sinoir, directeur de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (Draaf) d’Aura, pour l’alerter sur les conséquences de cette décision sur l’activité agricole régionale. Pourquoi rouvrir les marchés ? Parce que la vente directe, de producteurs à consommateurs, concerne 15 000 exploitations en Auvergne-Rhône-Alpes, soit près d’un quart d’entre elles. Et parce que 20 % du volume des produits fermiers (cultivés et transformés dans une exploitation agricole) de la région sont commercialisés sur des marchés, urbains ou ruraux, répartis sur l’ensemble du territoire. « C’est l’un des circuits de commercialisation les plus importants. Il permet aux producteurs réalisant de la vente directe de se rapprocher des consommateurs. Certes, la vente à la ferme et les livraisons sont encore possibles mais la distance géographique peut être un frein pour nos concitoyens », explique Gilbert Guignand dans un communiqué le 25 mars.Double peine Après l’annonce le 16 mars du président de la République de fermer les écoles et celle, deux jours plus tard, du Premier ministre, de fermer les restaurants, les producteurs avaient déjà perdu le débouché de la restauration hors domicile. La suspension des marchés est donc vécue comme une double peine par les professionnels. « C’est dans ce contexte peu favorable que la saison de pleine production commence pour les fruits et légumes mais aussi pour certaines productions fromagères. Si les circuits de commercialisation se ferment les uns après les autres, les productions non commercialisées vont se périmer, ce que nous n’acceptons pas », précise la chambre régionale d’agriculture.Si la priorité reste bien sûr la protection de tous les consommateurs qui souhaitent continuer à venir sur les marchés, l’organisme consulaire énumère un certain nombre de solutions possibles : « les agriculteurs, en lien avec les municipalités et la profession agricole, peuvent proposer de nombreux aménagements et solutions complémentaires comme l’instauration d’une file d’attente pour accéder au marché avec respect des consignes strictes de distance et affichage des consignes, l’accès prioritaire aux personnes âgées et à mobilité réduite, la limitation du nombre de stands ouverts chaque jour pour un meilleur espacement, l’augmentation du nombre de jours d’ouverture du marché pour répartir les stands, etc. ».Des avancéesLa pression de la profession aurait a priori porté ses fruits. « Les préfets de région ont fait remonter la problématique à Paris », indiquait en début de semaine le président de la chambre d’agriculture Aura. Les préfets de département auraient ensuite « bien joué le jeu et donné des dérogations à une bonne partie des maires qui en ont fait la demande ». Résultat : une partie des marchés a pu ou pourra rouvrir, selon le professionnel, dans une proportion qu’il ne connaissait pas encore à ce jour. Restaient en début de semaine quelques points noirs, autour des grandes villes notamment, et de celle de Saint-Étienne en particulier, rapportait Gilbert Guignand.Au niveau national, environ un quart des 10 000 marchés de plein vent auraient obtenu une autorisation préfectorale pour être rouverts, a annoncé lundi 30 mars Monique Rubin, présidente de la Fédération des marchés de France. nS. C. et S. D. avec communiqué