Les retenues collinaires à nouveau aidées

« Certains bassins versants du département sont classés en déficit quantitatif d'eau, constate François Dubocs, conseiller irrigation à la chambre d'agriculture de la Drôme. Sur ces secteurs, tous usages confondus, des économies seront donc à faire. On s'oriente vers une gestion plus restrictive des prélèvements dans les cours d'eau en période d'étiage. Il ne sera plus possible de créer de nouvelles surfaces irriguées par pompage dans ces cours d'eau. Le stockage hivernal sera la seule solution. »
En plus, avec le réchauffement climatique, les besoins en eau des productions s'accroissent, même pour celles de type méditerranéen. François Dubocs illustre cette évolution avec un exemple : sur les 40 dernières années, pendant la période d'irrigation, l'ETP(1) a augmenté de 55 millimètres à Montélimar.
Des subventions
« Dans les années 1980 et 1990, le conseil général de la Drôme avait octroyé des subventions conséquentes pour le stockage d'eau, rappelle le conseiller irrigation de la chambre d'agriculture. Depuis une quinzaine d'années, il n'y a eu quasiment aucune réalisation. » Aujourd'hui, des aides sont à nouveau accordées pour la réalisation de retenues collinaires destinées à économiser de l'eau (pour éviter de prélever dans des cours d'eau à l'étiage) mais aussi pour la substitution(2) et la création de nouvelles surfaces irriguées. « Même si ce ne sera pas l'âge d'or de la retenue collinaire, un soutien est à nouveau possible, observe François Dubocs. Ce ne sont pas des aides systématiques mais des appels à candidature pour des projets collectifs ou individuels. »
L'Agence de l'eau, la Région, le Département et l'Union européenne (Feader3) financent ce soutien. L'appel de candidatures et les taux de subvention sont encore susceptibles d'évoluer. Cependant, concernant la création de nouvelles surfaces irriguées, le taux de base de l'aide devrait être de l'ordre de 70 % pour les collectifs. Et de 40 % pour les individuels mais majoré de 10 % dans trois cas : pour un jeune agriculteur, en zone de montagne, en bio. Si ces trois conditions sont cumulées, le taux devrait donc également atteindre 70 %. S'il amène des économies d'eau, le renouvellement de matériel d'irrigation pourra aussi être subventionné : par exemple, l'aspersion remplacée par du goutte à goutte. La prochaine session de la commission des aides se tiendra en juin. Les dossiers sont à déposer d'ici fin mars à la DDT, qui fait office de guichet unique. « Ces aides ont un intérêt pour créer des réserves dans les zones de montagnes sèches, l'arrière-pays, qui sont la seule possibilité de stocker de l'eau, confie François Dubocs. Sachant que, sur l'année, il ne manque pas de pluies. »
Un accompagnement
Pour la création d'une retenue collinaire, la chambre d'agriculture propose un accompagnement sous la forme d'une visite d'émergence. Elle apporte un appui dans l'analyse des besoins (dimensionnement), le choix des sites, l'identification des contraintes à lever, le montage du dossier de demande de subvention... « Cette visite permet d'élaguer le projet, de vérifier s'il est faisable, si le site s'y prête », explique François Dubocs. La chambre d'agriculture n'intervient pas dans la conception (complexe) de projets de retenue collinaire. Mais elle met en relation les porteurs de projet avec les corps de métier qui s'en chargent : géologue, géomètre, maître d'œuvre, cabinet spécialisé pour le dossier « loi sur l'eau » à constituer et déposer...
Annie Laurie
(1) ETP : évapotranspiration.
(2) Substitution : passage d'un prélèvement d'eau dans une ressource classée en déficit à une ressource non sensible.
(3) Feader : fonds européen agricole pour le développement rural.
Enveloppe des aides
Région : 1,6 million d'euros par an du PDR(*) Rhône-Alpes 2015-2020 pour les 8 départements.Europe : 1 million d'euros par an du Feader pour tout Rhône-Alpes.
Département : 250 000 euros par an.
Agence de l'eau : soutien uniquement sur les économies d'eau et les substitutions (jusqu'à 80 % d'aide en bassin déficitaire) ; pas de subvention pour la création de nouvelles surfaces irriguées.(*) PDR : programme de développement rural.
Stockage d'eau / A Bourdeaux, Benjamin et Colette Tron arrosent des cultures avec une retenue collinaire. Ainsi, ils peuvent produire des semences et sécuriser des récoltes.Benjamin Tron : « Le lac est un plus pour notre revenu »

En 1991, Michel et Colette se sont dotés d'une retenue collinaire d'une capacité de 15 000 m³ pour pouvoir cultiver maïs et tournesol semences sous contrats. De 40 000 euros (matériel compris), l'investissement a été subventionné à 50 %. Creusé dans la marne, l'ouvrage est alimenté par les eaux de ruissellement et un ruisseau. « L'été, nous arrosons avec l'eau stockée lors des pluies d'automne et d'hiver », précise Benjamin. 27 hectares sont irrigables avec cette réserve d'eau et 3 autres avec le Roubion.Un intérêt économique et écologique
Les céréales et la luzerne sont arrosées avec un enrouleur en cas de sécheresse printanière afin d'assurer une récolte. Les semences le sont avec une couverture intégrale (meilleure qualité d'irrigation). Dans la retenue collinaire, l'eau est prélevée en surface avec une pompe mobile (descendue au fur et à mesure que le niveau de l'eau baisse). « Tempérée, elle stresse moins les plantes que l'eau froide, explique Benjamin. Et, si possible, nous irriguons uniquement la nuit pour éviter du gaspillage. Les années de sécheresse estivale, l'eau du lac peut être toute utilisée mais en général les besoins sont bien couverts. Nous arrosons surtout la luzerne et le tournesol semences, le reste si nécessaire. Sans l'irrigation, nous n'aurions pas de contrats de semences. Elle nous permet des cultures plus valorisantes (semences et bio) et de sécuriser des récoltes. Ce lac est vraiment un plus pour notre revenu. Il a été bien pensé. Il se fond dans le paysage, attire la faune sauvage et toute une flore s'est développée autour. »A.L.
Point de vue / Yvon Palayer, élu de la chambre d'agriculture, est responsable du comité d'action et de progrès (Cap) Crestois-Basse vallée de la Drôme. Son sentiment sur les retenues collinaires, les aides et l'appui de la chambre d'agriculture.Les retenues collinaires : de l'eau en soutien

Au niveau du Cap, nous venons de lancer une réflexion sur le sujet. Il y a des besoins pour soulager la rivière Drôme, nous devons avancer. Il faut aider les projets d'irrigants individuels ou de petits collectifs. Dans la vallée de la Gervanne, où il y avait déjà eu un projet voici une vingtaine d'années, une réflexion serait à engager.
L'intérêt d'une retenue collinaire, c'est d'avoir de l'eau en période d'étiage, quand on ne peut plus pomper dans la rivière. Elle arrive alors en soutien. Malgré les projets de réseaux collectifs réalisés par le Sid(*), il faut que les irrigants individuels aient une réflexion sur le stockage d'eau de façon à anticiper les éventuelles restrictions et l'effet du changement climatique. Les agriculteurs ayant un projet de retenue collinaire en amont de Crest peuvent profiter d'une subvention pour le réaliser. Et ils peuvent s'appuyer sur la chambre d'agriculture pour en vérifier la faisabilité. »Propos recueillis par Annie Laurie(*) Sid : syndicat d'irrigation drômois.