Les semis de couverts dans les noyeraies

Le 18 novembre, la chambre d'agriculture avait donné rendez-vous dans la noyeraie de Benoît Villard, à Hostun, pour une rencontre Innov'action dédiée aux semis de couverts végétaux. Au programme : présentation de mélanges légumineuses-graminées, des effets recherchés, de semoirs et démonstration de semis.
Ghislain Bouvet, conseiller en production noix au sein des chambres d'agriculture de la Drôme et de l'Isère, a expliqué le pourquoi de cette rencontre : « L'intérêt des couverts végétaux en termes agronomique et fertilisation a été montré sur d'autres espèces végétales. En noyers, il reste à démontrer, on est vraiment au début. Ce travail a été initié par le comité de territoire du Sud Grésivaudan voici trois ans. Si les résultats sont concluants, il faudra des solutions de semis. Et pour l'agriculteur, il y a un aspect pratique : comment semer sans trop déstructurer sa pelouse. » L'objectif est d'éviter les lessivages, d'essayer de réduire le dernier apport d'azote et de réactiver la vie biologique en profitant du repos hivernal des noyers.
Semer en post-récolte
Les couverts végétaux sont à semer après la récolte des noix (fin octobre-début novembre), a indiqué Ghislain Bouvet. Idéalement après broyage des feuilles pour éviter des problèmes d'anthracnose. Et ces couverts doivent être broyés le plus tard possible, c'est-à-dire courant mai. Cela, en fonction toutefois des conditions climatiques du printemps pour ne pas concurrencer les noyers, notamment en eau au moment où le calibre des noix se fait. Les couverts peuvent alors atteindre plus d'un mètre de hauteur (voire 1,5).
Au moins quatre graines
Autour de 150 kilos à l'hectare « semble la dose de semis la plus adaptée, selon le technicien. Ce n'est pas une science exacte mais un ordre de grandeur. Nous n'avons que trois ans de recul. Un maximum de 30 % de graminées dans les mélanges est conseillé. Sinon, le couvert ne présente pas d'intérêt par rapport à l'enherbement naturel. » Les mélanges sont composés, en général, d'au moins quatre graines différentes (pois, féverole, céréales à pailles). Ainsi, pendant le semis, les grosses graines et les petites ne se trient pas avec les secousses. Et le semis est homogène. « Trois ans d'expériences l'ont montré, a indiqué Ghislain Bouvet. Des agriculteurs vont poursuivre ces essais de mélanges dans le cadre du réseau Déphy Ecophyto noix. »
Olivier Gamet, nuciculteur à Chatte (en Isère), initiateur de la technique, est l'un d'eux. Il implante des couverts végétaux depuis sept ou huit ans sur des terres en grandes cultures. En 2012, il a décidé d'essayer aussi en vergers de noyers afin de profiter des atouts de cette technique. Il a commencé sur 50 ares et a testé différents mélanges de couverts. Concernant les espèces végétales semées, « ce qui ressort le mieux, a constaté Olivier Gamet, c'est la diversité dans les mélanges, surtout avec des légumineuses. L'idée est d'apporter beaucoup d'azote pour essayer de relancer la vie du sol. Je suis convaincu par cette technique. Elle donne des résultats en grandes cultures. Le tout, c'est d'adapter les couverts semés sous les noyers. A poursuivre, donc... »
Un effet « spectaculaire » sur le sol
Pierre Berger, nuciculteur à Beaulieu (en Isère également) teste lui aussi des couverts, depuis quatre ans. Cette année, il a semé un mélange de vesce, féverole, pois, avoine et blé. Souvent, il met plusieurs variétés de féverole et de pois (car elles sont plus ou moins gélives). Sur son exploitation et celle d'Olivier Gamet, ont été réalisés des suivis et analyses de densité en sortie d'hiver, biomasse, reliquat azoté. « Nous avons quelques résultats, même s'ils sont partiels car nous n'avons que deux ans de suivis », a noté Ghislain Bouvet. Chez Olivier et Raphaël Gaillard, éleveurs-nuciculteurs à Saint Vérand, un effet « spectaculaire » a été observé avec le test d'infiltration d'eau. Dans le sol de la partie « couvert végétal », quantité de galeries de lombrics étaient visibles et l'eau s'est infiltrée rapidement. Dans la partie « témoin » (enherbement spontané), l'eau a stagné et les vers de terre étaient peu présents. Le conseiller s'est dit surpris par ces résultats sur la perméabilité du sol obtenus en si peu de temps. Et de remarquer : « C'est un point positif car il existe des problèmes de flaquage dans les vergers de noyers. Il y a quelques soucis de tassement, notamment lorsque les conditions de traitement ou de récolte ne sont pas idéales. On constate des mortalité d'arbres dont la cause n'est pas toujours sanitaire. »
Annie Laurie
Réseau de Fermes Dephy Ecophyto noix
Le réseau de ferme Déphy Ecophyto noix a été lancé cette année. Il s'agit d'un réseau de démonstration et production de références sur les systèmes économes en intrants phytosanitaires. Il se compose de quatorze fermes nucicoles : dix iséroises et quatre drômoises. Quatre axes de travail ont été fixés : recherche d'une alternative au désherbage chimique du rang ; limitation du cuivre et plus largement des fongicides ; optimisation des traitements contre le carpocapse (notamment avec la lutte par confusion sexuelle) et la mouche du brou ; mise en place de couverts végétaux pour améliorer la vie microbiologique des sols.
Benoît Villard, une exploitation 100 % nucicole et bio

Jusque-là, Benoît Villard n'a pas semé de couverts végétaux dans sa noyeraie. Mais il y réfléchit, même s'il n'a pas de problèmes de tassement du sol. Cette démarche l'intéresse pour deux raisons : l'apport d'engrais verts et l'amélioration de la structure du sol.
Démonstration / Lors de la rencontre Innov'action sur les couverts végétaux en nuciculture à Hostun, des semoirs pour semis direct ont montré leur travail dans un verger de 45 ans.Deux semoirs comparésDeux types de semoirs pour semis directs (technique sans labour, TSL) étaient en démonstration à la rencontre du 18 novembre. Les participants ont pu observer le rendu de leur travail. Il s'agissait notamment de constater si ces matériels sortent des pierres du sol, ce qui est un frein aux semis sous couverts. Le premier est un modèle du fabricant Aurensan, société installée dans le Gers, le second de marque Aïtchison (constructeur néo-zélandais). Un troisième, à disques droits, de la marque Vredo (constructeur néerlandais) était prévu mais non disponible à ce moment-là.Un semoir à disques inclinés

Sur le semoir pneumatique Aurensan, une soufflerie répartit les graines sur les descentes. A l'avant, un disque incliné ouvre légèrement le sillon. Le sabot, placé contre, dépose la graine. Derrière, une roue inclinée en caoutchouc ramène la terre sur le sillon et le rappuie. « On ne voit pas le passage de l'outil mais la graine est dans le sol », a assuré Paul-Louis Marou, technico-commercial de la société, qui a mis en avant d'autres points. Etant petite, la trémie laisse beaucoup de visibilité et permet, ainsi, de passer près des arbres sans risque d'abîmer l'outil. Le semoir est léger. « Il n'a pas besoin vraiment de poids pour entrer dans le sol. » Chaque élément est monté sur le parallélogramme. Cela permet de suivre le sol et d'avoir une régularité de semis indépendante pour chaque élément. Ce système, Aurensan l'a fait breveter. Différents réglages sont possibles : la profondeur, la pression de rappui et, avec un boîtier DPAE(*), la distribution des graines. « Ce semoir peut être fabriqué sur mesure en largeur. Et différentes capacités de trémie sont disponibles », a encore précisé Paul-Louis Marou.Un semoir à socs en T inversé

Sur le semoir Aïtchison, à l'avant, des disques entaillent le sol. La distribution continue de la semence est assurée par des disques en mousse synthétique. La pression exercée sur les semences étant faible, elle ne les brise pas. Les socs en T inversé montés sur des dents à ressort creusent une petite cavité dans le sol. Les dents vibrent et, ainsi, recouvrent les graines de terre fine juste après leur dépose dans le fond du sillon. Si des débris végétaux s'accumulent, ils sont dégagés de la ligne de semis avec les vibrations. Les bourrages sont donc minimisés. Derrière, un rouleau rappuie le sol de part et d'autre du sillon. Et, pour finir, des chaînes nivellent sommairement le sol. Le même modèle existe aussi en pneumatique.
La démonstration avec ce semoir a été assurée par Olivier Gamet, avec son propre matériel. Il a dit en être satisfait. Il trouve efficace son système de distribution des semences avec des disques en mousse qui acceptent toutes grosseurs de graines en même temps. Cet appareil demande peu d'entretien : c'est essentiellement le soc en T inversé qui s'use. Mais il n'est pas adapté aux terrains pierreux car il sort des cailloux du sol. Cela dépend toutefois depuis quand la parcelle est enherbée (si le système racinaire tient les pierres).A.L.(*) DPAE : débit proportionnel à l'avancement électronique.