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Nouvelle filière agricole

Les spiruliniers défendent la production française

spiruline / Le nom de la spiruline vient de sa forme en spirale microscopique. Les producteurs adhérant à la Fédération des spiruliniers de France s’emploient à développer cette nouvelle filière agricole à caractère artisanal.
Les spiruliniers défendent  la production française

En France, la culture de spiruline, une micro-algue, a démarré grâce à quelques pionniers dans l'Hérault. « Une formation a vu le jour dans le Var : vu qu'il y a beaucoup de serres dans ce département, des producteurs ont souhaité se lancer dans cette production », explique Vincent Libeaut, producteur installé à Eyzin-Pinet (Isère). « Comme la spiruline a besoin d'ensoleillement et de chaleur, on s'est rendu compte qu'il était possible de la produire en France. La production a débuté ainsi en 2005. À l'heure actuelle, on recense trente producteurs dans le Var. On peut estimer qu'il y a 120 à 130 producteurs en France », essentiellement dans la moitié sud du pays, avec plusieurs exploitations en Bretagne et en Normandie.
La Fédération des spiruliniers de France (FSF) est née en 2009 à l'initiative de producteurs qui se sont mobilisés pour favoriser le développement de la spiruline sur le territoire national. Siégeant dans l'Hérault, la FSF compte aujourd'hui cent adhérents (producteurs installés ou porteurs de projet) dont huit en Rhône-Alpes. Selon l'argumentaire de la FSF, « être adhérent à la Fédération des spiruliniers de France, c'est participer au développement d'une nouvelle filière agricole avec une production de qualité, reconnue par le public comme par les professionnels et les institutions, pour donner à la spiruline la place qui lui revient sur le marché alimentaire français ».
La Fédération des spiruliniers de France a pour principe essentiel d'agir en faveur du partage des connaissances sur la culture de spiruline, les données économiques, la commercialisation, la législation, etc. Or, pour l'instant, seuls les producteurs installés depuis plusieurs années ont acquis des connaissances spécifiques qu'ils peuvent transmettre aux porteurs de projet. La FSF propose également des sessions de formation en cours d'année. Un plan d'actions a été mis en place dans un double objectif : créer une filière représentative au niveau national et proposer un accompagnement de la profession. Trois axes sont prioritaires : apporter un soutien aux producteurs via la formation et la recherche en ingénierie ; encourager la consommation de spiruline dans le sens d'une alimentation saine ; mieux faire connaître le produit auprès des consommateurs.

Échanger avec les consommateurs
« Beaucoup de producteurs s'installent dans le cadre d'une reconversion professionnelle », précise Vincent Libeaut, membre du conseil d'administration de la FSF. « Nous essayons de les sensibiliser à l'esprit de partage solidaire, c'est notre marque de fabrique. C'est extrêmement riche de partager cela entre des personnes qui ont des parcours professionnels très différents. Nous sommes en train de réfléchir sur le métier de spirulinier, la commercialisation, la revente, comment développer des circuits de proximité. Ce qui est intéressant dans cette filière, c'est le fait d'expliquer la production de spiruline, de prendre le temps d'en parler et d'échanger avec les consommateurs, de les accueillir sur nos exploitations pour montrer le mode de culture ».
Le développement des exploitations à taille humaine répond bien à la volonté de produire une spiruline de qualité. La spécificité de la production française repose sur le caractère artisanal des exploitations dont la taille des bassins de culture sous serres est modeste (en moyenne 100 à 2 000 m2). « Ce qui nous distingue aussi en France : nous ouvrons les portes de nos exploitations, nous partageons notre métier, nos techniques, nos procédés de séchage et nos expériences entre producteurs », complète Vincent Libeaut. « Nous assurons la promotion de la spiruline lors des salons ». Et de poursuivre, « on estime que les producteurs français arrivent à fournir 15 à 20 % de la consommation française, le reste étant de la production industrielle venue de l'étranger (États-Unis, Inde, Chine, Hawaï...) ». Ce qui veut dire que des débouchés existent pour d'autres producteurs qui auraient l'intention de s'installer en France. 

Colette Boucher

 

nLes bienfaits de la spiruline
La spiruline est une micro-algue reconnue pour ses qualités nutritionnelles et ses vertus pour la santé. Aliment naturel découvert dans des lacs alcalins, elle est très riche en fer, en protéines et plus particulièrement en acides aminés essentiels ainsi qu’en vitamines, minéraux (calcium, chrome, magnésium, potassium…) et anti-oxydants (chlorophylle, phycocyanine, béta-carotène). La spiruline peut contribuer à combler des carences alimentaires, à lutter contre la fatigue, à améliorer le fonctionnement du système immunitaire, à retrouver la vitalité notamment après une période de convalescence.
Le mode de production
Grâce au processus de photosynthèse, la spiruline pousse naturellement, se multiplie et accroît sa concentration dans l’eau chaude des bassins. Il est nécessaire d’agiter l’eau quotidiennement (notamment à l’aide de roues à aube) de manière à permettre à l’ensemble de la spiruline d’avoir des phases d’exposition au soleil et des phases d’ombrage. Lorsque la concentration est suffisante, des quantités de spiruline sont récoltées. Les étapes suivantes sont la filtration (tables de filtration), le pressage de la biomasse, l’extrudage (mise en spaghettis) et le séchage à basse température afin de garder tous les bienfaits de cette micro-algue. La spiruline une fois séchée se présente sous forme de petites brindilles à mettre en sachets pour la vente au détail.

 

Emilie Mendes cultive de la spiruline à la ferme la Pimpreline, à Aubenasson en Drôme.

« Une activité motivante et gratifiante »

A Aubenasson, Emilie Mendes estime que le bilan de ses deux premières saisons est concluant.

Emilie Mendes vit à Saillans, ses installations sont sur la commune d'Aubenasson. Elle a commencé son parcours par un BPREA(*) au CFPPA de Die, en plantes aromatiques et médicinales. « Mais je pensais déjà à la spiruline, j'en consommais moi-même. J'ai visité des exploitations, il y en avait une seule dans la Drôme à l'époque, à Sainte-Jalle ; c'était confidentiel, raconte-t-elle. Cinq ans plus tard, on est cinq dans le département... Les clients sont de plus en plus nombreux car ils connaissent le produit ou ils ont entendu parler de ses propriétés, par des reportages notamment. »
Installée en 2014
Séduite par ses visites de fermes, la jeune femme a fait d'abord un stage puis une formation spécifique au CFPPA de Hyères, avant de commencer par une expérimentation. Elle vient de vivre sa deuxième « vraie » saison. « J'ai commencé mon activité en 2011 mais je me suis installée comme agricultrice en 2014, explique-t-elle. J'avais d'abord une petite structure pour réaliser un test sur un terrain de 40 mètres carrés. Je me suis fait une petite clientèle. J'ai vu que ça me plaisait et que c'était défendable pour obtenir une DJA (dotation jeune agriculteur), que j'ai obtenue et complétée par un emprunt pour réaliser les investissements nécessaires. »
Le bilan de ces deux saisons est concluant puisque elle va passer de 200 à 450 mètres carrés, surface sur laquelle elle s'était engagée.
Des récoltes d'avril à octobre
La culture se fait sous serres maraîchères. La récolte a lieu d'avril à fin octobre, une ou deux fois par semaine au début, puis tous les deux jours, voire tous les jours de mai à septembre. Les bassins, installés sur un sol terrassé, contiennent de l'eau douce sur une épaisseur de 10 centimètres. Il faut la brasser pour l'oxygéner et apporter les conditions d'éclairement optimum (avec une protection sur la serre). En pleine saison, la récolte dure six heures. Il faut ensuite presser la masse humide et la transformer en filaments, dans un petit laboratoire installé sur place. Ces sortes de spaghettis sèchent sur des claies. Il faut ensuite nettoyer le matériel puis, le soir, aller chercher la spiruline séchée qu'il restera alors à conditionner.
Le bouche à oreille a bien fonctionné
Emilie a bénéficié des conseils d'autres producteurs. « Il y a une grosse solidarité entre les spiruliniers, un vrai partage d'expériences, confie l'exploitante. Les premières fermes datent de 1998. Il y avait une envie que ça se développe pour qu'on parle du produit. » Elle apprécie beaucoup cette activité. « Pour le rapport à l'eau, parce que c'est vivant et parce que c'est un aliment fantastique. »
S'agissant de la commercialisation, le bouche à oreille a bien fonctionné. Aujourd'hui elle vend dans les magasins de Saillans (La petite graine), de Crest (La charrette, L'épicerie nouvelle) de Die (La carline) ainsi que sur les marchés de producteurs de ces communes, mais aussi de Sainte-Croix et de Suze-sur-Crest. 
Elisabeth Voreppe
BPREA Brevet professionnel de responsable d'exploitation agricole.