Les stratégies de protection contre la tavelure se développent

Apparue dès le XVIIe siècle, la tavelure est une maladie qui touche principalement les pommiers et les poiriers. Elle se développe sous forme de périthèces qui trouvent refuge sur les feuilles tombées au sol. Au printemps, au moment de l'éclosion des bourgeons, les périthèces se remplissent d'ascospores qui, lors des journées humides, sont projetés jusqu'aux arbres. Lorsque les ascospores parviennent au feuillage, ils germent et infectent les feuilles.
En fonction des conditions d'humidité et de température, l'infection met une à trois semaines pour faire apparaître des taches brunes et des crevasses sur les feuilles et les fruits qui finissent souvent par tomber. Particulièrement coriace, le champignon est capable d'hiverner sur les feuilles tombées au sol pour revenir l'année suivante. Au fil des siècles, les scientifiques ont constaté que les sensibilités variétales à la tavelure avaient évolué. Chez la pomme par exemple, la reinette qui était encore peu sensible à la maladie dans les années 1950 est devenue l'une des variétés les plus à risque avec la melrose. L'introduction de nouvelles variétés, plus sensibles, a d'ailleurs favorisé des souches plus agressives qui se sont synchronisées avec les variétés dominantes de chaque région. Les scientifiques ont également observé une influence du changement climatique puisque l'augmentation des températures contribue à avancer la saison de la tavelure et à la faire durer plus longtemps.
Les fongicides de moins en moins efficaces
« Deux tiers des traitements utilisés aujourd'hui contre la tavelure sont des fongicides. Pourtant, on sait depuis les années 1990 que cette maladie a développé de multiples capacités de résistance aux produits utilisés pour la combattre. Le nombre de substances homologuées a également été fortement réduit dans les années 2000, il n'en reste que dix à quinze aujourd'hui ce qui commence à poser problème », a alerté, l'ingénieure Anne-Duval Chaboussou du centre technique interprofessionnel des fruits et légumes (CTIFL).
Pour combattre la tavelure, elle a d'ailleurs incité les arboriculteurs à faire preuve d'inventivité et à se détourner du « tout fongicide ». « Le broyage de feuilles à l'automne permet d'obtenir une dégradation rapide de la litière. La modélisation et l'utilisation de données météorologiques représentent aussi de bons outils d'aide à la décision, même si l'arboriculteur doit rester maître en son verger », a-t-elle indiqué. D'autres alternatives ont été exposées comme l'utilisation d'extraits de plantes et de levures, de bactéries antagonistes ou de minéraux. De nombreux chercheurs mènent par ailleurs des recherches pour développer des substances naturelles efficaces et faire émerger des variétés plus résistances à la tavelure. D'ici là, plusieurs projets de bâches de protection sont d'ores et déjà à l'étude. Le projet de bâches amovibles Eazytop, lancé en 2019, permet par exemple d'automatiser leur ouverture et leur fermeture à l'aide de capteurs pour se protéger en cas de conditions météorologiques favorables à la tavelure. S'il est encore en phase de développement, ce projet pourrait rapidement équiper de nombreux vergers dans les années à venir.
Pierre Garcia
État des lieux / Pommiers, poiriers mais aussi pruniers et oliviers, la tavelure fait aujourd’hui des ravages dans de nombreux vergers. Dans le quart Sud-Est de la France, les arboriculteurs ne sont pas épargnés par le développement de cette maladie.
La tavelure se propage aussi dans le Sud-Est
Avides d’en savoir plus sur la tavelure, les arboriculteurs sont venus de loin pour assister à la journée thématique organisée par Fruits Plus le 12 février dernier à Anneyron. Pascal Borioli, membre du GRCeta de Basse Durance, une association d’arboriculteurs spécialisée dans le conseil technique, a lancé les débats en présentant un état des lieux complet de la progression de cette maladie dans le Sud-Est. « Le Sud-Est se caractérise par une très grande variété de situations. Pour ce qui est de la poire, par exemple, on remarque que, dans le Sud-Est, elle est soumise à une pression spécifique sur la variété williams », a-t-il rappelé. Dans le Sud-Est, il faut d’ailleurs distinguer cinq grandes zones géographiques (le bassin alpin, la plaine alpine, la plaine provençale, la vallée du Rhône et les coteaux de Provence) dont la météorologie spécifique influe sur le développement de la tavelure. « Pour la pomme, on remarque deux principales zones d’apparition de la tavelure que sont la plaine et la montagne. Le schéma variétal de la poire est plus variable et les sensibilités à la maladie s’adaptent à chaque terroir », a expliqué Pascal Borioli, appelant à faire des choix phytosanitaires clairs et à utiliser des outils d’aide à la décision adaptés. P. G.

Les vergers de pommiers bio, une gestion sanitaire de tous les instants
Pour conclure la journée thématique tavelure, carpocapse et punaise diabolique, les organisateurs avaient prévu un temps d’échanges animé par Gilles Libourel du Grab (groupe de recherche en agriculture biologique) Provence-Alpes-Côte d’Azur autour de la gestion sanitaire des vergers de pommiers bio. « Un verger classique, c’est une ou deux variétés d’une espèce fruitière formant des rangs continus et une ou deux graminées dominantes et performantes pour tenir le sol, ce qui représente des conditions très favorables aux ennemis du verger. Pendant des années, on considérait qu’à une agression correspondait un produit mais la législation a évolué et il faut aujourd’hui trouver d’autres moyens d’assurer la gestion sanitaire de nos vergers », a-t-il expliqué aux producteurs présents.Pour combattre les bioagresseurs, accumuler les bonnes pratiques agricoles
D’après Gilles Labourel, cette adaptation à la nouvelle législation doit passer par une compensation de la monoculture grâce à un environnement diversifié, un maillage dans la parcelle, les rotations et l’assolement. Il a également conseillé aux producteurs de diminuer la sensibilité intrinsèque du végétal par un choix spécifique des variétés et une intervention sur le sol, la nutrition et la sensibilité de la plante. Il a également insisté sur la nécessité de créer des conditions défavorables aux ennemis du verger par des aérations et un assainissement du sol. Pour y parvenir, Gilles Labourel a préconisé plusieurs méthodes douces comme des lâchers d’auxiliaires et de stimulateurs de défenses naturelles ou l’usage de tisanes et de bicarbonate. Plusieurs types de biocides (champignons, bactéries, virus, nématodes, huiles essentielles, souffre, cuivre, pyrèthre, neem, spinosad) peuvent également être employés.
Des pistes de progrès pour assurer l’avenir des vergers
Des interventions plus simples peuvent aussi faire la différence au quotidien, telles que la surveillance, la destruction des fruits piqués, l’installation de bandes pièges ou l’enherbement total des vergers. Lorsque le verger est en gestation, l’introduction de mastrus ridens ou d’animaux, comme des poules, peut se révéler bénéfique à l’équilibre général du verger. Gilles Labourel a également esquissé quelques pistes de progrès pour assurer l’avenir des vergers de pommiers bio sur le long terme. Marginaliser les variétés sensibles et adapter les interventions aux sensibilités variétales pourraient s’avérer utile. De la même manière, apprendre à utiliser des moyens moins performants mais plus doux tels que la laminarine ((principe actif naturel extrait de l’algue laminaire) pourrait aussi permettre de réduire la présence de cuivre et d’éliminer les soufres pénalisants sur les hyménoptères parasitoïdes.
P. Garcia