Accès au contenu
Grandes cultures

Les variétés de triticale en revue

Arvalis-Institut du végétal livre ses observations et préconisations pour les variétés de triticale testées dans ses essais.
Les variétés de triticale en revue

Outre sa productivité en grain et en paille (+ 50 % en paille par rapport à un blé), le triticale possède des caractéristiques spécifiques qu'il est nécessaire de rappeler. Concernant la qualité et plus précisément le poids spécifique, celui du triticale est inférieur de 4 à 5 points en moyenne par rapport au blé, ce qui correspond aux écarts de réfaction pris en compte par les organismes stockeurs entre les deux espèces. Ce critère doit être pris en compte uniquement lorsque le triticale est commercialisé. Pour la teneur en protéines, elle est généralement équivalente au blé lorsque la fertilisation azotée n'est pas limitante. Les besoins en azote sont voisins de 2,6 kg d'azote par quintal (N/q). Comme sur blé, il est conseillé de fractionner et de limiter dès que possible les apports précoces avant le stade épi 1 cm. Le fractionnement des apports d'azote, en limitant les apports précoces, réduit les risques de verse et de présence d'oïdium sur cette espèce assez sensible. La germination sur pied est un des points faibles du triticale du fait de l'origine de l'espèce (croisement entre des espèces sensibles blé dur, seigle notamment). Comme pour toutes les espèces, il existe des différences entre variétés. Seules les variétés grandval, rotego et kaulos présentent une sensibilité plus faible à ce risque. Pour tribeca, RGT bivouac, RGT ruminac, RGT suliac, le risque est important. L'implantation de ces variétés dans les zones tardives est donc risquée. Concernant l'implantation, un impératif : semer clair ! Comme sur blé, la gamme de précocité est large et le choix de la date de semis doit s'adapter à ces caractéristiques. À l'exception des variétés précoces, il est préférable de semer tôt. La maîtrise des densités de semis est impérative pour atteindre le potentiel et limiter les risques de verse et d'oïdium sur cette espèce sensible. Les densités trop élevées sont préjudiciables au rendement. Elles ne doivent pas dépasser 85 % des préconisations du blé tendre.

Lutte contre la verse et les maladies

Le triticale est assez sensible à la verse et doit être généralement protégé. La lutte contre la verse commence par la maîtrise impérative des densités de semis, le fractionnement des apports d'azote en limitant les apports précoces et par le choix variétal. RGT suliac est très sensible ; KWS fido, anagram, RGT eleac, RGT omeac et vivier sont sensibles. Vuka, kasyno et rivolt sont les variétés les plus tolérantes du réseau. Outre les pertes de rendement, la verse accentue les risques de germination sur pied. Le triticale est peu concerné par le piétin-verse et la lutte contre cette maladie est inutile.
Le triticale développe un grand nombre de maladies communes avec le blé. À noter, qu'il développe également la rhynchosporiose qui présente les mêmes symptômes que l'orge. La détermination de la nuisibilité de la rhynchosporiose du triticale reste à préciser. La principale difficulté concerne la lutte contre l'oïdium et la rouille jaune.
Il faut surveiller les variétés sensibles à l'oïdium: bikini, KWS fido, ramdam, tribeca, vuka. L'oïdium provoque de fortes pertes de rendement surtout lorsqu'il atteint l'épi (souvent observé sur bikini).
Peu présente en 2019, la rouille jaune reste une préoccupation sur triticale, et devient parfois difficile à maîtriser sur les variétés les plus sensibles : rivolt et surtout KWS fido, kaulos. La maîtrise de la rouille brune doit être suivie avec attention sur bikini, jokari, RGT omeac et surtout vuka. Enfin, la prise en compte de la lutte contre la fusariose se réalise de la même manière que sur le blé. Il sera préférable de ne pas implanter kaulos, RGT eleac, brehat, RGT bivouac, vivier et surtout kasyno, dans les situations à risque (précédent maïs grain, non labour en particulier). En cas de risque fusariose, la protection fongicide est impérative.

Commentaires variétaux

Les variétés de référence (depuis 3 ans et plus)
• Bikini (Lemaire Deff 2016) :
Productivité : à 103 %, bikini présente un très bon potentiel depuis quatre ans.
Qualité : bons critères qualitatifs associant un très bon PS à une bonne teneur en protéines (supérieure de 0,5 point par rapport aux variétés qui présentent le même niveau de rendement).
Agronomie : variété très précoce, elle ne doit pas être semée tôt. Bikini montre une très bonne tolérance à la rouille jaune.
En revanche, elle est très sensible à l'oïdium, souvent présent sur épi et donc difficile à contrôler, ce qui peut provoquer de fortes pertes de rendement. Bikini est également sensible à la rouille brune. Assez bon niveau de tolérance à la verse.
Conclusion : bikini présente des atouts : un bon potentiel et de très bons critères qualitatifs. Sa sensibilité à l'oïdium doit impérativement être contrôlée afin d'éviter les attaques sur épi.

• Elicsir (Caussade semences 2014) :
Productivité : potentiel légèrement en retrait à 98 % des témoins.
Qualité : PS et teneur en protéines sont d'un bon niveau. Bonne tolérance au risque de présence de mycotoxines (DON) avec le meilleur comportement du réseau (note 5,5).
Agronomie : variété demi-précoce à demi-tardive. Cette variété est moyennement sensible à la rouille jaune et à l'oïdium. Bonne tolérance à la verse.
Conclusion : malgré un potentiel moyen, elicsir présente de bons atouts qualitatifs et agronomiques. Sensibilité à la rouille jaune à surveiller.

• Kasyno (Secobra 2017) :
Productivité : kasyno présente un potentiel proche de la moyenne des témoins sur trois ans.
Qualité : PS et teneur en protéines dans la moyenne. Elle montre une forte sensibilité au risque de mycotoxines (DON)
Agronomie : variété demi-tardive qui montre un bon comportement global à l'ensemble des maladies foliaires. Très bon niveau de tolérance à la verse.
Conclusion : kasyno présente un bon potentiel et des bons atouts qualitatifs et agronomiques sans défauts, à l'exception d'un fort risque DON. Sa disponibilité en semences est limitée compte tenu des faibles surfaces de multiplication.

• RGT eleac (RAGT 2016) :
Productivité : potentiel régulier et proche de la moyenne des témoins.
Qualité : les critères qualitatifs de RGT eleac sont mauvais : faible PS
(- 2,8 points par rapport à la moyenne générale) et teneur en protéines assez faible. RGT eleac est également sensible au risque DON (note 3)
Agronomie : variété demi-précoce qui montre une bonne tolérance à l'oïdium et à la rouille jaune. Sensibilité à la verse dans la moyenne.
Conclusion : RGT eleac présente un potentiel correct et une bonne tolérance globale aux maladies. Ses mauvais critères qualitatifs (PS, teneur en protéines, sensibilité DON) constituent son plus fort handicap.

• RGT omeac (RAGT 2017) :
Productivité : malgré un potentiel proche de la moyenne en 2019, RGT omeac reste d'un bon niveau sur 3 ans à 103 % des témoins.
Qualité : excellents critères qualitatifs : son PS (+ 3,7 points par rapport à la moyenne générale), et sa teneur en protéines (supérieure de 0,5 point par rapport aux variétés qui présentent le même niveau de rendement) sont les meilleurs du réseau.
Agronomie : variété précoce qui montre une bonne tolérance globale aux maladies et à la rouille jaune en particulier. Elle est toutefois sensible à la rouille brune. Variété assez sensible à la verse.
Conclusion : de sérieux atouts (potentiel, PS, protéines, sensibilité maladies). Surveiller la verse.

Les variétés récentes (testées depuis deux ans)

• Brehat (Florimond Desprez 2018)
Productivité : bon potentiel (103 %).
Qualité : PS et teneur en protéines sont dans la moyenne.
Agronomie : variété demi-précoce qui montre une très bonne tolérance à l'ensemble des maladies. Elle est assez sensible au risque DON (note 3,5).
Sensibilité à la verse dans la moyenne.
Conclusion : brehat présente un bon potentiel associé à une bonne tolérance aux maladies et des critères qualitatifs sans défauts majeurs.

• Ramdam (Agri obtentions 2018)
Productivité : très bon potentiel sur
deux ans à 105 % des témoins.
Qualité : son PS est assez faible
(- 2,1 points par rapport à la moyenne générale) ainsi que sa teneur en protéines (inférieure de 0,3 point par rapport aux variétés qui présentent le même niveau de rendement).
Agronomie : variété demi-précoce. Elle est moyennement sensible à la rouille jaune, et elle montre une sensibilité à l'oïdium. Bonne tolérance à la verse.
Conclusion : Malgré des critères qualitatifs en berne, le potentiel de ramdam est un atout. Sensibilité oïdium et rouille jaune à surveiller.

• RGT bivouac (RAGT 2018)
Productivité : assez bon potentiel à 102 % des témoins.
Qualité : ce n'est pas son point fort. Faible PS (- 1,8 point par rapport à la moyenne générale) et faible teneur en protéines (la plus faible du réseau !) De plus, RGT bivouac est sensible à la germination sur pied (note GEVES 2) et est assez sensible au risque DON (note 3,5).
Agronomie : variété demi-précoce à demi-tardive qui montre une très bonne tolérance aux rouilles. En revanche, elle est sensible à la rhynchosporiose. Cette variété est assez sensible à la verse.
Conclusion : potentiel intéressant mais RGT bivouac présente des faiblesses qualitatives (PS, protéines, sensibilité germination sur épi). Sa disponibilité en semences est limitée compte tenu des faibles surfaces de multiplication.

• Rivolt (Agri obtentions 2018)
Productivité : le meilleur potentiel du regroupement à 109 % des témoins !
Qualité : PS assez faible et teneur en protéines dans la moyenne.
Agronomie : variété précoce qui montre une forte sensibilité aux maladies et à la rouille jaune en particulier. Très bon niveau de tolérance à la verse.
Conclusion : son fort potentiel associé à une très bonne tolérance à la verse sont de sérieux atouts. En revanche, la lutte contre les maladies doit être suivie avec attention, en particulier sur rouille jaune.

• Vivier (Florimond Desprez 2018)
Productivité : potentiel proche de la moyenne des témoins (99 %).
Qualité : PS correct, mais teneur en protéines en retrait (inférieure de 0,3 point par rapport aux variétés qui présentent le même niveau de rendement). Elle est assez sensible au risque DON (note 3,5)
Agronomie : variété demi-précoce qui montre une bonne tolérance globale aux maladies foliaires. Elle est sensible à la verse.
Conclusion : variété qui présente un potentiel moyen, et l'absence de défauts qualitatifs ou agronomiques majeurs à l'exception d'une sensibilité à la verse.

• Volko (Agri obtentions 2018)
Productivité : potentiel dans la moyenne sur deux ans.
Qualité : PS et teneur en protéines corrects. Bon niveau de tolérance au risque DON (note 5).
Agronomie : variété demi-tardive qui montre une très bonne tolérance aux maladies et à l'oïdium en particulier. Bonne tolérance à la verse.
Conclusion : volko présente un potentiel correct associé à des critères qualitatifs sans défauts et des caractéristiques agronomiques favorables. Sa disponibilité en semences est limitée compte tenu des faibles surfaces de multiplication.

Les variétés nouvelles (inscrites en 2019)

Les cinq variétés nouvelles sont issues pour deux d'entre elles du réseau CTPS (RGT epiac et RGT suliac). Trois autres variétés (carmelo, rufus, tribonus) sont issues du catalogue européen. Ces variétés sont peu multipliées et leurs caractéristiques qualitatives ou agronomiques ne devraient pas les conduire à un développement significatif.

• Carmelo (Sem Partners 2017)
Productivité : faible potentiel et dernière du regroupement à 96 % des témoins.
Qualité : très bonne teneur en protéines (la meilleure du réseau) et PS correct.
Agronomie : variété demi-précoce qui montre une sensibilité aux maladies : très sensible à la rouille brune, sensible à la rhynchosporiose et rouille jaune à surveiller. Très bon niveau de tolérance à la verse.
Conclusion : son faible potentiel associé à une lutte attentive contre les maladies ne devrait pas permettre d'assurer un développement significatif malgré de bons critères qualitatifs et une bonne tenue à la verse.

• RGT epiac (RAGT 2019)
Productivité : potentiel correct à 101 % des témoins.
Qualité : bonne teneur en protéines et PS correct.
Agronomie : variété précoce qui montre une assez forte sensibilité à l'oïdium à la rouille jaune et à la rhynchosporiose. Sensibilité à la verse dans la moyenne.
Conclusion : potentiel et critères qualitatifs corrects mais sa sensibilité à la rouille jaune et à l'oïdium constitue de sérieux handicaps.

• RGT suliac (RAGT 2019)
Productivité : bon potentiel, à 104 % des témoins.
Qualité : teneur en protéines correcte, mais PS assez faible. RGT suliac est sensible à la germination sur pied (note GEVES 2)
Agronomie : variété demi-tardive à demi-précoce. Assez bonne tolérance globale aux maladies mais sa sensibilité à l'oïdium et à la rouille brune doit être surveillée. Très forte sensibilité à la verse.
Conclusion : RGT suliac présente un bon potentiel, mais sa très forte sensibilité à la verse et des critères qualitatifs en retrait (PS, germination sur épi) sont de gros défauts.

• Rufus (Saaten Union 2016)
Productivité : potentiel en retrait à 97 % des témoins.
Qualité : critères qualitatifs (PS, protéines) corrects et proches de la moyenne.
Agronomie : variété demi-tardive qui montre une bonne tolérance à l'oïdium et à la rouille brune mais une assez forte sensibilité à la rhynchosporiose. Sensibilité rouille jaune à surveiller. Sensibilité à la verse dans la moyenne.
Conclusion : critères qualitatifs et agronomiques sans défauts majeurs, mais son faible potentiel est un handicap.

• Tribonus (Semences de l'Est 2017)
Productivité : comme carmelo, tribonus présente un faible potentiel à 96 % des témoins.
Qualité : bons critères qualitatifs qui associent une bonne teneur en protéines à un très bon PS.
Agronomie : variété demi-tardive à demi-précoce qui montre une bonne tolérance globale aux maladies. Sensibilité oïdium à surveiller.
Conclusion : malgré de bons critères qualitatifs et une bonne tolérance aux maladies, son faible potentiel constitue un handicap à l'image de rufus et carmelo.


Yves Pousset
Arvalis-Institut du végétal