Les vignerons du Diois veulent toujours produire un rosé

La nouvelle année ne commence pas sous les meilleures auspices pour les vignerons du Diois. Le Conseil d'État a en effet annulé, le 12 janvier dernier, l'arrêté autorisant la production de Clairette de Die rosé. « (...) Le ministre de l'Economie et des Finances et le ministre de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et de la Forêt, porte-parole du Gouvernement ont commis une erreur d'appréciation en estimant que la condition d'antériorité était remplie et en approuvant ce nouveau cahier des charges », relève notamment la haute juridiction. Laquelle condamne par ailleurs l'État à verser 3 000 euros au syndicat des vins de Bugey, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Une douche froide dans le Diois
Un coup dur pour les professionnels drômois. « On connaissait les faiblesses du dossier mais nous avions une antériorité de vins effervescents dans notre vallée, notamment en 1908 dans la définition de l'appellation d'origine Clairette de Die. Nous avions des arguments à faire valoir mais le Conseil d'État en a décidé autrement et nous prenons acte de la décision », a réagi Fabien Lombard, président du syndicat de la Clairette de Die et des vins du Diois.
Contacté lundi, ce dernier ne pouvait pas cacher sa déception, tout comme bon nombre de vignerons. Il faut dire que certains avaient beaucoup misé sur cette nouvelle appellation. À l'Union des jeunes viticulteurs récoltants (UJVR), à Vercheny, on avait même investi. « Nous avions planté 0,5 hectare de muscat rouge en 2016, la cuverie avait aussi été adaptée, soit un coût entre 15 000 et 20 000 euros. Il y a également eu des investissements commerciaux », explique Bernard Pélissier, président de l'UJVR. Lequel ne cache son amertume, sa déception et son incompréhension. « C'est un deuxième coup de massue, les vignerons sont déjà à cran après la récolte 2017 qui a été affectée par le gel. Nous allons tout faire pour pouvoir commercialiser tout ce qui a été mis en bouteilles, je ne vois pas comment faire autrement », poursuit-il.
Un rosé sera commercialisé
Le recours auprès du Conseil d'État n'étant pas suspensif, une première cuvée a en effet déjà pu être présentée et commercialisée. Elle représentait d'ailleurs 4 % de la récolte 2016 (soit 530 000 bouteilles) ; les chiffres 2017 ne sont pas encore connus. Quid du devenir de ces volumes, ainsi que ceux qui sont encore dans les chais ou déjà mis en bouteilles ? Faut-il retirer les Clairettes rosé des rayons ou demander à ce qu'elles ne soient plus servies dans les restaurants ? La décision ne mentionne pas ces conséquences. Une réunion entre l'ODG (organisme de défense et de gestion), l'Inao (institut national des appelations d'origine) et la DGCCRF (direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) doit être organisée à ce sujet dans les jours à venir. « Les produits actuellement en rayon sont légaux, de même que la vendange 2017 en Clairette rosé est légale. Il n'y aura pas de procédure de rappel en cours, il n'y a aucun risque pour le consommateur », note pour sa part Jean-Louis Bergès, directeur général de Jaillance.
Une dynamique stoppée net
Reste que la décision de la haute juridiction vient stopper net la dynamique engagée autour du rosé. L'annulation de l'arrêté du 16 novembre 2016 a d'ailleurs fait l'objet d'une réunion de bureau du syndicat de la Clairette de Die et des vins du Diois ce lundi soir. L'occasion d'échanger sur la situation mais aussi sur l'avenir de ce dossier qui reste fédérateur sur le territoire. « La stratégie rosé reste intacte. Nous allons étudier la possibilité de produire des vins effervescents rosés mais pas sous l'appellation « Clairette de Die rosé ». Nous avons la méthode ancestrale, ainsi que le muscat rouge et le gamay. Il faut trouver une issue à cet encépagement présent depuis longtemps. Au final, c'est le consommateur qui jugera. Si on a une qualité, il nous suivra », indique encore Fabien Lombard. Pour ce faire, différentes actions ont d'ores et déjà été évoquées. Le syndicat drômois pourrait par exemple saisir le Conseil d'État pour demander l'abrogation d'un texte de 1957, selon lequel on ne peut produire que du vin effervescent AOC au sein du vignoble. La création d'une marque collective a également été proposée. Affaire à suivre.
A. T.
Bugey : la réaction d’Éric Angelot
Le recours auprès du Conseil d’État avait été porté par le syndicat des vins de Bugey, soucieux de protéger l’AOC « Bugey Cerdon ». Contacté, son président a déclaré ne pas avoir porté ce recours de « gaieté de cœur ». « Nous avons développé nos arguments. Force est de constater que nous avions raison. Une production AOC est basée sur le respect de l’antériorité, des coutumes et de l’historique. Nous avons souhaité défendre nos productions par rapport à ces principes. C’est avec regret que nous avons dû aller jusqu’au Conseil d’État, nous aurions aimé être entendu avant », a aussi indiqué Éric Angelot.
Chronologie de la demande de modification du cahier des charges de l’AOC Clairette de Die
- Début 2015, le Syndicat de la Clairette de Die dépose une première demande de modification du cahier des charges de l’AOC Clairette de Die, fruit de trois années d’expérimentation et d’un projet initié dès 2010.
- L’AOC Bugey-Cerdon s’oppose aux modifications de ce cahier des charges, dans le cadre de la procédure nationale d’opposition ouverte.
- Avis paru au journal officiel de la République Française du 12 mars 2015.
- Rencontre entre les deux parties. Les viticulteurs de la Clairette de Die entendent leurs homologues du Bugey manifester leurs craintes concernant le potentiel de production de la Clairette de Die rosé, jugé selon eux trop important.
- Modification du cahier des charges, intégrant une notion de pourcentage minimum pour les cépages rouges dans l’élaboration de la Clairette de Die rosé, en complément d’un pourcentage maximum de Gamay.
- Deuxième projet de modification du cahier des charges validé par l’INAO début 2016.
- Seconde opposition de l’AOC Cerdon Bugey, dans le cadre d’une seconde procédure nationale d’opposition
- Homologation par le ministère de l’Agriculture du cahier des charges de l’appellation d’origine contrôlée « Clairette de Die », étendu au rosé – Arrêté du 16 novembre 2016.
- Recours de l’AOC Bugey Cerdon devant le Conseil d’Etat, contre l’arrêté autorisant les viticulteurs de la Clairette de Die à élaborer une Clairette de Die rosé.
- Rejet de la modification du cahier des charges de l’AOC Clairette de Die par le Conseil d’État.