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TRAVAIL DU SOL

Les viticulteurs à l’affût des alternatives mécaniques

En quoi et comment le travail du sol et l’entretien du cavaillon constituent des leviers pour lutter contre les adventices et favoriser la vie du sol dans les vignes ? Des réponses ont été apportées lors d’une journée technique organisée par les acteurs de la filière viticole du Puy-de-Dôme(1).
Les viticulteurs à l’affût des alternatives mécaniques

La réflexion autour du désherbage mécanique a pris de l'ampleur depuis que le panel de molécules chimiques autorisées tend à se réduire, et dans un mouvement plus intense de réponse aux attentes sociétales attachées aux modes de production plus respectueux de l'environnement. Les viticulteurs sont de plus en plus nombreux à s'interroger sur leurs pratiques. Mais parce que biner n'est pas pulvériser, et que l'on n'imagine pas une seconde les agriculteurs sacrifier confort de travail et productivité à des pratiques datant du siècle dernier, il est des alternatives dont s'emparent de plus en plus de groupes d'agriculteurs, réunis au sein de Cuma.

Retour d'expériences

Éric Vindiollet, président de la Cuma viticole des Coteaux.

« En 1993, lorsque la Cuma a été créée, l'ambition était d'abord d'investir dans des bennes pour transporter la vendange à la coopérative dans de bonnes conditions sanitaires. Depuis, nous avons investi dans un enfonce-pieu, un décompacteur, un épandeur... », raconte Éric Vindiollet, président de la Cuma viticole des Coteaux dans le Puy-de-Dôme. Les soixante adhérents ont souhaité aller plus loin en disposant d'informations et de retours d'expertises sur l'entretien mécanique des rangs de vignes pour, qui sait, à terme, constituer un GIEE Moteur puissant pour investir collectivement, expérimenter et s'approprier de nouvelles pratiques culturales par le partage d'expérience entre pairs. La Cuma constitue en effet, dans bien des cas, le socle du renouveau. La fédération régionale des Cuma d'Occitanie a beaucoup travaillé sur le sujet, proposant un guide complet2 pour choisir ces outils de désherbage mécanique de la vigne, appelés outils inter-ceps.
En local, Jean-Pierre Pradier, viticulteur à Corent dans le Puy-de-Dôme, s'est notamment appuyé sur ces travaux pour expérimenter le travail du sol sur ses parcelles, en les adaptant évidemment au contexte pédoclimatique. Il en a tiré une mine d'enseignements : « En viticulture, le travail du sol nécessite d'être très réactif dans l'organisation des chantiers pour intervenir rapidement lorsque les conditions sont bonnes. Prévoir au minimum trois interventions dans l'année pour les sols blancs, et quatre pour les sols noirs, combiner au moins deux types d'outils, prendre le temps de bien régler son matériel, choisir des outils adaptés à la texture du sol, ne pas attendre pour intervenir que les adventices soient trop développées... »

Un intérêt pour optimiser la pluviométrie

Jean-Pierre Pradier, viticulteur à Corent dans le Puy-de-Dôme.

Et puis, parce que comme le dit le dicton, c'est en forgeant que l'on devient forgeron, Jean-Pierre Pradier avoue avoir pas mal tâtonné au risque d'y passer plus de temps : « L'entretien du cavaillon est plus gourmand en temps avec le travail du sol qu'avec le désherbage chimique ». Mais le jeu en vaut, selon lui, la chandelle : « On sent tous que les conditions climatiques évoluent. Au-delà de la destruction des adventices, le travail du sol est intéressant pour éviter l'évapotranspiration et optimiser l'apport des pluies ». Plus à l'Est, sur la côte roannaise, Georges Paire en Gaec avec son fils Romain, confirme cet intérêt. Bricoleur dans l'âme, il a mis au point plusieurs matériels, dont un enjambeur construit à partir d'une machine à vendanger pour travailler mécaniquement le sol de ses 8 hectares de vignes cultivés en bio depuis 2008. Au domaine des Pothiers, un rang sur deux est cultivé. Les semis de variétés diverses sont mis en place pour un an et demi. La présence de vaches laitières sur l'exploitation fournit un amendement précieux qui est épandu en petites quantités sur toutes les parcelles en début de printemps. « Cela permet de favoriser la biodiversité », estime Georges Paire.

Sophie Chatenet

(1) Journée technique organisée en partenariat avec les Cuma viticoles du Puy-de-Dôme, la fédération viticole, la chambre d'agriculture et la FDCuma 63.
(2) http://www.occitanie.cuma.fr/actualites/viticulture-bien-choisir-ses-outils-interceps-0

 

L’OEIL DE L’EXPERT / Christophe Gaviglio, de l’Institut français de la vigne et du vin.

Christophe Gaviglio, de l’Institut français de la vigne et du vin.
Quelles sont les dernières tendances en matière de désherbage mécanique ?
Christophe Gaviglio : « L’inconvénient principal des outils inter-ceps est la difficulté de réglage et la lenteur d’intervention. Pour répondre à cette problématique, certains constructeurs proposent des outils passifs, demandant très peu d’énergie pour leur utilisation, pouvant être montés entre roues, et employés à vitesse élevée : 7 à 8 km/h. C’est le cas par exemple de l’étoile de binage Kress. Les disques de chaussage utilisés à grande vitesse projettent la terre de part et d’autre du rang pour désherber grâce au déplacement de terre. Les disques d’émottage, eux, participent au désherbage le long de la ligne des souches et permettent de bien délimiter le rang de l’inter-rang. Pour les vignerons qui ne souhaitent pas déplacer beaucoup de terre, ou limiter le recours au travail du sol, les outils tels que les brosses polyvalentes herbes-pampres sont une solution intéressante. Le contrôle de la flore adventice sur le cavaillon est meilleur qu’avec la tonte seule et les pampres sont détruits, sans utiliser de dispositif d’effacement complexe. L’usure et les projections sont à surveiller. Les assistances à la conduite comme les dispositifs d’autocentrage permettent au chauffeur de se concentrer uniquement sur la conduite sans regarder derrière. Enfin, la robotique est une tendance qui s’affirme en matière de désherbage mécanique des vignes, les premiers tests opérés en 2018 étant concluants ».