Les viticulteurs sensibilisés aux risques chimiques

L'identification des produits dangereux et l'évaluation des risques sont des étapes incontournables en matière de prévention, particulièrement pour les produits chimiques. Obligatoire depuis 2001 pour tout employeur de main-d'œuvre, au même titre que tout autre risque professionnel, cette évaluation est aussi indispensable pour tout utilisateur de produits chimiques afin de préserver sa santé. Fin 2018 à Beaulieu (07), cette prévention était au centre d'une demi-journée de formation organisée par le service santé sécurité au travail de la MSA Ardèche-Drôme-Loire. Une dizaine de viticulteurs, adhérents de la cave des vignerons des Coteaux de Jalès et des domaines Chazalis et de Cassagnole étaient présents. Ils ont été accompagnés sur l'utilisation du logiciel Seirich qui permet d'évaluer et prévenir les risques chimiques en milieu professionnel, tous secteurs d'activité confondus. Développé par l'INRS1 en partenariat avec la direction générale du travail, la direction des risques professionnels (CNAMTS2, Carsat3 et Cramif4) et des organisations professionnelles, cet outil gratuit permet de tracer l'exposition des travailleurs à ce type de produits et de suivre les actions de prévention. « Nous sommes habitués à l'utilisation des produits même s'il y a vingt ans nous connaissions moins les risques. Avec l'obtention du Certiphyto, nous avons été formés face à leur dangerosité mais nous devons encore nous adapter et faire attention pour notre santé, pour l'environnement », explique Joël Deleuze, viticulteur à Beaulieu.
Mieux connaître les produits à risque
Avec ce logiciel, l'inventaire des produits chimiques manipulés est enregistré. Les documents relatifs à l'utilisation de ces produits (fiches de données de sécurité...) sont aussi notifiés. Les risques pour la santé, la sécurité mais aussi l'environnement sont pris en compte. Toutes ces informations avaient été collectées auprès des viticulteurs précédemment à cette rencontre. Ce jour-là, ils ont pu découvrir une évaluation exhaustive et rigoureuse des risques présents sur leur exploitation. « Ils étaient étonnés de voir les produits ressortant comme "les plus dangereux sur leur exploitation", a constaté Jorane Leroux, conseillère en prévention à la MSA. Quand nous demandons aux employeurs quel est le produit le plus à risque sur leur exploitation, ils ne savent pas particulièrement nous répondre. Il y a un manque d'information et beaucoup d'idées reçues. ». Cet accompagnement permet d'objectiver quels sont les produits les plus dangereux, en faisant ressortir les risques liés à la formulation car, pour une même substance active, la toxicité peut être différente en fonction de sa formulation (phase liquide, poudre, solvants...).
Prioriser les actions de prévention
Les exploitants ont également obtenu de nombreuses informations en matière de santé et de sécurité au travail : identification des agents chimiques CMR5, conformité des locaux de stockage, état des lieux des aires de lavage et de remplissage, etc.
Cette évaluation leur a permis aussi de connaître les produits chimiques qui nécessitent en priorité une démarche de substitution (produit classés CMR5, lésions oculaires, allergies et toxicité cutanée, produits corrosifs...). « Pour la gestion du travail, c'est intéressant », estime Joël Deleuze.
L'occasion aussi d'échanger entre professionnels, avec les conseillers en prévention et un médecin du travail de la MSA, sur des axes d'amélioration. « Si le logiciel détecte par exemple que les locaux de stockage de ces produits sont insuffisamment ventilés, il y aura derrière des propositions d'actions à mettre en œuvre de fait, pour que ces points faibles deviennent des points forts dans l'exploitation », explique Jorane Leroux. Le logiciel permet de prioriser les actions de prévention et de suivre leur avancement.
« Cela nous permettra de nous améliorer », confirme Joël Deleuze. Les participants n'ont pas caché leur satisfaction ni leur souhait de renouveler ce type d'action à l'avenir. « Cet accompagnement est habituellement réalisé de façon individuelle mais le faire collectivement a été une réussite », se réjouit Jorane Leroux. Ils ont partagé leurs connaissances et comparé leurs évaluations. Les idées de solution venaient de part et d'autres. Les problèmes sont souvent connus mais les exploitants se sentent démunis pour les résoudre. La réunion permet d'envisager des solutions mutualisées. Avoir le même métier et découvrir les procédés mis en place ainsi que les résultats obtenus par le voisin incitent plus facilement à se lancer dans une démarche d'amélioration. Le travail à mener paraît moins difficile parce qu'ils se disent : «Tiens, pourquoi pas moi ? »
Anaïs Lévêque
Pour être accompagné à l'évaluation des risques chimiques (toutes filières agricoles confondues), contacter le service Santé sécurité au travail (SST) au 04 75 75 68 67 ou par mail : [email protected].
1 INRS : institut national de recherche et de sécurité.
2 CNAMTS : caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés.
3 Carsat : caisse d'assurance retraite et de la santé au travail.
4 Cramif : caisse régionale d'assurance maladie d'Île-de-France.
5 CMR : produits cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction.