Loup et pastoralisme : « Nous sommes en train de tuer le métier »

La prédation du loup constatée sur les troupeaux domestiques fait toujours débat. En effet, 58 attaques ont été constatées et indemnisées (intervention du loup non écartée) pour 171 victimes, dont 160 tuées et 11 blessées. « Au 18 juin 2020, les chiffres ont augmenté de 29 % par rapport à ce qui était relevé, à la même date, en 2019 pour les attaques, avec une hausse de 20 % du nombre de victimes », souligne Patrice Béringer, en charge du dossier loup à la direction départementale des territoires de la Drôme (DDT).
« C'est catastrophique, lance Frédéric Gontard, président de la fédération départementale ovine. Nous avons encore vu récemment des éleveurs partir en transhumance et se faire attaquer leur troupeau dès le premier jour. C'est du jamais vu. Les loups les attendent. Auparavant, les attaques arrivaient en milieu ou fin de saison... La pression est de plus en plus forte. » Si trois loups ont été abattus en avril à Plan-de-Baix et Ourches, ces tirs de défense renforcés sont intervenus après des épisodes d'attaques et de dommages importants.
La pression de l'opinion publique
Frédéric Gontard regrette que les élus n'osent pas aller plus loin dans leurs démarches : « L'annonce dans les médias sur les trois loups tués a été très mal vue par l'opinion publique. Malgré la pression médiatique et politique, nous attendons, en tant qu'éleveurs, que l'Etat prenne ses responsabilités et régule le loup. Nous demandons simplement à pouvoir travailler normalement : les consommateurs souhaitent des élevages extensifs et de qualité, ce que nous proposons. Mais, a contrario, ils souhaitent préserver le loup. Dans ce contexte, nous ne pourrons pas tenir. Le métier est voué à disparaître avec une pression présente 24 heures sur 24. Nous sommes en train de tuer le métier d'éleveurs. »
D'autant plus que la prédation a pris un nouveau tournant, cette année 2020. Patrice Béringer réagit au sujet de nouvelles particularités découvertes cette année : « Parmi les victimes, nous avons recensé des chevaux de selle et des alpagas. Mais aussi une augmentation des attaques sur des troupeaux situés au pied du Vercors occidental (Monts du Matin et Raye) dont des animaux appartenant à de simples particuliers, - et non à des élevages professionnels -, ainsi qu'au niveau de la basse vallée de la Drôme (Grâne, La Roche-sur-Grâne et La Répara-Auriples) et l'est de la plaine de Montélimar. Cela a pour conséquence d'étendre le zonage communal permettant aux éleveurs de bénéficier d'aides à la mise en place de mesures de protection contre la prédation ».
Un danger pour l'homme
Ainsi, le prédateur loup ne sévit désormais pas qu'en montagne, et s'approche davantage des habitations. Un sujet qui fait bondir Frédéric Gontard : « Lors des récentes attaques, il apparaît évident que le loup ne massacre pas les brebis uniquement pour se nourrir, mais pour s'amuser. C'est un tueur dans l'âme. Nous savons qu'il est partout aujourd'hui et qu'il finira par attaquer l'homme, un jour ou l'autre. Nous aurons largement prévenu les autorités à ce sujet. Sans aucune réaction de leur part, il sera un jour trop tard... »
Alors que le loup est une espèce protégée, la FDO se veut alarmiste : « Le nombre de loups va augmenter sans cesse et il faudra apprendre à vivre avec, à côté de nos habitations. Malheureusement, dans le milieu agricole, plusieurs éleveurs ont déjà arrêté. Chaque année, quatre ou cinq élevages de brebis dans la Drôme ferment. Il y a de moins en moins d'éleveurs dans le département, et la moitié moins de brebis qu'il y a dix ans. A terme, nous allons perdre cette production, ce métier qui permet d'entretenir les paysages, au détriment d'élevages industriels fermés. Il faut que les autorités se posent les bonnes questions... », conclut le président de la fédération, lui-même éleveur à La Laupie, dans la plaine de Montélimar, non loin d'une récente attaque de loups qui a tué dix-sept agnelles fin mars (lire notre édition papier du 2 avril 2020 ou sur notre site internet https://www.agriculture-dromoise.fr/article, 2020,04,02, attaque-de-loup-s-dans-la-plaine-la-fdo-dit-stop-, loup, 28908).
Amandine Priolet