Loup : les éleveurs dans une détresse profonde

«Nous n'avons pas l'impression d'être écoutés, entendus... Nous sommes écœurés », a avoué François Monge, co-président à la fédération départementale ovine (FDO), mercredi 11 septembre. Ce jour-là, une réunion exceptionnelle a été organisée chez Sandrine et Didier Beynet, éleveurs ovins à Saint-Nazaire-le-Désert, en présence du préfet de la Drôme, Hugues Moutouh, et de la sous-préfète de Die, Camille de Witasse-Thézy. Une rencontre qui est intervenue quelques jours seulement après une nouvelle attaque de loups. Le bilan est lourd pour le couple d'éleveurs avec trente-deux brebis tuées ou disparues. « Nous ne pouvons pas vivre comme cela, ce n'est pas possible. Ce n'est plus possible, a confié, dépité, Didier Beynet. Nous aimons notre métier, nous sommes passionnés... mais, aujourd'hui, la coupe est pleine. »
Le quota relevé à 100 loups
Vingt-trois ans après le retour du loup dans les montagnes drômoises, la situation devient de plus en plus grave, en témoigne la détresse des éleveurs. La préfecture d'Auvergne-Rhône-Alpes, en charge de la gestion du loup, a annoncé que le quota d'autorisations d'abattage de 90 animaux tués pour 2019 avait été atteint. En conséquence, le préfet coordonnateur du plan national loup et des activités d'élevage a décidé d'augmenter le plafond global de prélèvements (comme le prévoit la réglementation) portant le nombre de loups pouvant être tués à 100.
Pour les éleveurs, cette décision est jugée insuffisante : « Je ne sais pas ce que je vais faire des brebis. Je suis très inquiet pour les trois mois à venir. Nous sommes obligés de laisser les bêtes au maximum dans les sous-bois car nous n'avons pas d'herbe ailleurs. Comment devons-nous faire ? », a interrogé Didier Beynet.
Présent autour de la table, Jordan Magnet, président des Jeunes Agriculteurs de la Drôme, ressent un manque de considération à l'égard des éleveurs : « Nous sommes coincés. Nous ne savons plus comment expliquer à nos politiques la gravité de la situation, comment réussir à leur faire remonter plus d'informations au sujet du loup. »
« Etablir un équilibre de prédation »
Très affecté par le contexte et le quotidien vécu par les éleveurs drômois, le préfet leur a une nouvelle fois affiché son soutien : « J'ai découvert le sujet il y a six mois et j'ai été frappé, au-delà d'un problème d'aménagement des paysages, de l'impact humain et familial qui vous touche. C'est important d'être à vos côtés, à votre écoute. Cela me permet de faire remonter les choses. Seuls, vous ne pourrez pas vous en sortir. »
Pour leur venir en aide, Hugues Moutouh entend recruter davantage de louvetiers. « Personne ne m'a dit qu'il fallait éradiquer le loup dans le département. En revanche, je pense qu'il faut établir un équilibre de prédation. Ce n'est pas anodin que le préfet coordonnateur de la politique loup, Pascal Mailhos, soit particulièrement sensible à cette problématique. Je pense qu'il y a une prise de conscience même si c'est trop lent. »
« Ca ne peut plus continuer »
François Monge a aussi mis l'accent sur la forte baisse de la faune : « Pour une espèce comme le loup qui n'est plus en voie de disparition, on en laisse détruire dix ou quinze autres. Je n'arrive pas à comprendre. On marche sur la tête », a-t-il lâché. Le co-président de la FDO craint pour l'avenir : « Nous avons l'impression que le gouvernement attend un drame humain pour réagir. Et encore, cela suffira-t-il ? » Et Grégory Chardon, président de la FDSEA, d'ajouter : « Nous nous épuisons sur ce dossier depuis des années. Mais nous n'avons pas l'impression d'avancer. »
La question des chiens de défense et de protection a également été évoquée. Jordan Magnet se veut d'ailleurs alarmiste : « Nous n'avons pas l'impression d'avoir une reconnaissance du problème. A cause d'une prédation de loups qui n'est pas gérée correctement, on a plein de problèmes. C'est une pression supplémentaire qui s'ajoute sur les éleveurs. Au bout d'un moment, le ras le bol est forcément là. »
Face au loup, les éleveurs vivent dans une terreur quotidienne, sans connaître l'avenir de leurs troupeaux, de leur métier. Désarmée, écœurée, épuisée par les nombreuses nuits qu'elle passe sur la montagne auprès de son troupeau, Sandrine Beynet attend une réaction forte de la part des autorités. « Il va falloir savoir ce qu'on veut. Soit vous voulez des éleveurs, soit vous voulez des loups. Mais il vaudrait mieux nous le dire tout de suite. Ce n'est plus une vie, ça ne peut plus continuer. »
Amandine Priolet