Loup : « ne plus minimiser une réalité dramatique »

Depuis 2015, le nombre de zones de présence permanente (ZPP) du loup a connu une hausse de 120 %. En Auvergne-Rhône-Alpes (Aura), sont dénombrées 24 meutes (soit 36 % des meutes françaises) et entre 155 et 205 loups (soit 40 % de la population lupine française). Entre 1998 et 2017, le territoire régional est passé de 20 à 482 communes impactées par des attaques. Dans la Drôme, sur cette même période, le loup a concerné 123 communes (248 en Savoie et Isère). Et les 1 145 attaques recensées en Drôme ont provoqué 3 931 victimes (en Savoie : 2 336 attaques et 11 296 victimes), soit en moyenne trois à quatre par attaque. En vingt ans sur la région, cela représente 22 434 ovins tués, 681 caprins et 290 bovins. C'est ce qui ressort de la restitution des travaux du Plan régional de sauvegarde du pastoralisme face à la prédation, le 21 mai à Sahune. A cette réunion, étaient notamment présents le préfet Xavier Doublet (référent pour le plan national loup), Claude Aurias (conseiller régional et président du parc naturel régional des Baronnies provençales), Didier-Claude Blanc (conseiller régional) et Philippe Cahn (président de l'Adem et du réseau pastoral Aura). Un large public d'éleveurs et bergers ainsi que de partenaires et d'élus et représentants des territoires ont assisté à cette présentation.
Des attaques sur des troupeaux protégés
Lors des différents discours d'ouverture, a été rappelé le rôle fondamental du pastoralisme dans l'économie montagnarde, l'entretien des paysages et l'équilibre en faveur de la biodiversité. La prédation du loup, de plus en plus fréquente, perturbe cet équilibre et met en péril le pastoralisme.
L'étude montre aussi que les attaques sur les troupeaux domestiques se déroulent de plus en plus en journée et à 76 % sur des troupeaux bénéficiant de mesures de protection. La prédation a provoqué le dérochement de 3 714 animaux entre 1998 à 2017. Les trois départements les plus touchés - Savoie, Drôme et Isère - sont ceux qui mettent le plus en œuvre des moyens de protection. Un paradoxe qui a fait réagir Didier Claude Blanc : « Nous ne maîtrisons plus le sujet, nous sommes dépassés. Nous devons trouver les moyens pour apaiser les discours et les esprits. »
« Une révoltante impunité »
Pour faire face à la prédation, les éleveurs sont contraints à un surcroît de travail par l'installation des parcs de nuit ou d'appui au gardiennage. Une vigilance permanente faite de longues veilles s'impose. Cela ouvre aussi de nouvelles dépenses par l'achat et l'entretien de chiens de protection, leur suivi vétérinaire. Il faut aussi assumer une responsabilité juridique en cas d'agression avec un promeneur, procéder à l'embauche de bergers salariés. De plus, l'impact dû au stress est visible sur les troupeaux : baisse du taux de fécondité, problèmes de gestation, allaitement plus faible.
« L'impact économique, humain et social est destructeur. Il faut arrêter de minimiser une réalité dramatique qui frappe de nombreux éleveurs, a déclaré un éleveur. Etre indemnisé sur les préjudices directs ou indirects ne résoudra pas le problème. Ce que nous voulons, c'est pouvoir faire normalement notre métier sans cette menace permanente qui profite d'une révoltante impunité protégée et légalisée. » En matière de tirs de prélèvement et de tirs de défense, le statut quo ne satisfait plus. « L'élevage et le tourisme, activités majeures du territoire, sont en danger, a indiqué le préfet Xavier Doublet. C'est un drame humain que le président Macron a écouté et sur lequel il va prendre position. »
Recours aux nouvelles technologies
Lors de la réunion, le recours aux nouvelles technologies a été évoqué afin d'alerter les bergers par SMS d'une probable attaque, localiser les animaux dispersés suite à une attaque avec des drones, placer des pièges-photos permettant de recenser les prédateurs et leurs zones de présence ou encore utiliser des balises GPS pour suivre le comportement des brebis et des chiens. A été présenté le dispositif « MAP loup », outil d'alerte et de suivi de la prédation mis au point sur le massif de Belledonne et en Maurienne. Il permet de localiser un lieu de prédation, d'envoyer un SMS d'alerte aux alpagistes du territoire afin de les prévenir d'une probable attaque. Il donne aussi accès à un formulaire en ligne pour archiver les informations liées à la déclaration de sinistre.
L'ensemble de cette restitution des travaux a été remise au préfet Xavier Doublet ainsi qu'au préfet de la région Aura, Pascal Mailhos. Elle sera transmise aux ministres de l'Agriculture et de l'Environnement.
José-Manuel Pereira
* Adem : association départementale d'économie montagnarde.
Révision du plan loup / La profession rappelle ses exigences
Alors que le groupe national loup devait se réunir le 28 mai à Lyon (au lendemain de notre bouclage - ndlr) dans le cadre de la révision du plan national loup, les organisations agricoles membres du « Caf loup* » ont rappelé le 23 mai les mesures qu’elles jugent nécessaires pour enrayer le développement du prédateur sur le territoire français et le nombre exponentiel d’attaques qui touchent les troupeaux et les éleveurs : suppression de tout plafond pour les tirs de défense et de prélèvement, mise en œuvre simplifiée des tirs de défense renforcée dès la première attaque et déclenchement des tirs de prélèvement tout au long de l’année, y compris dans les parcs nationaux. Mais aussi : possibilité pour les éleveurs d’utiliser des lunettes de tir à visée thermique (aujourd’hui réservées aux lieutenants de louveterie et agents de l’ONCFS), démultiplication de la brigade loup sur tous les territoires prédatés pour renforcer l’appui aux éleveurs, refus de toute forme de conditionnalité des indemnisations des dommages du loup, amélioration de la reconnaissance des attaques sur les bovins, mesures de gestion du loup applicables sur l’ensemble du territoire.* Caf loup : FNSEA, Jeunes Agriculteurs, APCA (chambres d’agriculture), fédérations nationales ovines (FNO) et bovine (FNB).