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CLIMATOLOGIE

Lutte contre la grêle : ces viticulteurs qui utilisent le iodure d’argent

Viticulteurs sur les communes de Bouchet et de Tulette, Nicolas Icard et Didier Bongard sont dotés de générateurs terrestres à vortex, utilisés pour lutter contre les dégâts liés à la chute de grêle à partir de la technique d’ensemencement des nuages à iodure d’argent.

Par Amandine Priolet
Lutte contre la grêle :   ces viticulteurs qui utilisent le iodure d’argent
@AP-AD26
De gauche à droite, Didier Bongard (viticulteur à Tulette), Sandra Scavennec (animatrice du réseau Prévigrêle) et Nicolas Icard (viticulteur à Bouchet) derrière le générateur terrestre à vortex situé sur l’exploitation de ce dernier.

S’il est difficile d’éradiquer la grêle et ses effets dévastateurs, l’association Prévigrêle – créée en 1997 dans le Vaucluse et présente dans la Drôme trois ans plus tard – propose un dispositif d’ensemencement des nuages par des particules d’iodure d’argent à partir d’un maillage de générateurs terrestres à vortex. Une solution peu coûteuse à l’égard d’autres techniques de protection, soit un forfait annuel de 1 954,60 € pour un générateur (prix en financement privé), qui peut éviter de gros dégâts sur les cultures. Nicolas Icard est agriculteur depuis vingt-deux ans, et gère une surface agricole utile de 40 ha de vignes en Côtes-du-Rhône, répartis sur les communes de Bouchet, La Baume-de-Transit et Suze-La-Rousse. Depuis quatre ans, il dispose sur ses terres, d’un générateur à vortex. « Auparavant, il était basé à quelques kilomètres de là, chez un collègue agriculteur, au sein du village, mais nous l’avons déplacé pour respecter le maillage des 10 km », déclare-t-il. 
De son côté, Didier Bongard, à la tête de l’exploitation familiale (EARL La Chapelle) depuis 1997, est installé comme vigneron sur Tulette. Il se souvient : « Historiquement, on a toujours utilisé les services de Prévigrêle sur la commune. Les orages successifs assez catastrophiques que nous avions connu dans le passé – dont ceux de 1994 - nous avaient contraint à trouver des solutions »
La campagne de Prêvigrêle débute chaque année au 25 mars avec la mise en route des générateurs par un technicien du réseau, pour se terminer le 10 octobre, période la plus propice aux risques d’orages grêligènes. « Cette année, les premières alertes ont eu lieu les 28 et 29 avril. En date du 12 juin, nous avons déclenché les générateurs à cinq reprises… Généralement, les périodes avril – mai, puis fin août – début septembre, sont les plus à risque. Nous les allumons à minima jusqu’aux vendanges, en cas de nécessité », indique Nicolas Icard.

1 heure pour réagir

En cas de risque d’orages avec une formation de grêle annoncés par Kéraunos (observatoire des tornades et des orages, ndlr), l’Anelfa - association nationale d'études et de lutte contre les fléaux atmosphériques – envoie un message d’alerte via mobile pour demander aux opérateurs bénévoles (agriculteurs et/ou autres volontaires) d’allumer les générateurs. Leur disponibilité est donc nécessaire pour assurer le déclenchement. « Nous recevons un SMS 4 heures avant le risque d’orages pour mettre en route le générateur, puisque sont nécessaires 3 heures d’ensemencement. Nous disposons d’une heure pour réagir », souligne Didier Bongard. 
Les deux viticulteurs s’accordent à dire que ce dispositif est devenu indispensable à la protection de leurs cultures – et à plus large échelle – des habitations, des voitures... « Notre rôle est de protéger nos cultures et celles des autres, mais aussi de sécuriser notre travail d’une année », note Nicolas Icard. Si le secteur dispose aujourd’hui d’un très bon maillage, rien est immuable. « Les couloirs de grêle peuvent se déplacer, et dans ce cas, nous serons amenés à replacer nos générateurs », prévient Sandra Scavennec, coordinatrice de l’association Prévigrêle. 
Malgré l’efficacité prouvée de ce type de méthode au fil des années, certains sont encore frileux. « Dans le passé, les gens étaient moins convaincus qu’aujourd’hui de l’efficacité de ces générateurs. Certains pensaient – et pensent encore parfois – que cette méthode est polluante, qu’elle ne vise qu’à décaler les nuages et la pluie... mais ce n’est pas le cas », expliquent les viticulteurs. A quoi réagit Sandra Scavennec : « Des études ont permis de montrer qu’il n’y avait pas d’impacts environnementaux. Par ailleurs, cette méthode – en démultipliant les glaçons - ne déplace pas les nuages mais entraine plutôt un accroissement de la pluviométrie d’environ 10 %. C’est pourquoi en cas d’épisodes cévenols à partir du 1er septembre, l’association a pris la décision de ne plus déclencher les générateurs si le risque de crues / inondations est plus important que le risque de grêle ».

Amandine Priolet

La méthode d’ensemencement, qu’est-ce que c’est ?

Le principe de la lutte contre la grêle par générateur consiste à introduire artificiellement dans les nuages des noyaux glaçogènes d’iodure d’argent de façon à augmenter le nombre de cristaux de glace, et à réduire en conséquence la dimension des grêlons. Ces derniers tombent alors plus lentement et fondent en totalité ou en partie avant d’atteindre le sol.

L’info en plus

L’association loi 1901 Prévigrêle, basée à Cavaillon (84) compte aujourd’hui 193 générateurs pour 482 opérateurs installés sur le Vaucluse, le sud de l’Ardèche, le nord des Bouches-du-Rhône, le sud de la Drôme (jusqu’à Saulce-sur-Rhône environ) et une partie du Gard. « Chaque année, le développement du maillage est en croissance, avec cinq à dix générateurs supplémentaires », annonce Sandra Scavennec, coordinatrice de l’association.

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Le générateur terrestre à vortex dispose d’un réservoir d’iodure d’argent de 25 l, à raison d’une diffusion de 1,1 l / h.
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La plaque de mesure grêlimétrique permet d’étudier l’impact des orages en cas de chute de grêle.