Lutter contre les salmonelles, un enjeu collectif

Les salmonelles sont une problématique majeure dans la filière avicole drômoise. Replaçons le contexte.
Paul Despesse : « Malgré les mesures mises en place depuis 2010 (plan d'action précédent), le taux de contamination par les salmonelles est toujours supérieur à celui des autres départements, en particulier en poules pondeuses. Aussi, en vue de faire baisser la pression, l'interprofession (chambre d'agriculture, syndicats, groupements d'éleveurs, entreprises, cabinets vétérinaires) a constitué un groupe de travail fin 2014. Entre décembre et mai derniers, celui-ci a esquissé une trame de plan d'action. Par ailleurs, du 18 au 26 juin derniers, un chargé de mission de la DGAL(1) et deux référents de la Draaf Bretagne sont venus expertiser le problème dans la Drôme. »
Qu'ont constaté les experts lors de leur mission dans la Drôme ?
Bertrand Toulouse : « Ils ont constaté un état des bâtiments d'élevage similaire à ceux de Bretagne. Ils ont aussi observé, contrairement à la Bretagne, une imbrication des bâtiments avicoles avec des bâtiments d'élevage d'autres espèces et des bâtiments agricoles autres. Le caractère venté n'est pas une spécificité drômoise, la Bretagne l'est également. La chaleur non plus, d'autres départements producteurs sont dans le même cas.
Les experts ont conclu à l'absence de facteur de risque unique et spécifique au département. Ils ont aussi noté l'insuffisance d'application des mesures de biosécurité, de nettoyage-désinfection et fait le constat de résurgences importantes ; c'est-à-dire un taux conséquent de réapparition de foyers après une première contamination de 23 % en volailles de chair sur la période 2009-2014 et de 30 % en volailles de ponte sur la période 2004-2014. »
Que proposent les experts pour améliorer la situation ?
Bertrand Toulouse : « Ils ont rédigé un rapport et proposé 19 actions réparties en trois thématiques : sanitaire, actions transversales et en matière de synergie (NDLR : voir « Mission d'expertise »). Ils insistent, entre autres, sur la nécessité d'améliorer la biosécurité, les dépistages, le nettoyage et la désinfection de routine ainsi que lors de l'assainissement d'un foyer. En outre, ils considèrent la lutte contre les nuisibles et rongeurs primordiale. Leur travail a été restitué le 14 octobre lors d'une réunion présidée par le préfet, en présence de deux des experts et du directeur santé animale de l'Anses(2). »
Paul Despesse : « Cette réunion a permis des échanges ainsi que la clarification de certains points par l'Anses et les experts. Le rendu du rapport de ces derniers nous a conforté sur la manière d'appréhender la situation. Dans la profession, nous avions déjà identifié des facteurs de risques de l'amont à l'aval de la filière, sur lesquels il fallait agir. L'objectif, à présent, est d'échanger sur les actions proposées au sein du comité de pilotage qui a été mis en place. Il s'est réuni pour la première fois le 5 novembre et le fera régulièrement. »
Comment les actions seront-elles mises en œuvre ?
Bertrand Toulouse : « Elles sont à décliner au sein du comité de pilotage par l'ensemble des partenaires afin que chacun agisse en vue d'améliorer la situation. C'est un plan d'action collectif. Le renforcement des mesures est un enjeu pour tous.
La DDPP intervient sur la base de suspicions consécutives aux prélèvements effectués par les vétérinaires ou techniciens des filières. Vu les problèmes de résurgence, elle sera amenée à cibler ses actions sur les élevage à risques : anciens foyers, élevages où il y a eu une suspicion non confirmée ou une absence de pousse bactérienne... Elle ciblera aussi ses contrôles sur le nettoyage et la désinfection de routine ou lors d'assainissement. Pour les autres élevages, la pression de contrôle ne sera pas supérieure à celle des autres départements. J'en profite pour rappeler que les agents de la DDPP sont chargés d'effectuer les constats de terrain, de vérifier la conformité à la réglementation. Il n'y a pas lieu de faire pression sur eux, d'autant plus que les décisions faisant suite à ces constats m'appartiennent. Je m'engage, par ailleurs, à expliciter ces décisions régulièrement. Comme l'indique aussi Monsieur Despesse, l'éleveur peut se faire assister par son technicien lors d'un contrôle, s'il en ressent le besoin. Nous nous appuyons sur les vétérinaires spécialisés dans la filière. Nous allons d'ailleurs bientôt les rencontrer pour refaire un point, en complément des comités de pilotage tenus. A noter encore, une communication sur la mise en place du plan d'action sera programmée début 2016 à destination des éleveurs eux-mêmes. Elle se fera sous la forme de réunions rassemblant administration, profession et intégrateurs mais aussi par voie écrite. »
La lutte contre les salmonelles, c'est l'affaire de tous, Paul Despesse ?
Paul Despesse : « Oui. D'abord, chaque aviculteur doit appliquer au quotidien les mesures de biosécurité, dans son intérêt. Il doit faire le maximum pour protéger son site d'élevage. Mais il faut aussi qu'il soit accompagné par son technicien d'élevage et son vétérinaire. Tous les intervenants de la filière doivent se mobiliser pour lutter contre les salmonelles. »
Propos recueillis par Annie Laurie
(1) DGAL : direction générale de l'alimentation.
(2) Anses : agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail.
Traitement des effluents contaminés en centre agréé
Sur la Drôme en 2015, le ministère de l'Agriculture a accordé une enveloppe exceptionnelle de 30 000 euros pour les foyers de salmonelles en volailles de ponte et de chair(*). Ce soutien (dont la reconduction a été demandée pour 2016), a servi à alléger le coût de transport des effluents d'élevage contaminés au centre de traitement agréé. Pour percevoir l'aide (en début 2016), les éleveurs concernés en 2015 doivent envoyer leur facture acquittée au GDS.(*) L'enveloppe a aussi été utilisée dans le financement d'analyses sur les arrivées de poussins en élevages et les transports (animaux, intrants).
Mission d'expertise /
Les experts se sont rendus dans 21 élevages concernés par les salmonelles (foyers ou suspicions et différents niveaux des deux filières), deux usines d'aliments, un centre agréé de traitement des effluents contaminés. Ils ont aussi rencontré des représentants de l'interprofession (chambre d'agriculture, syndicats, intégrateurs, GDS), des vétérinaires ainsi que des représentants du laboratoire d'analyse du conseil départemental et d'un laboratoire privé. Ils leur reste à voir les couvoirs extérieurs au département qui approvisionnent en poussins les élevages drômois.
Les experts ont proposé trois types d'actions. Des actions dans le domaine sanitaire : mesures de biosécurité, de dépistage, d'assainissement et de désinfection. Des actions transversales : fonctionnement entre la DDPP et les vétérinaires lors d'enquêtes épidémiologiques, échanges avec les aviculteurs pour une enquête fiable à la pratique réelle des élevages ; suivi des usines d'aliments. Et des actions en matière de synergie : communication (information de tous les intervenants) ; actions conjointes d'audit avec la DDPP, les vétérinaires, les intégrateurs et les éleveurs ; appui national (Anses, DGAL) ou régional (Draaf) pour les usines d'aliments et les couvoirs hors du département ainsi que les transports.
Elevages et salmonelles

Cette année (au 18 novembre), 18 foyers de salmonelles ont été détectés dans les élevages avicoles drômois (17 dus à Salmonella enteritidis et 1 à Salmonella typhimurium). La moitié l'a été dans des élevages plein air. 8 foyers concernent des volailles de ponte (6 en poules et 2 en poulettes) et 10 des volailles de chair (7 en poulets et 3 en dindes).
En 2014, à la même date, 29 foyers avaient été identifiés et 35 sur toute l'année (27 en volailles de chair et 8 en ponte).Mesures de biosécurité :
Bien utiliser le sas sanitaire, lutter contre les nuisibles, entretenir les abords de l'élevage, maintenir les locaux en bon état, avoir un protocole de nettoyage-désinfection adapté et enregistré...