Lyon-Corbas : un marché de gros au cœur de la région
Avec près de 9 % de la production nationale de fruits issue de la région, le marché de gros de Lyon-Corbas, le seul privé parmi tous les marchés de gros en France, peut satisfaire la demande de près de 2 200 clients. Découverte.

L’Île-de-France a Rungis. Auvergne-Rhône-Alpes a Lyon-Corbas. Le marché de gros de Lyon-Corbas occupe une place incontournable dans la commercialisation de fruits et légumes sur le territoire régional. « Ce qu’on a recherché depuis 15 ans, c’est la complémentarité, explique Christian Berthe, président du marché de gros. On est convaincus que la vraie valorisation passe par de la segmentation et de la niche. »
La variété comme fer de lance
Avec près de 9 % de la production nationale de fruits issue de la région, l’établissement, le seul privé parmi tous les marchés de gros en France, peut satisfaire la demande de près de 2 200 clients. « On ne va pas dire que ça signifie qu’il y a 2 200 demandes différentes, mais on sait qu’il y a une vingtaine de catégories distinctes, a indiqué Christian Berthe. Il faut mettre en face de chaque demande le produit qu’il faut. C’est ainsi qu’on le valorise. À partir du moment où il n’y a pas de demande, il n’y a pas de produit. » Cette clientèle, en grande partie des détaillants, peut trouver son bonheur parmi des offres bien distinctes. Sur ses deux bâtiments principaux, le marché accueille 25 grossistes qui y négocient des produits de toutes origines. Au bout, le Carreau des producteurs réunit tout au long de l’année soixante d’entre eux, en immense majorité de la région. « Il faut être fiers d’avoir un marché qui fonctionne très bien, insiste Christine Delaigue, productrice dans l’Ain et présidente du Carreau. Nous sommes sur un territoire où à l’Est de Lyon nous avons des légumes et à l’Ouest des fruits. Ça fait que nous pouvons proposer beaucoup de choses. » L’implantation de l’établissement à Corbas au cœur d’un nœud autoroutier et d’une zone dédiée à l’agroalimentaire offre aussi un positionnement et des accès logistiques privilégiés à son activité.
Chacun peut trouver sa place
Dans un contexte où les circuits courts se développent et où l’arrivée d’un acteur comme Amazon prochainement pourrait chambouler les perspectives du marché de gros, ce dernier n’a pour autant pas dit son dernier mot, selon son président Christian Berthe. « Je pense que notre modèle de logistique n’est pas encore remplacé, justifie-t-il. Il faut trouver des hommes et des femmes qui peuvent être présents dès 2 heures du matin et offrir à des détaillants la possibilité de venir chercher leurs produits pour les mettre dans les 24 heures en rayons dans leur magasin. Le marché de gros reste un outil incontournable dans la capacité de commercialisation vers cette cible. On n’est pas sur de la standardisation et de la banalisation. » Du petit producteur qui amène une dizaine de colis au gros exploitant qui livre plusieurs tonnes, chacun peut donc y trouver sa place. À condition de demeurer dans un engagement collectif. « On ne peut pas imaginer l’efficacité d’un tel outil sans regrouper des centaines de producteurs et c’est ici la réussite d’un modèle », souligne Stéphane Aurousseau, vice-président de l’association AgriDemain (dont l’objectif est de raconter la réalité de l’agriculture française grâce aux témoignages d’ambassadeurs).
Vertueux pour l’environnement et l’économie
Mais quand on parle d’efficacité de l’outil, la question environnementale arrive inévitablement sur le tapis. Une donnée que le marché de gros, au même titre que les agriculteurs, doit prendre en compte dans sa stratégie et l’entretien de ses bâtiments. « Pas une seule goutte d’eau n’est utilisée pour les nettoyer, souligne Christian Berthe. Comment éviter de nettoyer des déchets avec de l’eau ? Tout simplement en produisant le moins possible de déchets. » Dans les chiffres, cet engagement écologique se traduit par un taux de tri oscillant entre 75 et 80 % pour le bois, le carton, le plastique et les biodéchets. De plus de 6 000 tonnes de déchets lorsqu’il était installé à Perrache, l’établissement est passé à 3 000 tonnes à Lyon-Corbas. Une réduction de moitié sur laquelle 800 tonnes sont générées par les produits végétaux (sur les 300 000 t de marchandises qui transitent chaque année). « Nous pratiquions jusqu’ici l’enfouissement, mais nous sommes en train de réfléchir pour passer avant la fin de l’année à la méthanisation », annonce le président du marché de gros. Une démarche vers laquelle se tournent de plus en plus les agriculteurs et que défend Laurent Rivollet, ingénieur chez GRDF Sud-Est. « On a plus de 300 sites qui rejettent du biométhane en France dans les réseaux de gaz, a-t-il rappelé. C’est un vrai levier pour l’agriculteur qui en retire une valorisation matière pour ses sols et un revenu stabilisé. »
Simon Alves

Une « machine de guerre »
Installé depuis 2009 sur son site actuel de Corbas, le marché de gros a une histoire toute particulière du fait de son statut privé unique en France. Il occupe une place centrale dans la commercialisation de fruits et légumes dans la région.
Le marché de gros de Corbas-Lyon : « c’est une machine de guerre et un centre névralgique de la production et de la consommation. » Le président Christian Berthe n’est pas avare en superlatifs quand il s’agit d’encenser son outil. Il aurait probablement tort de s’en priver, car les chiffres peuvent donner le vertige. Le marché de gros, c’est 35 000 m² de bâti sur près de 12 hectares de terrain et en moyenne 1 135 passages par jour dont 500 clients. Ce qui le caractérise le mieux, ce sont ses deux imposants bâtiments dédiés aux grossistes. Des bâtisses de 300 et 350 mètres de long avec 150 000 m3 de froid. Au fond du terrain sécurisé, se dresse également le Carreau des producteurs. Un espace de 2 600 m² qui accueille 80 cases de 16 m² pour 60 producteurs. Enfin, le site a son propre centre de tri où 3 640 tonnes de déchets ont été traitées en 2020. Côté personnel, ce ne sont pas moins de 500 personnes qui travaillent sur place entre les grossistes, les producteurs, le personnel des points de restauration, du bâtiment administratif et du centre de tri. Pour ce qui est du commerce, les clients sont à 88 % issus de la région Auvergne-Rhône-Alpes avec un fonds de commerce de détail indépendant. Près de 300 000 tonnes de marchandises passent par le marché de gros, soit 366 millions d’euros de chiffre d’affaires annuels dont 40 % rien qu’en France.
Le seul privé en France
Le marché de gros de Lyon-Corbas a aussi une histoire singulière. Installé le long du quai Saint-Antoine à Lyon au XIXe siècle, il a déménagé en 1961 à Perrache où il est devenu le « Marché-Gare » avant d’être classé, en 1966, Marché d’intérêt national (MIN). Face à la vétusté, le caractère exigu des installations et l’impossibilité de le moderniser ou l’étendre, ses dirigeants ont dès le début des années 1980 pris la décision de le transférer en visant un terrain à Corbas. Suite à une volonté aussi bien des pouvoirs publics que des professionnels, le marché a obtenu en 2006 le déclassement du MIN pour devenir privé et amorcer les travaux de construction du site de Corbas avant une ouverture en janvier 2009. De la sorte, le marché a pu s’affranchir du périmètre de référence interdisant toute installation d’un établissement pratiquant la vente en gros et devenir propriétaire de ses locaux. Un cas unique en France.