Main-d’œuvre : vers la fin du dispositif TO-DE ?

Le gouvernement a annoncé la fin du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) au 1er janvier 2019. La députée drômoise Célia de Lavergne, lors de deux rencontres organisées par la FDSEA et les JA de la Drôme, avait indiqué qu'il serait converti en réduction de charges supplémentaires. Pour les plus bas salaires, cet allègement serait ainsi amplifié. La cotisation maladie passerait de 13 à 7 %. De plus, serait renforcée la réduction générale de cotisations dite « Fillon ». Cependant, en contrepartie, la FDSEA a appris que l'exonération TO-DE (travailleurs occasionnels - demandeurs d'emploi) serait supprimée.
Selon des calculs, cette suppression engendrerait une hausse des charges de l'ordre de 190 euros mensuels (soit près de 1,30 euro de l'heure) pour un saisonnier au Smic avec 10 % de congés payés. Comme le précise la fédération nationale des producteurs de fruits (FNPF), « bien que l'allègement soit renforcé, sa dégressivité immédiate - alors que dans le cas de TO-DE elle démarre à 1,25 Smic - a pour conséquence une diminution substantielle de l'avantage annoncé ».
Une situation dramatique
Les modifications ainsi annoncées pour 2019, dont la suppression du TO-DE, « replongeraient de nombreuses exploitations dans des situations dramatiques pour lesquelles l'une des seules issues serait l'arrêt de l'activité. Qui peut imaginer la Drôme sans ses productions végétales ? », questionne la FDSEA. Pour les exploitations qui seraient en capacité de résister, la fédération craint davantage de recours au travail détaché, avec toutes les conséquences que cela aurait sur l'emploi local et le dynamisme des bassins de production.
Une réaction syndicale sans délai
La FDSEA de la Drôme n'a donc pas manqué d'exprimer son inquiétude auprès des parlementaires du département. « C'est une décision vide de sens, qui pourrait conduire à la disparition des exploitations de cultures spécialisées et à la désertification des campagnes », a-t-elle réagit. Elle explique rester très vigilante sur l'avancée du dossier. En partenariat avec le CerFrance Drôme-Vaucluse, une étude d'impact sera réalisée sur 82 exploitations spécialisées. Les données précises seront transmises au niveau national.
A noter, le 20 juillet, Christiane Lambert et Jérémy Decerle, les présidents respectifs de la FNSEA et des JA, ont interpellé Emmanuel Macron lors d'une rencontre à l'Elysée. « Le chef de l'Etat s'est montré à l'écoute, indiquant vouloir rouvrir le dossier », ont fait savoir les deux leaders syndicaux. Et le 25 juillet, Christiane Lambert a pu échanger avec le Premier ministre. Comme on peut le constater, FNSEA et JA restent mobilisés.
Interview / Depuis l’annonce de sa suppression, le TO-DE fait parler de lui. Le dispositif permet d’exonérer les employeurs de main-d’œuvre saisonnière en agriculture. Pour Jérôme Volle, vice-président de la FNSEA, sa suppression pourrait s’avérer désastreuse pour de nombreuses filières agricoles.

“ Le TO-DE est essentiel au maintien de certaines filières ”
Pouvez-vous nous rappeler quelle est l’utilité du TO-DE ?Jérôme Volle : « En France, le coût du travail en agriculture est un sujet très important pour la compétitivité et le développement des filières. Au sein de l’Union européenne, il n’y a pas d’harmonisation sur le coût du travail. La France a donc des coûts plus élevés que les autres États membres, 37 % de plus qu’en Italie et 27% de plus qu’en Allemagne, par exemple, pour employer des travailleurs saisonniers en agriculture. Un accompagnement et des mesures spécifiques avaient donc été mis en place pour pallier ces différences dans les filières agricoles. L’exonération permise par le TO-DE permet donc aux employeurs de main-d’œuvre saisonnière de diminuer leurs charges sans perte de salaire ni de protection sociale pour les employés. Dans de nombreuses filières agricoles, cette main-d’œuvre saisonnière, déjà difficile à trouver en France est essentielle. Là, le gouvernement veut mettre en place des exonérations pour les salaires inférieurs à 2,5 Smic, ce qui est une bonne chose pour les employés permanents. Cependant, cela signe la fin du TO-DE, spécifique à l’agriculture. »
Quelles seraient les conséquences de la fin du TO-DE ?
J.V : « Cela va entraîner une perte de compétitivité dans des filières déjà bien éprouvées. Les importations vont aussi continuer d’augmenter alors que le déficit commercial se creuse déjà. En 10 ans, les importations de fruits et légumes ont respectivement augmenté de 67 % et 50%. Le prix des produits français va en effet augmenter, ou alors le prix payé aux producteurs va encore diminuer. La fin du TODE remet en cause la production dans certains secteurs. Lors du rendez-vous, entre Christiane Lambert et le Premier ministre, le 25 juillet dernier, il a clairement exprimé son refus de modifier la trajectoire budgétaire du gouvernement. Autrement dit, la ligne TO-DE du ministère de l’Agriculture sera transférée au budget général de l’État. Il a demandé au ministre de l’Agriculture de “ regarder sur son budget, à l’intérieur de ses enveloppes ”, s’il peut dégager des moyens pour “ compenser, lisser ”ce qu’il a appelé des effets de bords pour ces secteurs ».
Quelles sont les revendications de la FNSEA concernant le TO-DE ?
J.V : « La FNSEA se bat pour que ce dispositif soit maintenu, il est essentiel pour l’agriculture française dans tous les secteurs ! En France, 870 000 contrats sont concernés par le TO-DE. Sa suppression entraînerait une perte sèche de 144millions d’euros pour les agriculteurs. Si on veut limiter les importations, manger local, exporter, son maintien est un enjeu capital. »