Maïs semence : la valeur ruisselle mal

En assemblée générale le 20 février à Etoile-sur-Rhône (Drôme), le syndicat des producteurs de semences de maïs et de sorgho (SPSMS) Rhône-Alpes a fait le constat d'une nouvelle dégradation de la situation économique des agriculteurs multiplicateurs. Nicolas Montepagano, chargé de mission à l'AGPM maïs semence, a repris des chiffres de 2018 tirés d'une étude commandée par la FNSPSMS (fédération nationale) à CerFrance et réalisée auprès d'un panel de 264 exploitations représentatives, dont 20 de la Drôme. Ainsi est mise en évidence une nouvelle détérioration des marges à la production, avec des chiffres d'affaires en recul et une hausse des coûts de production. En retrait de 7 %, les marges brutes sont les plus faibles depuis 2007. Cette tendance devrait encore s'accentuer car les résultats techniques 2019 (pénalisés par les aléas climatiques) sont en dessous des objectifs (92 % contre 97 en 2018 en Rhône-Alpes). « Ils ne vont pas redresser la situation », a déploré Jérôme Dal, secrétaire adjoint de l'AGPM maïs semence.
Le fossé se creuse
« Tous les indicateurs sont orientés à la défaveur des producteurs », a résumé Nicolas Montepagano. Pourtant, se profile un programme de production en nette hausse au niveau français et européen cette année 2020. La demande est dynamique car une augmentation de la sole de maïs « consommation » (grain et fourrage) est prévisible cette année (problèmes sur les colzas et l'implantation des céréales d'hiver...), a indiqué Jérôme Dal. De ce fait mais aussi en raison des résultats techniques 2019 et d'un stock de doses en baisse pour le maïs semence, un accroissement des surfaces de multiplication est attendu en 2020. Les perspectives sont de 75 000 à 78 000 hectares en France, soit 9 à 14 % de plus. Mais il y a un hic : la rémunération des producteurs s'amenuise alors que les prix de vente aux utilisateurs finaux augmentent. Où passe la valeur ?
La transparence manque
« Comment expliquer que notre rémunération baisse ? », s'irrite le président du SPSMS Rhône-Alpes, Stéphane Desrieux. Il relève « un problème de répartition de la valeur et de manque de transparence » de la part des établissements semenciers vis-à-vis de la production : « ils ne nous communiquent pas leurs prix moyens de vente aux distributeurs ». Alors, la production tire une nouvelle fois le signal d'alarme et réclame une revalorisation des prix dès cette année. « C'est une nécessité, a confié Jérôme Dal. Le produit prend de la valeur mais elle ne revient pas dans la poche du producteur. La base doit réagir, mettre une pression supplémentaire pour dire que ce n'est plus possible. » Le président du SPSMS Rhône-Alpes a appuyé : « Au stade où on en est, on doit réagir collectivement ».
Mieux partager le gâteau
Selon une étude réalisée pour le compte de l'AGPM maïs semence au deuxième semestre 2019, les producteurs sont dans l'expectative. 31 % des multiplicateurs ont déjà envisagé d'arrêter la production, la moitié considérant qu'elle n'est pas assez rémunératrice. Des mesures incitatives à la poursuite de la culture sont des attentes économiques citées par 75 % des producteurs ainsi enquêtés.
A moyen terme, l'AGPM maïs semence attend que « des clauses de répartition de la valeur entre agriculteurs, établissements et acheteurs - prévues dans la nouvelle convention type - puissent être débattues par les acteurs de la filières ». Stéphane Desrieux et Anne-Claire Vial ont mis en garde les établissements semenciers car un délitement du réseau de producteurs aurait des répercussions sur leur activité. Le président du SPSMS Rhône-Alpes a d'ailleurs observé : « Notre rémunération, c'est notre avenir et, nous, on est le vôtre ».
Annie Laurie
SPSMS /Le réseau rhônalpin en 2019- 415 producteurs (455 en 2019), dont 270 en Drôme, 101 en Isère, 20 dans l'Ain, 14 en Ardèche et 10 dans le Rhône.- 4 985 hectares (4 943 en 2018), dont 2 802 en Drôme, 1 613 en Isère, 254 dans l'Ain, 230 dans le Rhône et 86 en Ardèche.
- 10,6 ha de surface moyenne par exploitation en Rhône-Alpes (13,4 en Isère, 10,2 dans la Drôme, 9,1 dans l'Ain, 9 dans le Rhône et 5,2 en Ardèche).
- 239 variétés multipliées (222 en 2018).
- Sorgho : 37 ha, 6 variétés.
- Etablissements semenciers : Top Semence (45 % de la production), Dauphinoise (28 %), Valgrain (17 % ) et Bayer (10 %).
- 99,6 % des surfaces notées en 2019 acceptées. 18 ha refusés dont 11 pour mauvais état cultural et 5,5 pour castration insuffisante.
Le maïs semence en Europe /Des marchés dynamiques

Premier exportateur mondial de maïs semence, la France expédie 60 % de ses hybrides à l'étranger (moyenne 2016-2018 : 146 300 tonnes par an). 70 % vont dans l'UE de l'Ouest (dont 33 % en Allemagne, 10 en Espagne et 8 en Italie), 19 % dans les Peco* et 9 % dans des pays tiers (hors de l'Europe)**.
Pour 2020, en maïs grain et fourrage, « globalement, les signaux sont à la hausse », a annoncé l'intervenant. Les augmentations devraient majoritairement concerner les marchés de l'Europe de l'Ouest, où la France vend le plus de semences de maïs. 75 000 à 78 000 ha de surfaces de multiplication sont attendues cette année dans notre pays.A. L.* Peco : pays d'Europe centrale et orientale.
** Ukraine, Serbie, Russie, Biélorussie, Kazakhstan, Turquie, Iran.