Maïs semences : la crise est déclarée

Pour les producteurs de semences de Rhône-Alpes, le compte n'y est pas. Que les résultats soient bons ou mauvais, les chiffres ne montent plus. « En 2017, le produit brut avait baissé de 1 % alors que le résultat technique atteignait les 105 % », résume Stéphane Desrieux, président du syndicat des producteurs de semence de maïs et de sorgho (SPSMS) Rhône-Alpes.
Le nouveau président de l'Association générale des producteurs de maïs (AGPM) semences, Pierre Vincens, n'est pas plus optimiste. « L'Union française des semenciers (UFS) ne souhaite pas s'engager, ni sur un niveau de revalorisation ni sur un montant plancher », indique-t-il. Les conditions climatiques extrêmes de 2018, entre le printemps pluvieux et l'été très sec, n'ont pas arrangé les choses. En 2018, la filière semences en Rhône-Alpes atteint 97,05 % de performance, proche du niveau national qui est de 99 %. Autour de 5 000 hectares ont été emblavés, comme en 2017. « On s'y attendait mais on espérait un peu plus », reconnaît Philippe Almoric, trésorier du SPSMS. Le réseau de producteurs en Rhône-Alpes chute à 455 producteurs, alors qu'en 2017, ils étaient 523.
Le risque génétique
Puisqu'il est difficile de négocier le prix, l'interprofession se concentre sur les coûts de production. « Votre niveau de rémunération est le même qu'il y a 20 ans, alors que le coût de la vie a augmenté », détaille Nicolas Montepagano, chargé de mission maïs semences.
Les charges de structure ont augmenté de 25 % entre 2007 et 2014. La marge nette était inférieure à 800 euros par hectare en 2017, alors que le niveau d'incitation moyen en France est autour de 680 euros par hectare. Elle est au même niveau depuis 1998. Les charges variables ont augmenté de 30 % entre 2007 et 2015. Depuis deux ans, elles baissent, le coût des engrais et des produits phytosanitaires étant moindre qu'avant.
« La stratégie de bas coûts et les impasses sont inadmissibles, déclare Stéphane Desrieux. Si on n'accepte pas les contraintes, on ne rentre pas dans la semence ».
Du côté des agriculteurs présents dans la salle, c'est la question de l'assurance des aléas climatiques et du risque génétique qui pose problème. « On nous envoie au casse-pipe, s'énerve un agriculteur, les semenciers sont protégés des aléas climatiques et c'est l'agriculteur qui paie l'assurance ». Pour Nicolas Montepagano, le risque génétique est pris en compte puisque l'assurance joue lorsque plusieurs variétés sont touchées dans un même périmètre géographique. Pour d'autres, c'est le changement de protocole de semences, plus contraignant en nombre de doses, qui interroge.
60 000 hectares en France
Les dossiers nationaux font aussi peser quelques doutes sur la filière, que ce soit la fin du TODE ou la suppression de certains néonicotinoïdes avec une dérogation en cours de traitement.
Au niveau européen, la France représente 44 % des surfaces implantées en 2018. Environ 65 000 hectares sont attendus au niveau français en 2019, contre 60 000 en 2018, déjà à la hausse par rapport à 2017. « Les marchés vont bien mais la valeur, ce n'est pas nous qui la captons, souligne Stéphane Desrieux. Si rien n'est fait pour nos producteurs, on continuera à faire de la semence dans notre coin, mais les jeunes n'y retourneront pas ». Selon les chiffres présentés, l'investissement économique de la filière est faible avec un non-renouvellement du matériel.
Virginie Montmartin