Présente ponctuellement sur l'ensemble du territoire français, l'ambroisie, plante allergisante, se concentre majoritairement dans la vallée du Rhône, le nord de l'Auvergne et le Poitou-Charentes ainsi que dans le Sud-Ouest. Pouvant atteindre une hauteur très variable selon le contexte, on distingue l'ambroisie avec des feuilles vertes sur chaque face, de l'armoise plutôt blanche argentée sur la face inférieure. Comme le tournesol, l'ambroisie à feuilles d'armoise appartient à la famille des astéracées annuelles et son cycle de croissance est tout à fait comparable à celui des espèces annuelles de printemps au sens large. La germination se situe globalement de mars à mai, elle fleurit en août-septembre, pour arriver à grenaison en septembre-octobre. Son cycle explique bien la difficulté rencontrée pour la maîtriser dans les cultures de printemps, où elle peut devenir très concurrentielle.

Des risques de résistance à prendre en compte

Comme sur d'autres espèces adventices, l'application fréquente d'herbicides à même mode d'action provoque la sélection de populations résistantes (l'herbicide révèle une résistance qui est spontanée). La part de cette population résistante augmente progressivement et le contrôle de l'ambroisie diminue.
Le risque est accentué dans les situations où le soja et le tournesol sont fréquemment cultivés et désherbés avec Pulsar 40 ou Express SX. Ces herbicides sont des inhibiteurs de l'ALS (acétolactate synthase - groupe HRAC B) au même titre que les sulfonylurées sur céréales. Le risque est important à partir d'un soja ou d'un tournesol cultivé une année sur deux et au-delà (monoculture de soja ou rotation tournesol/soja, rotations déconseillées en présence d'ambroisie). C'est justement dans une situation de monoculture de soja que le premier cas de résistance de l'ambroisie à feuille d'armoise aux inhibiteurs de l'ALS a été identifié en France, dans le Tarn-et-Garonne, en 2015. Aujourd'hui, ce cas n'est pas isolé. L'Inra en signale deux autres : en Haute-Garonne et dans le département du Rhône (monitoring réalisé dans le cadre du réseau de surveillance biologique du territoire associant tous les partenaires des BSV). Ces alertes rappellent, une fois de plus, que pour la durabilité du désherbage, et donc d'une solution, tous les leviers autres que Pulsar 40 ou Express SX doivent être activés, en complément, dans une lutte globale.

Décalage de semis et faux semis

Au printemps, la réalisation d'un faux semis (ou une préparation précoce du lit de semence) suivi d'un décalage de la date de semis est une mesure particulièrement efficace. Ce décalage doit être suffisamment long pour permettre aux adventices de lever puis de les éliminer par destruction mécanique ou chimique. Pour le tournesol, il est recommandé de décaler la date de semis au 20-25 avril ou jusqu'au 10-20 mai en situation très infestée ; pour le soja, décaler jusqu'au 20 mai (voir graphique 1).
Un faux semis réalisé après la récolte du précédent céréale à paille pourra également être très efficace pour réduire le stock semencier. Il faudra alors veiller à détruire ces re-levées pour éviter toute montée à graines (très rapide en été), afin de ne pas ré-augmenter ce stock de semences dans le sol !

Les stratégies herbicides à mettre en place

• En tournesol : prélevée + postlevée en programme dans les situations très infestées
Les meilleures efficacités sont obtenues avec la postlevée en deux applications réalisées en programme après Nikeyl 2 à 3 l/ha en prélevée.
Attention, ce programme herbicide doit être exclusivement mis en œuvre avec une variété tolérante à un herbicide de postlevée (variété VTH) et réservé aux seules situations qui le justifient. La stratégie visant à fractionner la dose de postlevée (deux fois 0,625 l/ha de Pulsar 40 avec Actirob B ou Dash HC ou deux fois Express SX 30 g/ha + Trend90) est la plus efficace, en respectant impérativement les stades d'application pour le tournesol : soit 2-3 feuilles pour la première intervention, suivie d'une seconde 8 à 10 jours plus tard.
Les solutions de prélevée seules sont insuffisantes pour contrôler l'ambroisie, particulièrement dans les situations les plus touchées. On note toutefois une efficacité légèrement supérieure pour l'association Racer ME 2 l/ha + Nikeyl (ou Cline) 2 l/ha par rapport à Nikeyl (ou Cline) 4 l/ha.

• En soja : vers des stratrégies en pré + post
La récente autorisation de mise sur le marché du Proman sur le tournesol et le soja offre désormais une nouvelle solution, en particulier sur le soja où l'offre actuelle est globalement restreinte. Cet herbicide de post-semis prélevée, à base de métobromuron 500 q/l, présente un large spectre sur les dicotylédones, et vient renforcer l'efficacité de la postlevée vis-à-vis des ambroisies. Ainsi, il est possible d'envisager des stratégies de prélevée à base de Proman à 2,5 l/ ha suivi par une double application de Pulsar 40 (deux fois 0,6 l/ha + Actirob). L'utilisation de Basagran 1 kg/ha (ou Corum 1 l/ha) à 2-3 feuilles, puis une application de Pulsar 40 0,6 l/ha + Actirob B offre des résultats légèrement supérieurs tout en limitant au mieux le risque de sélection d'une résistance. Dans ce type de situation où la postlevée est fractionnée, la dose de Proman peut même être revue à 1,5 l/ha à condition d'être particulièrement vigilant sur les conditions de réalisation des applications de postlevée.

Binage, en complément du programme herbicide

Compléter ces programmes herbicides par du désherbage mécanique, en particulier par un binage, permet d'augmenter l'efficacité de façon significative (voir graphique 2). En complément des solutions chimiques, le binage offre un intérêt certain pour la maîtrise de l'ambroisie en tournesol et en soja. Pour une meilleure efficacité du binage, il est toujours conseillé d'intervenir sur un sol sec et par temps séchant. Attention, à ne pas intervenir trop tard, sur un tournesol ou un soja trop développé. 

A. Micheneau et F. Duroueix, Terres Inovia