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Tomates

Maraîchage : face au virus ToBRFV

Le 17 février, le ministère de l’Agriculture a confirmé la présence du virus ToBRFV dans deux serres du Finistère. En cas de propagation, l’impact économique de cette maladie, qui affecte les tomates, poivrons, aubergines et piments, serait majeur. Le point avec Frédéric Riche, maraîcher à Lucenay (69) et vice-président de Légumes de France.
Maraîchage :  face au virus ToBRFV

Un premier cas de ToBFV (virus du fruit rugueux de la tomate brune) a été confirmé dans deux serres d'une même exploitation dans le Finistère. Pouvez-vous nous en dire davantage sur cette maladie ?
Frédéric Riche : « Les premiers cas de ToBFV ont été recensés en 2014 en Israël. Le virus est ensuite apparu en 2015 en Jordanie, en 2018 en Amérique du Nord et au Mexique. En 2019, les premiers cas ont été recensés en Europe : en Espagne, en Italie, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni. En somme, la France était encerclée. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que les Pays-Bas et l'Espagne sont d'importants exportateurs de tomates en France. Si ce virus est très dangereux pour les plantes potagères, en particulier les tomates, poivrons, piments et aubergines, il n'a aucun impact chez l'humain. En revanche, comme le rappelle le ministère de l'Agriculture, son impact économique est majeur. Il peut infecter la totalité des plantes sur un site de production de tomates, poivrons, piments, ce qui le rend redoutable pour les cultures à haute densité de plantation comme les cultures sous serre. Il est extrêmement résistant et peut être transmis par les semences et les plants, par les tomates qui peuvent elles-mêmes véhiculer le virus ou par l'activité humaine (manipulation, utilisation de matériel contaminé). Le risque est d'autant plus important aujourd'hui que les particuliers vont acheter également leurs plants en jardinerie, des plants qui seront potentiellement touchés. »

Qu'est-ce que cette découverte implique pour l'exploitation touchée ?
F. R. : « Les serres ont été placées sous séquestre dès les premiers soupçons puis ont été confinées dès la confirmation de la présence du virus en attente de la destruction des végétaux et de la désinfection du site. En effet, aujourd'hui, il n'existe aucun vaccin permettant de lutter contre cette maladie ni de porte-greffe résistant. Il n'y a aucun moyen de lutte à l'exception de la destruction par le feu des plants contaminés. »

Afin d'éviter la propagation de ce virus, quelles précautions doivent prendre les maraîchers ?
F. R.  « La filière est mobilisée depuis le début pour proposer au ministère un plan de surveillance et de prévention adaptée à la situation. Des mesures à caractère obligatoire seront très rapidement mises en œuvre par un arrêté ministériel. Dans tous les cas, il est dans un premier temps impératif que toute suspicion de présence du ToBRFV sur une culture soit immédiatement déclarée à la Draaf. Légumes de France a par ailleurs édité, le 21 février, un flash entreprises faisant état des précautions à prendre dans les exploitations maraîchères pour éviter que ce virus ne devienne une épidémie. Ainsi, il est recommandé aux producteurs d'être particulièrement vigilants lors de l'introduction de plants en provenance de pays contaminés. Ils doivent en effet exiger des plants et semences certifiées "good seed en plant practices" (GSPP). Ils doivent également être vigilants à tout matériel ou fourniture entrant sur l'exploitation. L'utilisation d'emballages neufs et à usage unique doit être privilégiée. L'Anses a également émis des recommandations. »

Quelles sont-elles ?
F. R.  « Il est primordial d'observer les bonnes pratiques d'hygiène : entrer dans les cultures en portant uniquement des vêtements neufs ou sortant de la machine à laver, privilégier de préférence des vêtements de protection tels que des blouses ou des combinaisons qui doivent rester à l'intérieur des serres après utilisation. Enfin, il est recommandé de désinfecter ses mains avant et après la manipulation des plantes ainsi que les chaussures de travail ou les bottes avant l'entrée et la sortie de la serre, les chariots de transport, de pulvérisation et tous les autres objets en mouvement qui entrent en contact avec la culture, les outils de travail et les serres en fin de culture. »

Pour les exploitations, ce virus peut représenter des pertes économiques colossales, n'est-ce pas ?
F. R.  « En effet, c'est pourquoi Légumes de France avec la Gefel et Felcoop travaillent actuellement en concertation avec le fonds national agricole de mutualisation sanitaire et environnemental (FMSE) sur les modalités de prise en charge des pertes et leur financement. Le ministère a d'ores et déjà confirmé que le ToBRFV fait l'objet d'une décision européenne en vigueur depuis le 1er novembre. Il est bien réglementé comme organisme de quarantaine et éligible à une indemnisation en cas de foyer sous réserve des autres conditions. Une réunion d'urgence de la section légumes frais du FMSE est programmée cette semaine. » 
Propos recueillis par Marie-Cécile Seigle-Buyat

 

Symptômes du tobamovirus

L’Anses a publié une note le 3 février mettant en garde contre ce virus émergent. Elle informe que « les dégâts observés sur tomate en production sous serre incluent des symptômes sur feuilles (chloroses, mosaïques et marbrures), ainsi que des taches nécrotiques sur les pédoncules, calices et pédoncules floraux. Les fruits présentent des décolorations résultant d’une maturation irrégulière, avec des taches jaunes ou brunes, des déformations et parfois des symptômes de rugosité caractéristiques, devenant ainsi non commercialisables. » L’agence indique également que ces virus sont très stables et peuvent survivre plusieurs mois sur des supports inertes sans perte de pouvoir infectieux.