Méthanisation et cultures intermédiaires : le mélange gagnant ?

De Cléon-d'Andran à Vesc, Romain Benoît, gérant de La ferme félinoise à Félines-sur-Rimandoule, a récemment parcouru les routes à la rencontre de ses collègues agriculteurs. L'objet de ces visites est la présentation d'un projet de territoire mené depuis la fin des années 2000, à savoir la création d'une unité de méthanisation à grande échelle. D'abord étudié sur la plaine de La Bégude-de-Mazenc, le projet n'a pu aboutir suite à un refus de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal). En suivant les canalisations, le porteur de projet s'est tourné vers la commune d'Allan. « Dans un secteur situé au milieu des vergers, loin des habitations, le terrain bénéficie du passage des canalisations de GRTGaz », explique-t-il. La commune a donné son accord. Pour pouvoir définitivement implanter l'installation, Romain Benoît a donc besoin du soutien des exploitants agricoles. Pour rappel, la méthanisation est un procédé biologique qui dégrade la matière organique et produit un biogaz riche en méthane. Ce dernier est ainsi utilisé pour produire de l'énergie et dégager un digestat liquide riche en azote, assimilable par les cultures.
Une valeur ajoutée pour les agriculteurs
Un atout certain pour l'agriculture puisqu'il permet d'améliorer la résilience de la production agricole dans un contexte de transition énergétique. Mais c'est aussi une méthode efficace pour valoriser les sous-produits agricoles - tels que les fumiers, l'ensilage de maïs semence mâle, les écarts de tri de fruits, la paille ou encore les cultures intermédiaires à vocation énergétique (Cive, en remplacement des Cipan* par exemple) -, qui peuvent être incorporés dans cette unité de technologie allemande.
La diversité des intrants est au centre des discussions. Si les études actuelles permettent d'envisager l'ensilage des maïs semence mâle, les Cive - prises en charge entièrement par l'unité de méthanisation - font également partie du projet. Présent lors de l'une de ces réunions en sa qualité de vice-président de la chambre d'agriculture de la Drôme, Jean-Pierre Royannez a relevé : « On ne fait pas un méthaniseur rentable avec seulement des effluents d'élevage. Il faut amener autre chose et les Cive peuvent être une bonne alternative : on gagne une culture, conserve une couverture et ramène une matière organique au sol. Cela mérite d'être expliqué : sans culture dans un méthaniseur, pas de rentabilité. »
Une société gérée à 76 % par des agriculteurs
L'objectif est donc d'amener les agriculteurs à revoir leurs habitudes en partant sur ce principe de deux cultures par an qui permettrait ainsi de répondre aux ambitions de production de gaz tout en leur assurant un revenu complémentaire. Avant d'en arriver là, la priorité pour Romain Benoît est de sensibiliser les exploitants à participer au projet (huit se sont déjà engagés, ndlr), notamment pour constituer le plan d'épandage. Sur les 2 500 hectares nécessaires, il en manque encore près de 1 200 pour pouvoir déposer le permis de construire. Une société sera alors créée, détenue à 51 % par la famille Benoît, 25 % par les agriculteurs associés et 24 % par des investisseurs privés, banques et autres financements participatifs. Un projet de longue haleine qui pourrait voir le jour d'ici l'été 2020 sur la plaine d'Allan.
A. P.
* Cipan : culture intermédiaire piège à nitrate.
Repères / L’unité de méthanisation, en chiffres
Investissement : 8 millions d’euros.
Chiffre d’affaires envisagé pour 2020 : 2,2 millions d’euros.
Création d’emplois : 15 personnes.
Rémunération sur le capital investi : 7 % par an minimum.
Intrants : 36 000 tonnes par an.
Prix d’achat de matière brute :
13 €/t pour un actionnaire.
Prix d’achat de Cive matière brute : 9 €/tonne pour un actionnaire.
Restitution par épandage : 1 000 litres de digestat pour 1 tonne.
Point de vue du vice-président de la chambre d’agriculture de la Drôme, Jean-Pierre Royannez croit en ce projet d’unité de méthanisation : « Un moteur pour l’agriculture »
«Ce projet d’unité de méthanisation ne peut être qu’une bonne chose, estime Jean-Pierre Royannez. Hormis le fait que cela va inciter les agriculteurs à produire des cultures intermédiaires à vocation énergétique (Cive), cela va régler le problème du stockage et des odeurs des effluents et autres fumiers. On diminue ainsi les contraintes tout en offrant une source de revenus supplémentaires aux agriculteurs. Plus globalement, je suis favorable aux énergies renouvelables, à condition que ce ne soit pas fait n’importe comment et que l’agriculteur, quel qu’il soit, puisse en tirer profit. Que ce soit les centrales villageoises, l’unité de méthanisation, les toits équipés de panneaux photovoltaïques ou encore la gestion forestière, tout cela doit être un moteur pour l’agriculture. »
Photovoltaïque : le projet de la Centrale villageoise de La Lance
Initié en 2016, le projet de création de la centrale villageoise de La Lance va voir le jour d’ici l’été 2019. La SAS a été créée en mai 2017 et concerne un groupement de communes autour de Vesc, de Dieulefit à Truinas, en passant par La Roche-Saint-Secret ou Salettes, pour ne citer qu’elles. Un large territoire sur lequel seront développées les énergies renouvelables, en associant citoyens, collectivités et entreprises locales. L’objectif est clair : produire localement de l’électricité d’origine renouvelable et être ainsi acteur de la transition énergétique. Pour tout un chacun, ce procédé permet également de lutter, à son niveau, contre le changement climatique et s’inscrire dans une démarche citoyenne. Le dispositif est simple : la société locale, ici SAS Centrales villageoises de La Lance, réalise les installations photovoltaïques, louent les toits aux propriétaires (à raison de 2,50 € du m2 par an), vend l’électricité produite et entretient les installations. Après l’étude de faisabilité sur les communes du territoire défini et les coûts fixés par Enedis, le projet n’attend plus que le retour des aides publiques. Les travaux devraient débuter au deuxième trimestre pour une première alimentation en été 2019.
A ce jour, il existe trente-six centrales villageoises de ce type sur le territoire, comprenant 2 800 actionnaires pour 226 installations en fonctionnement. Dans le Parc naturel régional des Baronnies provençales, il s’agirait de la troisième, après celles du Rosanais et du Sud-Baronnies.