« Mettre la pression aux GMS »

Depuis le début de l'épidémie de Covid-19 et de la crise multisectorielle qu'elle a provoquée, le combat syndical ne faiblit pas, bien au contraire. Dès les premiers jours du confinement, les syndicats FNSEA et Jeunes agriculteurs ont appelé à promouvoir les produits français pénalisés par le coronavirus. Largement bénéficiaires des reports de consommation des citoyens qui n'avaient plus accès à la restauration hors foyer, les enseignes de la grande distribution ont rapidement répondu à cet appel. Au moins quatre d'entre elles se sont engagées, le 23 mars, à privilégier l'origine France sur les fruits et légumes, Leclerc, Auchan, Système U et Intermarché. Pour l'agneau, « Intermarché et Auchan ont donné leur accord de principe ce week-end (les 21 et 22 mars, ndlr) », précisait le même jour Michèle Boudoin, présidente de la FNO (éleveurs ovins, FNSEA). Coup de communication ou volonté confirmée ? « Si les enseignes font des efforts pour mettre des produits agricoles français dans les rayons, ça n'est pas vrai partout », alerte le président de la FRSEA Auvergne-Rhône-Alpes, Michel Joux. Les bonnes intentions affichées au début de la crise par les GMS méritent d'être contrôlées, affirme le syndicaliste. En témoignent les cargaisons d'agneaux néo-zélandais ou de porcs espagnols, repérés dans certains linéaires. A quelques jours des fêtes de Pâques et alors que la consommation d'agneaux est en berne, certains distributeurs « ont mis en priorité l'écoulement de leur stock d'agneaux d'importation, accentuant ainsi la situation délétère des éleveurs français », dénonçait la FNO, dans un communiqué du 6 avril.
Les EGA entre parenthèses ?
En Auvergne-Rhône-Alpes, la profession a donc décidé d'en référer au préfet de région pour l'appeler à « mettre la pression aux GMS ». Ce dernier « a envoyé un courrier à plus de 1 500 points de vente de la grande distribution, pour les inciter à participer à l'élan national en privilégiant les achats de productions françaises et, ce, à des niveaux de prix qui soient à la hauteur des enjeux », précise Michel Joux. Une action incitative, que les fédérations syndicales départementales sont invitées à relayer sur le terrain, complète-t-il. Mais le syndicat majoritaire ne compte pas en rester là. Des actions de surveillance d'enseignes et de linéaires sont prévues, « pour vérifier la présence de productions françaises en rayons et contrôler que les prix puissent rémunérer les producteurs. » Car il n'est pas non plus question que cette période d'instabilité soit le prétexte à démonter les acquis issus des États généraux de l'alimentation, insiste avec fermeté le président de la FRSEA. « On ne veut pas que ce soit mis entre parenthèse. On doit continuer, même en période de crise, à aller dans le sens d'un rééquilibrage des relations commerciales. Le consommateur doit payer son alimentation au juste coût tout en permettant au producteur d'être correctement rémunéré. » Dans le viseur notamment, la mise en avant des produits français, la construction des prix à partir des coûts de production mais aussi l'encadrement des promotions. Hors de question de « revenir sur la loi EGA et sur l'encadrement des promotions », insiste Michel Joux. « C'est bien joli de vouloir vendre plus mais, s'il n'y a pas de rémunération pour l'agriculteur, nous serons perdants. »
Sébastien Duperay