Miscanthus : une filière qui peine à s'amorcer

Aussi appelé roseau de Chine, le miscanthus fait partie des plantes dites à biomasse. Leur particularité est de produire beaucoup de carbone tout en étant peu gourmande en intrants. Utilisable comme combustible, cette graminée vivace non invasive et stérile peut également être transformée en paillage horticole, litière animale, isolant thermique en écoconstruction. On peut aussi en extraire des biopolymères. Son attrait est donc à la fois économique et environnemental. Depuis l'automne 2011, un groupe de travail constitué de collectivités, d'organismes publics et d'associations contribue à l'émergence d'une filière locale en Drôme et Isère. Son action consiste notamment à mettre en relation des producteurs (actuels et potentiels) de miscanthus avec des acheteurs pouvant le valoriser. Pour ce faire, l'association départementale d'information sur le logement (Adil 26) a organisé une rencontre à l'attention des collectivités locales. « L'objectif est de mettre en relation des maîtres d'ouvrage avec des agriculteurs prêts à planter du miscanthus », a expliqué Nicolas Estrangin, conseiller énergie de l'Adil, le 21 septembre à Chabeuil.
Avoir un débouché sûr
L'Adil cible prioritairement les usages paysagers et énergétiques du miscanthus. « Il y a des plantations, notamment dans le Nord-Drôme. Mais, pour que cette filière se développe, il faut convaincre des utilisateurs, comme ce fut le cas avec le bois énergie pour lequel le maillage local a mis vingt ans à se faire », a fait remarquer Nicolas Estrangin. Dans la salle, des agriculteurs se sont dits intéressés pour planter du miscanthus, à condition qu'il y ait un débouché sûr à proximité de leur exploitation. Pour l'heure, il semble que peu de communes aient prévu d'investir dans une chaudière biomasse. Pour celles ayant en projet un changement d'équipement, « c'est le moment de s'interroger, a fait remarquer le conseiller. Pour une installation de 150 kWh, typique d'une collectivité, la solution miscanthus est plus intéressante que d'autres ressources. Aussi bien en termes de rendement énergétique que d'investissement selon le niveau d'aides obtenu », a-t-il assuré. Il a notamment évoqué le Fonds chaleur, a priori « bien doté », ainsi que des soutiens de la Région. L'exemple de la chaufferie collective Brumath (Bas-Rhin) a été cité. Le contrat entre les agriculteurs et la ville, d'une durée de 17 ans, fixe le prix d'achat des récoltes de miscanthus à 100 euros la tonne de matière sèche (avec une indexation). Et l'agriculteur qui a financé le hangar de stockage reçoit de la ville une rémunération contractuelle.
Des calculs chamboulés
Cependant, avec la baisse des prix des énergies fossiles, les calculs de rentabilité sont chamboulés. L'interdiction de produits phytosanitaires dans l'entretien des espaces publics à compter du 1er janvier 2017 pourrait toutefois amener des municipalités à s'intéresser au miscanthus, comme solution de paillage. Pour ce type d'utilisation, l'Agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse participe à des études sur les zones de captages prioritaires. Des essais ont été réalisés au lycée horticole Terre d'horizon, à Romans.
Par ailleurs, l'utilisation du miscanthus en litière a été testée dans un haras de l'Isère. « C'est un excellent absorbant, qui sèche très vite », a fait observer Nicolas Estrangin. De plus, à l'instar du chanvre, le miscanthus peut notamment s'utiliser en enduit ou pour l'édification de murs en béton banché intégrant de la chaux. Il constitue un produit isolant particulièrement intéressant car très respirant.
Des réalisations
A Upie, commune confrontée à des problèmes d'eaux usées à la sortie de la lagune, du miscanthus a été planté au printemps dernier sur un filtre de 200 mètres carrés. Les coupes pourraient à terme approvisionner une chaudière à biomasse... Ailleurs, dans le département, quelques agriculteurs utilisent le miscanthus pour chauffer leur bâtiment d'exploitation ou maison d'habitation. « Attention cependant à avoir le bon équipement, à savoir une chaudière à biomasse polycombustible* », a prévenu Nicolas Estrangin.
En Drôme des collines, à Saint-Bardoux, l'EARL Deroux projette de tendre vers l'autonomie énergétique pour chauffer ses trois serres. Ses besoins sont de 300 MWh par an. Les deux hectares de miscanthus implantés en 2013-2014 devraient fournir 120 MWh. Avec un coût d'investissement à 197 000 euros, l'amortissement se ferait sur moins de sept ans.
A Saint-Sorlin-en-Valloire, après l'étude de diverses solutions (photovoltaïque, essences forestières...), le miscanthus a été choisi par le Sytrad pour recouvrir le centre d'enfouissement des déchets. L'essai porte sur un des vingt hectares du site.
Avoir des projets pilotes
Ce ne sont là que des débuts. A l'heure actuelle, rien ne laisse présager un fort développement de la filière miscanthus. « Il faudrait avoir des projets pilotes pour montrer des réalisations », a appelé de ses vœux le conseiller de l'Adil. Le 7 octobre à Montéléger (côte des Monédières), l'association organise à 10 heures une rencontre chez Jacques Vaillant. Cet agriculteur cultive du miscanthus destiné à alimenter, une fois broyé, une chaudière. La visite sera également l'occasion de découvrir comment le miscanthus peut lui aussi participer au concept de « maison carbone zéro ».
Christophe Ledoux
* Des équipements adaptés à la combustion du miscanthus sont nécessaires : débits d'entrée de matière et d'arrivée d'air différents, foyer à grille mobile et (ou) racleur, bas à cendre plus gros, système de tubage en céramique pour éviter la corrosion...