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Oléiculture

Mouche de l’olive : optimiser la protection à base d’argile

Invités par le Groupement des oléiculteurs de Vaucluse sur le domaine Canfier, à Robion, professionnels et amateurs sont venus échanger le 6 septembre sur la mouche de l’olive. Objectif : améliorer leurs techniques de piégeage et de protection de la récolte.
Mouche de l’olive : optimiser la protection à base d’argile

«D'une manière générale, l'état sanitaire est satisfaisant, observe Isabelle Casamayou, animatrice du Groupement des oléiculteurs de Vaucluse. La mouche de l'olive, responsable d'une récolte catastrophique en 2014, a peu piqué les olives cette année en Vaucluse. En année moyenne, on en récolte 430 tonnes. En 2014, on avait chuté à 105 t. En 2017, on a récolté 560 t malgré la sécheresse. Et cette année, la quantité de fruits s'annonce plutôt bonne. » Ce bon état sanitaire s'explique grâce aux fortes chaleurs estivales, qui ont contribué à la mortalité des mouches adultes. Les premières récoltes débuteront autour du 25 octobre cette année et s'achèveront vers le 10 novembre.

Aspersion sous frondaison avec jet horizontal

« Cette année, la récolte s'annonce belle ! », observe de son côté Michel Charvet, qui accueillait le groupe sur son domaine. Son verger compte 9 ha d'oliviers, des aglandau, convertis en bio en 2014, et irrigués. Sa méthode pour lutter contre la mouche ? « Une aspersion sous frondaison, avec un jet horizontal, à plein, après avoir mis l'engrais organique. Mais j'arrête en fonction de la météo pour éviter d'avoir une humidité ambiante qui favorise la mouche. En traitement, je fais un ou deux cuivres au printemps, et un dernier à l'automne. Et contre la mouche, un Syneïs vers le 15 août, voire en septembre. Je place les pièges à phéromones et je passe chaque jour pour compter les mouches, pour bien positionner le traitement sur le pic du vol. Ensuite, je sais que j'ai 24 heures pour traiter. S'il y a du mistral, j'attends car elles ne pondent pas en général. Je traite à l'argile. Je règle mes canons à petite pression, de sorte que le jet soit intermédiaire, avec de grosses gouttes. J'asperge les olives sur une bande de 60 cm environ, en passant un rang sur deux. Je m'imagine à la place de la mouche quand je traite : je fais des zigzags avec le jet, en imaginant le trajet de la mouche dans la zone des olives. Si le vol continue, je traite à nouveau le lendemain. »

Les mouches sont attirées par une odeur ammoniaquée. Pour repérer les femelles, c’est simple : ce sont celles dont l’abdomen se termine en pointe (l’ovipositeur, organe de ponte, est comme un dard). © C. Poulain Piège équipé d’une capsule de phéromone, qui attire les mouches mâles cherchant à s’accoupler. Leur nombre donne une indication de la population de femelles qui seront fécondées dans les jours qui suivent et donc des piqûres sur olives. © C. Poulain

Cibler les traitements

« Si l'oléiculteur choisit d'utiliser un Syneïs, qu'il le réserve en priorité aux arbres les plus affectés et aux moments où les mouches sont les plus actives », recommande Alex Siciliano, de l'Afidol. Ce produit - autorisé en bio en pulvérisation sur 10 % de la frondaison - contient un attractif alimentaire ainsi qu'un insecticide. Mais attention : malgré son origine naturelle, il est toxique pour une large palette d'auxiliaires.
Pour cibler les traitements, l'oléiculteur commence par estimer le risque. Pour cela, existent des pièges alimentaires ou sexuels à poser dans le verger et à venir relever régulièrement. Cela permet en particulier de repérer le début des vols, donc de mieux cibler la date de traitement, pour plus d'efficacité. Les pièges à phéromones (voir photo) se conservent deux ans au congélateur et un an au réfrigérateur. Parfois, les dégâts ne sont pas proportionnels à la capture. C'est donc juste un indicateur, l'idéal étant d'aller dans ses vergers et d'observer directement.
Lorsque les pièges sont utilisés dans une stratégie d'indicateur pour cibler les traitements, il est important de venir les relever tous les jours (ou tous les deux jours). Sinon, comment savoir depuis combien de temps les mouches sont piégées ?
En stratégie de piégeage massif, l'emploi de bouteilles DAP, ou phosphate diammonique, est très pratique, selon Isabelle Casamayou. La solution est préparée à la dose de 50 g/l. « Elle se volatilise, donc elle est à changer après trois à quatre semaines », poursuit l'animatrice. Le piégeage massif fonctionne bien sur certains vergers. « L'avantage du DAP est qu'il est facile à utiliser, peu coûteux, et on voit rapidement s'il est efficace. » Les techniciens conseillent d'ailleurs de disposer une bouteille dans chaque arbre pour optimiser les captures. « La mouche adulte a pour vocation de se reproduire et elle ne pond que dans les olives. Mais elle cherche à s'alimenter en eau et protéines dans l'environnement proche, l'herbe humide, rappelle Isabelle Casamayou. Donc une bouteille DAP n'est pas toujours un indicateur fiable, dans le cas où l'herbe est humide et que les mouches trouvent de quoi se nourrir facilement ».

 

Pulvérisation d'argile

« Je traite mes oliviers à l'argile blanche depuis des années, témoigne un oléiculteur présent à la journée. Je l'associe à du purin d'ortie, pour son côté répulsif. C'est très efficace. Seule contrainte : traiter à nouveau après une pluie. » Le principe est simple : recouvrir les olives d'une fine poussière d'argile de sorte que les mouches ne reconnaissent pas les olives. L'emploi de cette barrière minérale, qui agit de fait comme une barrière physique, est un traitement de base pour les professionnels aujourd'hui. Cela nécessite quatre à six passages par an, selon la météo.
Actuellement, il s'agit du seul produit homologué sans classement toxicologique. « On emploie une argile blanche calcinée car elle ne prend pas en masse lorsqu'on la solubilise », explique Alex Siciliano. Pour améliorer son adhérence à l'olive, on ajoute à la préparation du lait demi-écrémé ou du savon noir liquide à 2 %. On dose à 30 kg/ha, soit un coût 4 euros pour 40 arbres. « Pour le dosage, comme elle se dilue facilement, je peux préparer à l'avance une solution mère à 30 ou 40 % qui servira ensuite à remplir mon pulvérisateur, avec une dilution à 5 % », conclut Alex Siciliano. 

Cécile Poulain

 

L’avis d’Alex Siciliano (Afidol)  : « Une charge en olives plutôt bonne »

«Les oliviers du Vaucluse, de France en général, se portent bien cette année grâce au printemps qui nous a apporté beaucoup d’eau, intercalée par de belles journées. Les arbres ont réussi un très bon démarrage de végétation et ils ont préparé leurs fleurs dans des conditions excellentes. Arrivés en juin, à la floraison, les arbres affichaient donc à la fois une bonne vigueur, un nombre impressionnant de fleurs et des réserves en place. Comme le mois de juillet a également vu quelques belles pluies, les réserves des arbres ont été consommées tranquillement. En août, la sécheresse était parfaitement normale et conforme aux habitudes de notre arc méditerranéen. Résultat : on a attaqué le mois de septembre avec des arbres remarquablement verts, une belle vigueur et une charge en olives correcte à bonne.
En parallèle, les mouches sont peu actives. En effet, elles étaient peu nombreuses en fin d’année 2017, du fait de la sécheresse en été et automne. De plus, les températures de l’été 2018 ont fréquemment dépassé 30 °C, entraînant la mortalité des œufs et des jeunes larves. Mais on n’est pas sorti d’affaire et il peut y avoir deux générations de mouches entre septembre et la récolte. Tout va donc dépendre des conditions climatiques. En général, la mouche est le principal ravageur pour les oléiculteurs français. Certaines années, elle est discrète, comme en 2017 avec un été chaud et sec. D’autres années, elle peut entraîner 100 % de pertes, comme en 2014 où l’été affichait 3 à 4 °C de moins que la normale. Toutefois, avant d’incriminer la mouche, il faut rappeler que, pour obtenir des olives, il faut au préalable des arbres en bonne santé, un sol fertile et entretenu, une fertilisation adaptée, éventuellement de l’irrigation et pas de maladie de feuillage. » 

« Pensez à traiter les zones moins accessibles en hauteur et à l’intérieur de l’arbre », conseille Alex Siciliano (Afidol). © C. Poulain

 

Essais de filets recyclés

Pour éviter tout traitement aux producteurs d’olives de bouche, la fédération des oléiculteurs teste la pose de filets AltCarpo recyclés. Ces filets ont une durée de vie de cinq à sept ans et leur recyclage n’est pas efficace. « On les a donc récupérés, découpés, réparés et posés sans passerelle sur ces oliviers, explique Isabelle Casamayou, animatrice du Groupement des oléiculteurs de Vaucluse. On enserre l’arbre jusqu’à son pied car les mouches peuvent sortir de terre. Pour cette première expérience, il a fallu une heure de travail. » Le seul coût est donc ce temps de travail. Les résultats seront connus fin octobre.
Essai de filets AltCarpo recyclés. « Il nous a fallu une heure pour le découper, le réparer et le poser. Les résultats seront connus fin octobre », annonce Isabelle Casamayou, du groupement des oléiculteurs de Vaucluse. © C. Poulain