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Sanitaire

Noix : s’adapter aux techniques alternatives

La Senura fête les vingt ans de recherche consacrée à la confusion sexuelle. Dernièrement, elle est revenue sur les solutions alternatives contre le carpocapse et la mouche du brou.
Noix : s’adapter aux techniques alternatives

Dans le noyer, une grande plaque jaune oscille au gré du vent. Ce piège attire la mouche du brou, qui se retrouve collée. L'exploitant peut ainsi savoir si le ravageur est présent ou non dans ses parcelles. La station d'expérimentation nucicole de Rhône-Alpes (Senura) a aidé la création d'un îlot d'essais de techniques alternatives contre le carpocapse et la mouche du brou. S'étalant sur 100 hectares, cet îlot regroupe 14 nuciculteurs. Il permet de tester de nouvelles techniques dans des conditions idéales. « Il faut souvent renforcer les bordures de parcelles pour assurer une bonne protection. En étant plus nombreux, le centre des parcelles est mieux protégé. On peut baisser les doses et donc le coût du produit à l'hectare », explique Agnès Verhaeghe, responsable scientifique de la Senura. Cet été, lors de la journée de présentation des techniques alternatives, plus d'une centaine de nuciculteurs ont répondu présents. Car le rapport coût/dégâts fait mal. Il y a deux générations de carpocapses par an et le nombre de petits papillons ne fait qu'augmenter d'année en année.
Une recherche en plein développement
La lutte contre le fameux papillon a bien évolué depuis le lancement de la recherche de solutions il y a vingt ans. « Il y a trois ans, seulement 50 hectares de la région étaient traités avec la technique de confusion sexuelle. 500 hectares sont aujourd'hui concernés », se félicite Jean-Luc Revol, ancien président de la Senura. Le premier produit, l'Isomate de Sumi agro France, demandait la pose de 1 000 diffuseurs passifs par hectare, soit 15 heures de travail. En 2016, le Ginko ring (de la même entreprise) demande 100 diffuseurs à l'hectare, soit 2 heures de travail. De petite taille, ces derniers doivent s'accrocher dans les noyers. D'autres sont rentrés dans la course comme l'entreprise De Sangosse et son Checkmate Puffer. Cette sorte de boîtier longiligne équipé d'une bonbonne diffuse les phéromones durant toute la saison. Ces produits n'ont pas vocation à tuer le ravageur mais à l'empêcher de se reproduire. Ces deux derniers produits seront testés dans l'îlot.
La recherche contre la mouche de brou a aussi fait de belles avancées. Certains agriculteurs utilisent l'argile Sokalciarbo WP de l'entreprise Soka appliquée avec un atomiseur, qui a pour but de l'empêcher de venir pondre dans les noix. D'autres privilégient le couplage des phéromones à un insecticide. C'est le cas du Decistrap MB développé par Bayer, sorte de boule orange qui attire la mouche, la bloque à l'intérieur où l'attend l'insecticide. Le Syneis Appat de Dow Agrosciences est un autre insecticide, très faiblement dosé, appliqué au pinceau sur l'arbre, qui attire la mouche et la tue. La plupart de ces techniques seront testées dans le nouvel îlot nucicole durant cette première année.
Changer de pratiques
Attirer, piéger, coincer, tuer... si les buts de toutes ces techniques sont assez similaires pour limiter les ravageurs, chacune est adaptée à un certain type de parcelle. Le Ginko ring ou le Puffer sont plus faciles à poser avec l'aide d'une nacelle ou avec une perche. Tout le monde n'est pas équipé et il est difficile d'imaginer leur déplacement dans certaines parcelles « comme les coteaux ». D'autres produits sont aussi à privilégier dans les grandes parcelles afin de créer de vrais nuages de phéromones. Une fois le bon produit trouvé, il faut prendre en compte le temps de pose. « A deux, on met trois heures par hectare pour accrocher les boîtiers », raconte un nuciculteur. Sans oublier le renouvellement. Daniel Eymard, nuciculteur et membre de l'Asa (association syndicale autorisée) d'Izeron, utilise l'argile contre la mouche du brou depuis six ans et il fait quatre passages par saison. La facilité de pose et la technicité vont aussi avec le prix. De l'insecticide classique au diffuseur sophistiqué, le prix à l'hectare peut être multiplié par trois. « Le critère économique fait que c'est compliqué à développer. Mais certains insecticides seront interdits, donc il faut s'approprier les nouveaux systèmes », explique Agnès Verhaeghe. Gilles Convert a trouvé dernièrement 10 mouches du brou sur son piège jaune et il espère, pour sa part, qu'on trouvera un jour des auxiliaires capables de limiter ces ravageurs. 

Virginie Montmartin

 

Innovation / Présentée lors de la journée dédiée aux techniques alternatives de la Senura, la technique du tir de phéromones en a surpris plus d’un.

Le juste tir valorisé

Une partie de paintball, ça ne se refuse pas. Surtout quand c’est pour mêler l’utile à l’agréable. L’entreprise française M2I life sciences a développé un produit à base de phéromones de carpocapse sous la forme de billes jaunes. Insérées dans un fusil de paintball. Elles explosent au contact de l’écorce de l’arbre et répandent leur contenu. « Il suffit de tirer une bille dans la partie supérieure de l’arbre, en se tenant à 10 ou 15 mètres de lui », explique Patricia Griffith, coordinatrice réglementaire et marketing de l’entreprise. Le but d’une telle technologie est bien sûr le gain de temps et la facilité d’utilisation. « Il n’y a pas de contact avec le produit et il ne laisse aucun résidu sur l’arbre », confirme-t-elle.  Seul pré-requis : savoir viser.
Test en cours
Les agriculteurs ont pu tester le nouveau matériel. Equipés de lunettes de protection et de gants pour insérer les billes dans le compartiment, ils ont pu tirer dans plusieurs arbres tout en marchant le long des allées. Ce système existe déjà contre les chenilles processionnaires du pin. « Les personnes qui l’utilisent contre ces ravageurs n’ont ni nacelle ni pulvérisateur. Il fallait une solution pratique », ajoute Patricia Griffith. La Senura a donc soutenu son développement pour le carpocapse. « Aujourd’hui, ce sont uniquement des phéromones mais peut-être qu’on peut rajouter un insecticide ou développer cette technologie pour la mouche du brou », espère Agnès Verhaeghe, responsable scientifique de la Senura. Si le système peut surprendre, il ne demande pas d’autorisation réglementaire particulière. En revanche, la route est longue vers une homologation car il faut valider un nombre d’essais suffisants. Le prix de cette technologie n’est pas encore connu.  
V. M.
En marchant le long des allées des noyeraies, le démonstrateur tire dans chaque arbre à l’aide du fusil de paintball pour diffuser l’insecticide. L’utilisation du fusil permet une pose facile sans échelle, canne télescopique ou atomiseur.