« Nous voulons la paix avec le monde agricole »

Jean-Louis Briand, ce dimanche 11 septembre, c'est l'ouverture générale de la chasse. Comment se portent les populations de gibiers ?
Jean-Louis Briand : « Pour s'en faire une idée, des chasseurs drômois procèdent bénévolement à des comptages nocturnes de la faune sauvage à bord de 4 x 4 tous les ans en suivant un protocole scientifique strict. A l'arrière du véhicule, à l'aide d'un projecteur puissant, deux personnes (chacune de son côté) scrutent les abords du trajet. Et, à côté du chauffeur, un chef de bord note les espèces de faune sauvage vues. Ces comptages se font tous les ans, toujours les semaines huit et neuf de 20 à 24 heures. Cette année, 2 672 chasseurs se ainsi sont mobilisés, ont parcourus 167 circuits (toujours les mêmes) à quatre reprises, soit 17 364 kilomètres en tout.
A l'appui de ces comptages, nous pouvons dire que la saison de chasse s'annonce bien. Mais la population de sangliers explose. En 2015-2016, les chasseurs en ont prélevé 16 340, contre maximum 10 000 par an pendant la dernière décennie. Les sangliers sont responsables de 95 % des dégâts de grands gibiers aux cultures. Il y a trois ans, trois massifs étaient classés "points noirs" par le préfet dans la Drôme. A présent, ce sont les trois quarts du département. D'où l'ouverture de la chasse aux sangliers le 15 août. »
Comment expliquez-vous cette explosion ?
J-L. B. : « Lors des derniers comptages (après la saison de chasse), ont été observés des troupeaux d'une cinquantaine de sangliers. Cette hausse est due à plusieurs facteurs. Les marcassins sont très sensibles au froid durant leurs premiers jours. Doux, l'hiver dernier n'en a pas tué. La fainée (hêtres) et la glandée (chênes) ont été abondantes. La culture du maïs se développe et le sanglier en raffole. Lorsque la nourriture abonde, les laies de 35 kilos et plus peuvent faire trois portées tous les deux ans.
Nous avons donc mis une forte pression sur nos chasseurs, pour trois raisons. Premièrement, seul le monde de la chasse paie les dégâts aux cultures causés par le grand gibier : 300 000 euros d'indemnisations pour 2015-2016(1). Deuxièmement, nous voulons la paix avec le monde agricole. Troisièmement, le sanglier est un prédateur de la petite faune sauvage et les chasseurs gèrent la biodiversité. »
Pour finir, quid des accidents de chasse et de la sécurité ?
J-L. B. : « En France nous sommes 1 100 000 chasseurs tirant tous les ans plus de cent millions de coups de feu. Les statistiques de l'ONCFS(2) font état de 39 accidents mortels au cours de la saison de chasse 1999-2000. En 2015-2016, il n'y en a eu aucun le dimanche. Dix personnes ont perdu la vie pendant une partie de chasse, dont deux non-chasseurs. Le monde de la chasse le regrette car c'est à chaque fois un drame pour la famille de la victime comme pour celle de l'auteur. C'est la raison pour laquelle les fédérations de chasse font de la sécurité la priorité des priorités. L'examen du permis de chasser est de plus en plus difficile. La formation continue des chasseurs, l'obligation de lire les consignes de sécurité avant chaque battue, toutes ces mesures responsabilisent de plus en plus les chasseurs. »
Propos recueillis par Annie Laurie
(1) La FDC et les sociétés de chasse (ACCA et chasses privées) de la Drôme ont aussi investi plus de 200 000 euros dans du matériel de protection des cultures ces trois dernières années.
(2) ONCFS : office national de la chasse et de la faune sauvage.
Dégâts aux productions / Le monde de la chasse se mobilise aux côtés des agriculteurs la faune sauvage.Solidarité et partenariat avec l'agricultureLoup
Le soutien du monde de la chasse au monde agricole prend différents formes. Pour le loup, des chasseurs interviennent en application stricte des arrêtés préfectoraux de tirs de prélèvement. « Ils sont solidaires des éleveurs, confie Jean-Louis Briand, secrétaire général de la FDC 26. A ce jour, ils sont 1 000 à être habilités, après avoir suivi une formation spécifique dispensée par des gardes de l'ONCFS. Et on va continuer à en former. »Corvidés et colombidés

Concernant les corvidés et colombidés (pigeons), la Drôme compte actuellement 1 000 chasseurs régulateurs. Ils prélèvent 10 000 corvidés par an, « alors que ces oiseaux ne sont pas consommables », fait remarquer Jean-Louis Briand, qui a mis en place cette opération en 2014 sur la plaine de Montélimar à Valence. A présent, elle s'est étendue dans la plaine de la Drôme des collines. Les agriculteurs victimes de corvidés et colombidés doivent déposer une demande auprès de la DDT(*) car il s'agit de tirs de destruction et non de chasse. Dans cette demande, ils doivent désigner les chasseurs chargés d'intervenir et parcelle(s) concernée(s). Le préfet prend alors un arrêté spécifique. Ces tirs de destruction sont pratiqués hors période de chasse : dans les 15 jours à trois semaines après les semis de maïs et tournesols ainsi qu'un peu avant la récolte des seconds.
Jean-Louis Briand invite les agriculteurs à déclarer à la DDT les dégâts de la petite faune sauvage. Ceci, « afin de pouvoir piéger ou tirer les espèces excédentaires causant des dommages aux cultures et aux élevages, précise-t-il. La FDC détient des imprimés. Tous les trois ans, la liste des nuisibles est revue en fonction des déclarations de dégâts ».Cipan
Par ailleurs, une action partenariale a été lancée en 2015-2016 entre la FDC et la chambre d'agriculture à titre expérimental. Elle concerne l'implantation de cultures intermédiaires pièges à nitrates (Cipan) pour la biodiversité sur deux secteurs à enjeux correspondant aux groupements de gestion cynégétique (GGC) du Piémont et de la plaine du Roubion. L'opération a été renouvelée et élargie aux GGC de la plaine de Romans, de la plaine de Valence, de la Raye et sur le périmètre de l'aire d'alimentation du captage prioritaire d'Albon. Le mélange proposé répond à la directive « nitrates » et peut être déclaré, sous conditions, comme surface d'intérêt écologique (SIE). Il est adapté à l'agriculture biologique (semences non traitées). La FDC donne aux agriculteurs (s'engageant à respecter un cahier des charges) un bon pour retirer gratuitement les semences dans un dépôt de Valsoleil (en Drôme nord) ou Natura'Pro (sud). Et elle règle directement la facture aux deux coopératives.A.L.(*) : DDT : direction départementale des territoires.