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PARCOURS

Nouveau départ pour le Gaec La Jersiaise des Combes

En 2019, Thierry Gillos apprend que ses deux associés ont décidé de changer de vie et de mettre le cap sur l’île d’Ouessant. Démarre alors pour lui une réflexion complexe sur l’avenir de l’exploitation où il est installé depuis 2012.

Nouveau départ pour le Gaec La Jersiaise des Combes
Thierry Gillos (43 ans), Frédéric Gillos (35 ans) et Audrey Gillos (43 ans) sont désormais associés au sein du Gaec la Jersiaise des Combes à Châteaudouble. ©AD26-S.S.

Remplacer un associé dans un Gaec peut s’avérer compliqué, alors deux d’un coup… A Châteaudouble, Thierry Gillos a été confronté à ce passage délicat en 2019, lorsque Marie et Thomas Richaud, ses deux associés, lui ont annoncé leur désir de poursuivre leur activité agricole sur une île bretonne (lire notre édition du 29 avril). Thierry Gillos avait rejoint l’exploitation en 2012, d’abord comme salarié, puis associé de l’EARL avec le couple Richaud au départ de l’autre associé, Freddy Manson [fils de Philippe Manson qui avait fondé l’exploitation. dans les années 1960, ndlr]. En 2014, les trois associés créent le Gaec la Jersiaise des Combes. Un certain équilibre est trouvé avec un troupeau d’une soixantaine de vaches laitières de race jersiaise, une production de lait bio pour l’IGP Saint-Marcellin, collectée par la fromagerie l’Etoile du Vercors, et un atelier de transformation en yaourts, beurre, crème… pour la vente directe. Le tout conforté par une SAU de 160 ha qui, entre prairies naturelles et autres grandes cultures, assure l’autonomie alimentaire du troupeau.

Assurer la pérennité de l’exploitation

Aussi, quand ses associés lui ont annoncé vouloir changer de vie, Thierry Gillos a dû remettre en question ces acquis. « Je me retrouvais seul et il fallait assurer la pérennité de l’exploitation. Mais comment ? Vendre, passer en vaches allaitantes, ne conserver que les grandes cultures ? Trouver de nouveaux associés, autres que de ma famille, me bottait moyen », résume l’exploitant. « Le processus a été long et éprouvant pour Thierry », reconnaît Audrey, son épouse, désormais associée du Gaec. Au début des années 2000, elle avait déjà envisagé s’installer avec Thierry. « De 2001 à 2007, j’avais repris l’exploitation caprine de mes parents en Isère, précise ce dernier. Mais la structure n’était pas viable financièrement. J’ai donc rejoint le monde salarié jusqu’à cette nouvelle installation à Châteaudouble en 2012 ». A l’époque Audrey avait passé son bac pro CGEA par correspondance et réalisé son « stage 6 mois », prête à entrer dans un parcours d’installation qui ne s’est pas concrétisé. Sa vie professionnelle l’a conduite ensuite dans des associations comme Agribiodrôme ou le Cluster bio, en tant que salariée.

Durant un an, elle a également remplacé Marie Richaud sur l’atelier transformation le temps d’un congés maternité puis parental. « Nous avions envisagé à ce moment là que j’entre dans le Gaec », signale Audrey.

« En famille hors cadre familial »

« Travailler ensemble faisait partie de notre projet de vie, ça faisait un moment qu’on tournait autour du pot », reconnaissent les époux Gillos. « Mais pas question de poursuivre uniquement tous les deux, ce n’était pas jouable financièrement », précise le couple.

Thierry Gillos se tourne donc vers son frère Frédéric, qui a monté depuis quelque temps son activité indépendante en travaux agricoles et forestiers en Isère. « J’ai d’abord refusé, avoue Frédéric Gillos. Mon activité fonctionnait plutôt bien. La question des astreintes le week-end pour la traite se posait, je connaissais les contraintes du métier pour avoir travaillé dans des exploitations laitières ». Finalement, il rejoint son frère et sa belle-sœur dans l’aventure. Audrey et Frédéric s’installent officiellement le 1er janvier 2021. « Aujourd’hui, nous nous retrouvons en famille hors cadre familial », se réjouit Thierry Gillos.

La répartition des tâches s’est faite naturellement. Thierry a en charge la gestion du troupeau, depuis les soins aux animaux jusqu’à la traite. Frédéric lui donne un coup de main pour l’alimentation, notamment le mélange de la ration. Le nouvel associé a par ailleurs la responsabilité du parc matériel et des cultures. Enfin Audrey est chargée de la transformation et de la commercialisation. L’organisation en astreinte du week-end, mise en place avec les précédents associés, a été conservée, soit un week-end sur deux pour Thierry et Frédéric.

Feuille de route

Après cette première année en Gaec, Audrey, Thierry et Frédéric Gillos commencent à tracer leur feuille de route. D’abord augmenter la part de lait transformée pour mieux le valoriser et, à terme, diminuer le nombre de vaches. « Nous savons que si nous sommes confrontés à une nouvelle sécheresse, le cheptel est trop important », indiquent les associés. En plus des 65 vaches laitières, l’exploitation alimente aussi jusqu’à 24 mois les veaux mâles avec foin, céréales et pâturage des refus des vaches. Ils sont ensuite valorisés en vente directe, en colis ou au détail au magasin Court Circuit de Chabeuil dont l’exploitation est associée. « Nous n’avons pas trop le choix, estime Thierry Gillos. Vu leur gabarit, les veaux de race jersiaise de 15 jours n’intéressent pas les négociants ». Jusqu’à présent les génisses étaient aussi élevées systématiquement jusqu’à 24 mois. Mais Thierry Gillos compte désormais ne garder que l’effectif nécessaire au renouvellement du troupeau. Les autres seront vendues à un mois.

Doubler la quantité de lait transformé

Le Gaec de la Jersiaise des Combes produit aujourd’hui 350 000 litres de lait par an. 15 000 litres sont transformés. L’objectif est d’atteindre 30 000. Audrey Gillos s’attelle donc à développer de nouveaux circuits de commercialisation, notamment auprès de la restauration collective. « Dans cet objectif, nous avons réalisé cette année les travaux nécessaires dans l’atelier de transformation pour obtenir l’agrément sanitaire européen », précise-t-elle.

D’autres réflexions sont également sur la table, comme celle de revoir le système d’alimentation (lire ci-dessous). « Nous sommes dans une période d’ajustement. Notre objectif, c’est de vivre aussi en dehors de l’exploitation. Nous allons donc chercher la meilleure organisation pour gagner du temps », confient les associés. Mais qui dit système d’alimentation dit aussi adaptation au changement climatique. « Nous souhaitons anticiper cette question avant d’être au pied du mur », poursuit Audrey Gillos. Autant de décisions qui vont désormais se prendre en famille.

Sophie Sabot

Alimentation : « Remettre à plat le système »

Alimentation : « Remettre à plat le système »

Thierry et Frédéric Gillos envisagent de ne plus utiliser de mélangeuse pour la ration des vaches laitières. « C’est vrai que ce système permet d’obtenir une ration homogène mais il prend du temps, consomme du gasoil et le matériel est vieillissant », commente Frédéric. Les associés souhaitent revenir sur un système « plus simple », notamment en utilisant la griffe, qui équipe déjà le bâtiment, pour distribuer le fourrage récolté en vrac. Une décision qui nécessiterait de revoir les assolements pour limiter la luzerne, qui sans mélangeuse est synonyme de refus, et revenir sur des prairies multi-espèces. Se pose également la question de limiter le recours à l’irrigation pour le maïs (10 ha). « L’ensilage d’épis représente 5 % de la ration », précise Thierry Gillos. Par quoi le remplacer ? Réponse d’ici 2023, c’est l’objectif que se fixent les trois nouveaux associés. 

S.S.

Carte d’identité du Gaec La Jersiaise des Combes

Carte d’identité du Gaec La Jersiaise des Combes

- Exploitation en agriculture biologique depuis sa création dans les années 1960.

- 65 vaches laitières (VL) de race jersiaise.

- Veaux mâles engraissés jusqu’à 24 mois, vendus en caissette ou au détail.

- Vaches de réforme (une par mois) valorisées en steaks hachés surgelés, vente directe.

- Bâtiment des VL mis aux normes en 2000 : caillebotis et accès à une aire paillée.

- 160 ha de SAU : 80 en prairies naturelles, 10 en maïs irrigué, 20 en orge, le reste en prairie temporaire, luzerne et trèfle.

- Lait : 300 000 litres livrés à l’Etoile du Vercors en IGP Saint-Marcellin ; 15 000 litres transformés (yaourts, beurre, crème, lait cru, écrémé, pasteurisé en bouteille, emprésurés au chocolat…).

- Commercialisation des produits transformés : Court Circuit à Chabeuil, point de vente à la ferme, deux Amap et restauration collective (collège de Chabeuil, Plein Sud…).