Nouvel épisode de gel : le Nord-Drôme a souffert

Le gel de la nuit du 31 mars au 1er avril a fortement touché le Nord-Drôme. Les températures sont descendues plus bas que dans la nuit du 24 au 25 mars. Les stations de Météo France ont enregistré des minima sous abri de - 3,4° C à Romans, - 3,1 à Albon et Saint-Barthelémy-de-Vals, - 2 à Saint-Sorlin-en-Valloire.
Des dégâts hétérogènes mais de la casse
Dans le Nord-Drôme, les dégâts sont hétérogènes mais semblent importants sur abricots et pêches qui étaient au stade « petits fruits », de l'avis de Marion Bouilloux, responsable de l'équipe cultures pérennes arboriculture-viticulture de la chambre d'agriculture de la Drôme. Elle donne les chiffres de 60 %, 80 % et jusqu'à 100 % de pertes sur fruits à noyau, selon les variétés et l'exposition des vergers. Des fruits sont noirs et vont tomber. D'autres paraissent moins gelés mais il devrait y avoir des pertes. « Entre l'un et l'autre de ces deux gels, toutes les zones du département sont touchées », commente Marion Bouilloux. Et le deuxième gel a accentué des dégâts causés par celui survenu une semaine avant. « Dans l'ensemble, il devrait y avoir de la casse et certaines parcelles vont manquer de fruits. » Sur fruits à pépins (pommes, poires), il est encore trop tôt pour estimer les pertes précisément. « Dans dix jours, la floraison sera terminée, on verra si des fleurs ont avorté », notait la conseillère, le 2 avril. En cas de gel, les chutes physiologiques sont plus importantes.
« On n'a pas pu chauffer assez longtemps »
Mathieu Chaléat, qui a des vergers sur les communes du Creux-de-la-Thine, Andancette, Albon et Saint-Rambert, déplore de gros dégâts de gel. A première vue, il les estime à 85 % en abricots. En pêches, difficile à dire pour le moment et c'est selon les variétés mais, d'après lui, ils pourraient atteindre 70 %. Entre une heure et huit heures du matin, il a activé plusieurs moyens de lutte : aspersion sur frondaison, chauffage à gaz, à briquettes de bois compressé (nouveau système essayé cette année). « Je n'ai réussi à sauver que deux parcelles (80 ares), l'une avec l'aspersion, l'autre avec le chauffage au bois. La température est descendue à - 3,5°C et on n'a pas pu chauffer assez longtemps », explique-t-il. Lors du gel de la semaine d'avant, il avait pu protéger ses vergers et a eu peu de dégâts, semble-t-il. Par contre, des voisins en ont eu dans des parcelles situées plus en hauteur.
Des fruits sauvés « mais à quel prix ! »
« On s'est levés à 23 heures et le gel a duré longtemps, raconte Hervé Miachon, arboriculteur à Moras-en-Valloire. En abricots, on a pratiquement sauvé tout ce qui a été protégé avec des bougies ou l'aspersion mais à quel prix ! C'était la quatrième nuit qu'on allumait les bougies. La dernière, c'était la précédente. On en a passé un jeu complet. La plupart de mes collègues ont consommé toutes leurs bougies et on est que début avril » Quant aux appareils à gaz, « ça n'a pas marché. Et tout ce qui n'a pas été protégé a gelé ». Les pêches, apparemment, ont été protégées mais il est encore tôt pour se prononcer sur certaines variétés, selon lui. En poire, il y aura certainement du mal. Cependant, il faut attendre encore pour savoir vraiment. En pommes aussi, se prononcer dès à présent serait prématuré.
Température basse sur un temps long
Emmanuel Martin, à Epinouze, a eu de « gros dégâts » dans ses vergers. Négative à partir d'une heure du matin, la température est descendue à - 3°C et même à - 3,5 dans les bas-fonds. Sous abri, sa station a affiché - 2,7°C. « La température est descendue bas et le gel a duré. » Sous tunnel, ses fraises ont été épargnées. Il n'a pas vu de dégâts de gel direct sur ses abricotiers protégés avec une grosse densité des bougies (2,5 hectares sur 6). Y aura-t-il un retrait de sève ensuite ? L'aspersion sous frondaison a moyennement marché : « le bas des arbres a été protégé jusqu'à un petit mètre cinquante mais tous mes abricots du haut a été brûlé par le gel ». Sur une parcelle de Bergeron non protégée, « c'est tout noir, du gel à 100 % ». Sur ses poiriers, l'aspersion sur frondaison semble avoir fonctionné, la glace a protégé les fruits. En pommes, « il y aura des dégâts mais de moindre ampleur. Et il est encore tôt pour les estimer, il faut être prudent. Les variétés les plus précoces étaient en floraison, les autres pas encore. Dans les boutons floraux, des pistils ont noirci. Je pense que ce sera moins dramatique. » Et de rappeler que le gel avait déjà sévi de façon assez significative la semaine précédente sur les vergers non protégés. « Cette deuxième nuit de gel n'a pas arrangé les choses. »
Moins froid sur Valence-Tain
Sur le secteur de la plaine de Valence à Tain-l'Hermitage, il a fait un peu moins froid : « du -1 et du 0° C selon les expositions », annonce Régis Aubenas. Météo France a relevé une température de - 0,1° C à sa station de Mercurol. « Le vent a calé tard et la couverture nuageuse est arrivée à six heures et demi, ce qui a minimisé les dégâts, explique-t-il. Sans cela, on aurait eu du - 3° C. » Et au sud de Valence, le ciel était couvert, il n'a pas gelé.
Régis Aubenas signale encore que la chambre d'agriculture envoie aux abonnés des bulletins techniques (Zoom) arboriculture et viticulture des flashs info météo sur les risques de gel. Elle les a mis en place après le gel précédent.
Annie Laurie
Tours à vent, bougies, filets /Quelques observationsLors de ce deuxième gel, « les tours à vent ont bien protégé les vergers, constate Marion Bouilloux. Les bougies, elles ont eu un effet partiel ; des dégâts sont constatés. Quant aux filets paragrêle, ils augmentent la température mais ne suffisent pas. S'ils sont associés à des tours à vent, on peut gagner un peu en température mais moins d'un degré ».Sur le secteur de Valence, pour les arboriculteurs ayant protégé efficacement leurs vergers, Régis Aubenas chiffre le coût de chauffage avec des bougies à 2 500 euros l'hectare (installation, éclairage, désinstallation). Pour faire face à cette charge, « sur la base de 25 tonnes d'abricots produits à l'hectare, il faut aller chercher une valorisation de 10 centimes d'euros par kilo sur le marché », calcule-t-il.A. L.