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Initiative 100 % féminine et rurale

Odette, une petite ode à la féminité en zone rurale

i le 15 octobre a été choisi pour célébrer la femme en milieu rural, cette journée internationale est finalement une journée comme une autre pour celles et ceux qui agissent au quotidien en faveur de la condition féminine. C’est le cas de Sabine Morlat, cofondatrice du magazine Odette & Co, qui s’adresse avant tout aux femmes rurales.
Odette, une petite ode  à la féminité en zone rurale

«Quand ils parlent des femmes en milieu rural, les gens imaginent qu'on est des extraterrestres, qu'on est toutes en sabots et en bleu de travail ! » Sabine Morlat, cofondatrice du magazine Odette & Co, aime à se moquer des clichés sur la ruralité. Depuis 2011, elle est pleinement investie dans un projet destiné à « remobiliser le public féminin » de la campagne ardéchoise.
« Tout a commencé par le biais d'un site de proximité dont la mission était l'accompagnement vers le retour à l'emploi ». Parce qu'en milieu rural, pas facile de trouver du travail, « surtout pour les femmes ! » Sabine y croise d'autres femmes, certaines en recherche d'emploi après une période « entre parenthèses » pour s'occuper des enfants, d'autres arrivées à la campagne « par hasard », d'autres encore qui « galèrent depuis longtemps pour trouver un travail ». Et peu à peu, ces rencontres deviennent une évidence : ces femmes veulent porter un projet ensemble et créent leur collectif. « On était un noyau dur d'une quinzaine, on savait qu'on voulait travailler ensemble, mais on ne savait pas vraiment vers quel objectif se tourner. Ce dont nous étions sûres, c'est que nous voulions montrer les aspects positifs de la vie à la campagne. »


Odette and Co, la feuille de chou venue de la campagne


Elles décident alors d'interviewer une quarantaine de femmes, toutes, comme elles, ayant choisi la vie à la campagne. Une fois les interviews réalisées, la question a été de savoir quoi en faire. « Dans l'équipe, il y avait une ancienne rédactrice et moi, qui suis graphiste. On s'est dit : "Et si on faisait un journal ? ».
Le collectif met plus d'un an à accoucher du n° 0 de Odette & Co, qui sort en avril 2012 grâce à des subventions et soutiens divers. « S'appeler "Odette", c'était faire un petit clin d'œil aux magazines féminins "Causette" et "Paulette", qui sont dans l'esprit féministe et décalé dont on voulait s'imprégner. "Odette", c'est aussi un nom qui fait un peu campagne. Et puis, c'est une petite ode, c'est notre ode à la ruralité... ». Celles qui s'auto-baptiseront « les Odette » ne veulent pas se prendre au sérieux. « Il y a déjà des démarches pour montrer la difficulté de la vie en milieu rural, les inégalités, les manques... Nous, on a décidé d'en rire et de mettre en avant des initiatives de femmes rurales formidables ». La signature des Odette ne trompe pas : « Rurale mais pas ringarde ».

Odette plébiscitée

L'ampleur du phénomène surprend toutes les « Odette ». Elles seront soutenues par le magazine « Elle », seront invitées sur les plateaux TV et dans des conférences pour témoigner de leur expérience de femmes en milieu rural. Pendant plus de quatre ans, elles vont publier leur journal, six numéros d'une soixantaine de pages tirés à 5 000 exemplaires chacun. Elles y parleront de tout ce qui les touche : mobilité, résilience, biodiversité, emploi, psycho et même mode. « Parce que même si on vit à la campagne, on a le droit de se sentir bien dans notre féminité ! ». Ce sont près de 100 « Odette » qui prendront leur plume pour le magazine, « des femmes de 25 à plus de 60 ans, certaines au cursus professionnel riche, d'autres sans diplôme, sans permis de conduire mais toutes avec leur mot à dire et leur expérience à apporter ».
Le dernier numéro d'Odette paraîtra en octobre 2014. L'arrêt est finalement loin d'être un échec. « Au début de l'aventure, toutes les femmes du collectif étaient à la recherche d'un emploi. Odette les a relancées et, au fur et à mesure, toutes ont retrouvé du travail ». Les rédactrices improvisées ont alors eu moins de temps pour le magazine.

Odette repart au front

Mais Odette n'est pas morte. En 2015, le noyau dur du collectif bénéficie d'un dispositif local d'accompagnement (DLA) qui aide l'association à redéfinir son projet. Cela amènera les trois fondatrices historiques d'Odette à trouver les financements nécessaires pour créer trois demi-postes et être officiellement salariées de l'association « Grain d'ici », qui porte le projet Odette. « Nous avons le vent en poupe et l'envie de réaliser de belles choses pour faire évoluer le regard posé sur les femmes rurales et sur le monde rural, en montrant sur le terrain que nous sommes un vrai laboratoire d'innovation sociale et que de multiples solutions, ingénieuses et reproductibles, se construisent tous les jours dans nos zones de vie », déclarent les « Odette ». Parmi leurs nombreux projets, celui d'écrire pour le magazine « Femmes ici et ailleurs » qui les a sollicitées pour chacun de leurs numéros, jusqu'à fin 2016. Une seule contrainte : « Gardez votre humour et votre ton décalé ! ». Les « Odette » sont également restées en contact avec un styliste ardéchois rencontré à l'occasion de leur numéro sur la mode. Celui-ci leur a demandé de défiler pour lui lors de la présentation de sa nouvelle collection. Odette pense aussi à recommencer ses publications, sous forme d'une revue - « une par an, ce serait chouette » - et par le biais du web. « En fait, on a plein d'idées ! » 

Bérengère Bosi

 

Inégalités hommes-femmes 
Plus fortes en milieu rural
Les femmes rurales représentent plus d’un quart de la population mondiale totale, selon l’Organisation des nations unies (ONU). En France, 6,1 millions d’habitants vivent en zone rurale. La moitié sont des femmes. Selon une étude réalisée en 2014 par le Haut conseil à l’égalité, les inégalités hommes-femmes sont particulièrement fortes en zone rurale. Chez les agriculteurs, ce constat d’inégalité se confirme : en 2010, 28 % des jeunes femmes qui se sont installées ont bénéficié de la dotation jeunes agriculteurs ; le taux monte à 39 % chez les hommes.
Depuis 2008, on célèbre chaque 15 octobre la journée internationale de la femme rurale. Une journée fixée par l’Organisation des nations unies pour mettre en avant « le rôle et l’apport décisifs des femmes rurales […] dans la promotion du développement agricole et rural, l’amélioration de la sécurité alimentaire et l’élimination de la pauvreté en milieu rural ».