OGM ou non OGM : telle est la question !
doivent-elles être considérées comme des OGM ou non ? Cette question perturbe le Haut Conseil des Biotechnologies qui devra néanmoins se prononcer à la fin de l'année.

Les NPBT (new plant breeding technologies) divisent. Le problème posé est une question de fond : les nouvelles variétés créées grâce aux nouvelles techniques de sélection des plantes permises par les progrès de la génomique, doivent-elles être considérées et traitées comme des OGM ? La réponse ne va pas de soi et les débats sont vifs, animés et compliqués. La Commission européenne ne devrait pas publier avant la fin de l'année son interprétation juridique afin de déterminer si ces nouvelles techniques de sélection végétale (huit sont à l'étude) tombent ou non sous la coupe de la législation de l'UE sur les OGM. Présenté par Bruxelles comme seulement technique, le dossier des nouvelles biotechnologies de sélection végétale est en réalité hautement politique. Fin 2015, Bruxelles était sur le point de publier son avis, mais la levée de bouclier de certains États membres, Allemagne en tête, a compliqué le dossier. Selon des documents révélés par Greenpeace et Corporate Europe Observatory (spécialisé sur le travail des lobbies), c'est surtout sous la pression du gouvernement des États-Unis que la publication de cet avis a été repoussée.
En France, une série de démissions du Haut Conseil des biotechnologies (HCB) a jeté un pavé dans la mare. En effet, dans une lettre ouverte publiée le 13 avril, le vice-président du comité économique, éthique et social du HCB, Patrick de Kochko, représentant aussi l'association Réseau semences paysannes, a annoncé sa démission. Sept autres associations ont suivi, pour dénoncer « la censure par le HCB d'un avis scientifique divergent » soulignant les risques des nouvelles techniques de sélections végétales (NPBT).
Pour Christian Huyghes, chercheur à l'Inra, NPBT et OGM « n'ont rien à voir ». « Les OGM sont obtenus par transgenèse. Il s'agit d'intégrer des grandes séquences d'ADN d'une espèce dans une autre », résume-t-il. Mais les dernières NPBT, développe-t-il, citant notamment Crispr-Cas9, modifient plus qu'une seule base. « Il n'y a pas d'injection. Il s'agit de mutations extrêmement ciblées. Cela peut être très efficace », poursuit-il. Les associations environnementales ne sont pas convaincues et voudraient que les NPBT suivent la réglementation relative aux OGM. Avec des avis aussi divergents, le débat est donc compliqué voire polémique.
Réponse du HCB à la fin de l'été
La mission confiée par Stéphane Le Foll, ministre de l'Agriculture, et Ségolène Royal, ministre de l'Écologie, au HCB sur les NPBT, le 22 février dernier, est claire : « Ces travaux seront menés en priorité sur l'année 2016 ». La HCB a annoncé, le 20 avril, la poursuite des travaux sur les NPBT malgré la démission récente de sept associations et précise qu'il rendra son avis au gouvernement en fin d'été 2016. L'enjeu est de taille. « Si les NPBT étaient exclues de la réglementation OGM (directive 2001-18), les organismes issus de ces nouvelles techniques pourraient être librement cultivés en échappant à toute évaluation, traçabilité et étiquetage OGM en Europe », s'inquiètent les sept associations démissionnaires du HCB. Christian Huyghes, chercheur à l'Inra, rappelle le contexte dans lequel a été élaborée la directive : « Les besoins liés aux OGM en 2000 ne sont pas les mêmes qu'aujourd'hui avec les NPBT. » Aujourd'hui, rappelle-t-il, les enjeux portent sur le changement climatique, la sécheresse, la résistance aux maladies... Les nouvelles techniques doivent donc apporter des réponses à ces problèmes globaux. « Ne pas le faire a été l'erreur des OGM, continue-t-il. Si on veut que les NPBT soient acceptables, on ne peut pas se relancer dans la mise au point de plante résistante à un herbicide », explique-t-il. Ce n'est pas l'objet des travaux de recherche à l'Inra. « Avec les NPBT, nous travaillons sur des caractères agronomiques comme la résistance à la sécheresse », soutient le chercheur.
Propriété intellectuelle et traçabilité
Par ailleurs, la propriété intellectuelle des organismes issus de ces NPBT implique une question. « Les gens ne veulent pas de la brevetabilité du vivant », soutient Christian Huyghes. Notamment dans le cas des NPBT, comment accepter une brevetabilité sur des organismes issus de processus similaires à des processus naturels ? En revanche, les techniques elles-mêmes sont brevetées, complète Christian Huyghes. Enfin, les incertitudes sont très fortes concernant la traçabilité de ces mutations. Les deux ministères ont d'ailleurs précisé dans leur demande au HCB d'élargir son expertise « aux méthodes d'analyse et de traçabilité des produits et plantes issus des techniques étudiées ». Cette demande est « à mettre en lien avec les enjeux pour la coexistence » des filières NPBT et non-NPBT.
Pour mieux comprendre les nouvelles technologies de sélection
Le Copa-Cogeca souhaite un accès
plus rapide à l'innovation
Dans un projet de déclaration, les organisations et coopératives agricoles de l'UE (Copa-Cogeca) demandent à Bruxelles de créer un environnement réglementaire favorable à ces nouvelles techniques pour que les agriculteurs européens - y compris bio - puissent accéder à leurs avantages. Autrement dit : les variétés qui en sont issues ne devraient pas être classées comme OGM. « Les nouvelles techniques de sélection peuvent contribuer à apporter des solutions aux nombreux défis auxquels font face les agriculteurs européens », comme le réchauffement climatique et la demande croissante en alimentation, justifie le Copa-Cogeca. « La sélection végétale conventionnelle dure entre sept et dix ans et ne se traduit généralement que par des améliorations mineures des caractéristiques existantes, précise le Copa-Cogeca. Les nouvelles techniques de sélection permettent aux sélectionneurs de développer plus rapidement des plantes similaires à celles issues des méthodes de sélection conventionnelles. L'obtention végétale accélérée est dès lors importante car les demandes du marché changent considérablement sur une période de dix ans ».