“ On s'attend à une jolie récolte ”

En vingt ans, comment a évolué la production lavandicole dans la zone de montagnes sèches des Baronnies et du plateau d'Albion ?
Alain Aubanel : « Voilà vingt ans, la plus grande partie de la zone de production était plantée de lavande de population et les fleurs et bouquets étaient produits sur de très grandes surfaces. A partir de 2003, plusieurs accidents climatiques se sont succédés (gel et canicule) faisant exploser la maladie du dépérissement. Les producteurs ont dû massivement arracher, certains se sont réorientés vers d'autres activités agricoles (élevage, petit épeautre, tourisme à la ferme...). Heureusement, depuis trois à quatre ans, la plantation de nouvelles variétés tolérantes et l'utilisation de méthodes alternatives (semis direct), ajoutées à des conditions climatiques redevenues favorables, ont amené un regain de production. Ceci étant, des lavandes de population cultivées voici 50 ans, il n'y en a plus... Ceux qui faisaient encore de la super bleue il y a vingt ans font aujourd'hui de la lavande ou du lavandin, des variétés moins nobles qui offrent moins de valeur ajoutée. »
Quelle est la situation économique de la filière lavandicole aujourd'hui en France ?
A.B. : « Elle est plutôt bonne. Clairement, les prix sont intéressants et ont tendance à se stabiliser. La commercialisation ne pose pas de problème. Aujourd'hui, tout se vend et à des prix très corrects. Le problème, c'est que ce marché rémunérateur attire d'autres pays. Tout le monde veut désormais s'y mettre : Maroc, Bulgarie, Roumanie, Espagne, Italie et même en France d'autres régions se lancent (le Gers, le Languedoc-Roussillon...). Aujourd'hui, en Provence, grâce à la qualité de nos productions, nous avons toujours un cran d'avance mais il faut rester vigilant. »
Et pour les autres plantes aromatiques et médicinales ?
A.B. : « En dehors de la lavande et du lavandin, il y a actuellement une demande croissante pour pratiquement toutes les plantes aromatiques et médicinales. C'est le cas, en particulier, pour la sauge que l'on n'arrive pas à fournir. Désormais, le consommateur veut toujours plus de produits naturels, de qualité et de bio. La présence sur notre territoire d'une forte concentration d'entreprises de négoces, de traitement et de transformation de ces produits nous garantit un fort potentiel de développement de la production de toutes ces plantes. »
Où en est-on de l'application à la lavande de la directive européenne Reach, laquelle est toujours en négociation ?
A.B. : « On peut dire que l'on progresse. Nous sommes désormais dans une phase de propositions et de travail. On n'a pas obtenu tout ce que l'on voulait mais ce dont on est à peu près sûr, c'est que les produits naturels en général et la lavande en particulier ne seront plus mis dans le même sac que les produits chimiques. »
Que vous inspire le succès de la fête de Ferrassières ?
A.B. : « D'un point de vue professionnel, on ne peut que se satisfaire du succès de ces fêtes de la lavande qui se multiplient un peu partout en Provence. Celle de Ferrassières est un peu particulière. Contrairement à beaucoup d'autres dans des communes plus importantes (Montélimar, Valensole, Sault...), le village est essentiellement lavandicole et situé au cœur des plantations. Ici, les visiteurs peuvent vraiment se promener dans les champs, rencontrer des producteurs, leur acheter leurs productions et être sensibilisés aux problèmes de la filière. »
Comment se présente cette année la récolte de lavande et lavandin en Haute-Provence ?
A.B. : « La nouvelle récolte se présente bien. Après quelques inquiétudes en mai, qui a été un mois très sec, les pluies de début juin ont sauvé la mise. Aujourd'hui les plantations sont belles, on s'attend à une jolie récolte et Ferrassières voit la vie en bleue. » n
Propos recueillis par Alain Bosmans
*Ppam : plantes à parfum, aromatiques et médicinales.