Orienter les cédants et accompagner les repreneurs

L'an dernier dans la Drôme, dix-sept installations agricoles ont été réalisées hors du cadre familial. Elles sont le fruit d'une rencontre entre des cédants sans successeur et des repreneurs à la recherche d'une exploitation. Mais une rencontre ne fait pas tout, loin s'en faut. Il faut aussi faire parler les chiffres pour évaluer les conditions d'une reprise et la faisabilité d'un projet. Cela demande du temps, de la préparation et de l'accompagnement. C'est tout l'enjeu du dispositif « installation-transmission » de la chambre d'agriculture de la Drôme.
Pour les agriculteurs cédants, tout commence au Point accueil transmission (PAT). Son animateur, Raphaël Maire, les informe gratuitement de certaines démarches à entreprendre. « La plupart des questions portent sur les conditions de la retraite, les baux ruraux, la fiscalité... et comment trouver un repreneur », explique-t-il.
Orienter, auditer
Le rôle de l'animateur du PAT consiste à orienter les cédants vers les organismes compétents. Il aide à clarifier les objectifs et précise les étapes nécessaires à une transmission dans de bonnes conditions.
Une phase clé est l'audit de l'exploitation. Il s'agit d'informer au mieux le(s) repreneur(s) potentiel(s) sur le bien, y compris son prix de vente. Une conseillère d'entreprise de la chambre d'agriculture est spécialement chargée de ce point. Son expertise terminée, l'exploitation est ensuite inscrite au Répertoire départ installation (RDI). Pourront alors se faire les mises en relation entre cédants et repreneurs éventuels.
Anticiper, évaluer
« Des gens pensent parfois que leur exploitation n'est pas transmissible, indique Raphaël Maire. Nous leur expliquons qu'il y a sans doute des pistes à creuser. Quoi qu'il en soit, ajoute-t-il, il faut anticiper car c'est la clé de la réussite. »
Lorsque le projet avance, le repreneur a la possibilité d'effectuer un « stage reprise ». Pendant trois mois minimum et un an maximum, il travaille avec le cédant. « Cela lui permet d'évaluer ses capacités de reprise, notamment techniques, et d'affiner les modalités de son projet, souligne Raphaël Maire. Et un échec à l'issue du stage n'est pas forcément négatif. Mieux vaut abandonner un projet si l'on ne sent pas prêt. »
Un enjeu territorial
Le renouvellement des générations, qui permet le maintien des exploitations agricoles, est également un enjeu territorial. C'est pour cela qu'ont été créés deux Comités locaux d'installation et de transmission (Clit), dans le Diois et le pays de Bourdeaux-Dieulefit. D'autres sont en projet. Dans ce cadre, intercommunalités et chambre d'agriculture proposent des réunions d'informations sur les thématiques du foncier, de l'installation et de la transmission. Des diagnostics locaux et des expertises de filières (analyse de débouchés possibles...) peuvent aussi être engagés. Au sein des Clit, outre les élus, sont également associés les délégués structures et des opérateurs économiques (coopératives, entreprises...). « Le but de ces comités, indique Raphaël Maire, est de créer de l'échange entre tous afin de mettre en œuvre des projets et des actions facilitant le renouvellement des générations. »
Christophe Ledoux
3Contact au PAT : Raphaël Maire (04 75 82 40 05) et Nathalie Gay (04 27 24 01 61).
Chiffres clés /
Point accueil transmission Drôme
Cédants rencontrés : 60.
Audits transmission réalisés : 10.
Exploitations inscrites au RDI : 15.
Mises en relation effectuées : 20.
Stages reprise d'exploitation : 20.
Nombre d'installations hors cadre familial aidées : 17.
(Chiffres 2014)
Point de vue / 40 à 50 cédants rencontrent annuellement le Point accueil transmission. Au regard des ambitions, Maxime Méjean, élu chambre d'agriculture estime que le dispositif mérite d'être encore amélioré.
Se mobiliser davantage pour la transmission
« Avec des prix fluctuants ou en baisse et des réglementations toujours plus complexes, trop de cédants estiment que leur exploitation n'est pas transmissible », constate Maxime Méjean, un des élus en charge du dossier installation-transmission à la chambre d'agriculture de la Drôme. Il pointe le fait que le département compte moins d'une installation pour un départ. « Les cédants ne viennent pas spontanément au Point accueil transmission, regrette-t-il. Aussi avons-nous adapté le dispositif régional de transmission des exploitations agricoles en y associant des conseillers de diverses organisations agricoles (chambre d'agriculture, MSA, Safer, organismes économiques et syndicaux...). Notre objectif, ajoute-t-il, est de faciliter le repérage des situations de cession-reprise. » Maxime Méjean met aussi en avant le travail initié avec les collectivités locales dans le cadre des Comités locaux d'installation et de transmission (Clit).
Il reconnaît toutefois que le système mérite d'être encore amélioré. « Pendant des années, nous nous sommes occupés des jeunes en bâtissant un parcours d'installation aujourd'hui bien rodé, confie-t-il. Il nous faut réussir celui de la transmission au même niveau, se mobiliser davantage, expérimenter sans doute d'autres pistes. » Il souhaite, entre autres, que les coopératives et les entreprises s'investissent aux côtés de la chambre d'agriculture, de manière à repérer suffisamment tôt les cessations d'activité.
Bientôt à la retraite, Marie-Pierre Charignon passera la main à Sonia Rambaud. Elle a préparé la reprise de son exploitation en se faisant accompagner par la chambre d'agriculture.
Anticiper pour voir son exploitation perdurer
Céder son exploitation s'avère parfois être difficile. Pourtant, il s'agit là d'une problématique essentielle pour l'avenir de l'agriculture. Pour franchir cette étape décisive, certains cédants choisissent alors d'anticiper et de se faire accompagner dans leurs démarches par les chambres d'agriculture. Un choix opéré par Marie-Pierre Charignon. « La chambre a monté le dossier de A à Z. Ils ont été très efficaces », insiste-t-elle. Concrètement, la chambre d'agriculture a aidé le cédant et le repreneur dans l'ensemble des démarches, de l'élaboration du projet de reprise à la rédaction des documents à fournir. Au 330 chemin de Beaulieu à Alixan, l'atmosphère est, depuis, très détendue. Même si l'exploitante n'est pas encore à la retraite, le passage de relais a déjà été préparé. Son arrière-grand-père était arrivé sur ces terres à la fin du XIXème siècle, achetant alors une maison meublée ainsi que 20 hectares de terre. En 1974, elle-même prenait la relève de son père. Aujourd'hui, l'exploitation (grandes cultures et arboriculture) s'étend sur 54 hectares. Mais la transmission se déroulera hors cadre familial, les enfants ayant préféré d'autres horizons professionnels. Pour autant, le repreneur n'est pas un inconnu. Il s'agit de Sonia Rambaud, une amie de longue date.De la traite aux grandes culturesIl faut dire que son mari, David, possède depuis une dizaine d'années une entreprise de travaux agricoles, située elle-aussi à Alixan. De quoi nouer des liens avec les agriculteurs locaux. A 34 ans, et avec trois enfants aujourd'hui grands, la voilà désireuse de s'installer et de créer sa propre exploitation. La cédante n'a donc point lancé un appel à candidatures, même si elle savait que d'autres jeunes des alentours auraient pu y répondre favorablement. Son choix s'était ainsi porté sur Sonia, une amie en qui elle a pleinement confiance. « C'est une jeune génération, qui va bientôt faire partie de la famille. C'est vrai que cela fait longtemps que l'on se connaît. Alors on ne s'inquiète pas trop. Nous passons déjà beaucoup de temps ensemble. Nous nous entendons bien. Nous allons vivre les uns à côté des autres. Et je serai là pour l'aider la première année », indique Marie-Pierre Charignon. Car si Sonia Rambaud a toujours évolué dans l'agriculture et possède de nombreux acquis, les grandes cultures lui sont pour l'heure inconnues. Elle pourra cependant compter sur sa forte motivation ainsi que sur l'appui de ses proches et amis. « Mon mari connaît bien les cultures et va me former. Marie-Pierre Charignon me secondera également, au moins la première année. En ce qui me concerne, je connais le métier d'agriculteur mais en montagne, avec un élevage laitier et les travaux qui vont avec (foins, parcs, traite, etc.). Il n'est jamais trop tard pour se former et la chambre d'agriculture va également me suivre », explique-t-elle. En effet, Sonia Rambaud était jusqu'alors collaborateur d'exploitation à Saint-Agnan-en-Vercors. Une activité qui sera dans le même temps stoppée. « La famille de mon mari va arrêter le lait. Nous allons garder les terres ainsi qu'une quinzaine de vaches (NDLR : des montbéliardes). Nous en avions 60 auparavant. Nous produisions près de 100 000 litres de lait par an, livrés directement à la laiterie », poursuit-elle. Un nouveau challenge donc. Et une nouvelle exploitation en devenir, aussi. Si celle-ci s'étend à l'heure actuelle sur 54 hectares, dont 2,2 de vergers (cerisiers, pommiers, poiriers et noyers), la superficie totale de la nouvelle exploitation sera moindre, certains propriétaires ayant décidé de reprendre leurs terres. Il ne restera donc que 40 hectares, situés à Alixan et Saint-Bardoux. Certaines de ses parcelles seront d'ailleurs louées à l'ancienne exploitante. Le matériel d'arrosage ainsi que les tracteurs seront par ailleurs rachetés.Vers une diversificationL'arboriculture sera abandonnée, hormis la culture des noyers. « Les vergers demandent du travail toute l'année, entre la taille, l'entretien, l'arrosage, la récolte et la vente. Sans compter le recrutement du personnel. Sonia n'aura pas le temps », souligne Marie-Pierre Charignon. Des fruits qui étaient vendus directement à la ferme : une offre qui disparaîtra dès lors également. Mais, en ce qui concerne les grandes cultures, rien ne devrait changer. Sonia Rambaud devrait ainsi continuer la culture du blé, de l'orge, du maïs, du tournesol et produira peut-être aussi du soja. Afin d'augmenter son chiffre d'affaires, l'agricultrice espère aussi produire des semences (tournesol). Les projets restent nombreux et rien n'est encore tracé. Aurélien Tournier