Oser consulter pour aller mieux dans sa vie

Le monde change, la conjoncture fluctue, les prix s'envolent ou s'effondrent, le travail ne manque pas, la gestion d'une exploitation devient de plus en plus complexe. Et pourtant, la réussite d'une exploitation repose sur la force des hommes et des femmes qui tiennent les rênes de la ferme. Tout ne se solutionne pas par des investissements. Comment prendre des décisions en toute cohérence ou définir une stratégie durable, si l'on est fatigué ou stressé ou simplement trop préoccupé ? Consulter un thérapeute ou un coach n'est pas une option réservée uniquement aux cas extrêmes. De plus en plus d'agriculteurs font appel à une personne extérieure, simplement pour aller mieux, pour avoir plus confiance en soi, pour prendre du recul sur le quotidien, pour régler des dysfonctionnements qui affectent leur vie privée mais également leur vie professionnelle, pour comprendre leurs émotions. Mais encore trop peu témoignent. Et pourtant, les bénéfices sont énormes, tant au niveau personnel que professionnel. Bien souvent, le problème est un « petit caillou dans la chaussure » et la personne concernée peut encore marcher, même si ça fait mal. Petit à petit, le caillou grossit et la personne boite. Il est important d'agir le plus tôt possible pour éviter d'en arriver à un stade où on ne peut même plus poser le pied par terre...
Accompagnement de la MSA
Les MSA en Rhône-Alpes ont mis en place différents accompagnements pour les agriculteurs en difficultés psychosociales. Un agriculteur qui souhaiterait bénéficier d'un accompagnement de la MSA pour avoir recours à un psychologue peut contacter l'un de ses travailleurs sociaux ou médecins du travail. Selon sa situation, il sera orienté vers les bons interlocuteurs, qui peuvent varier selon la caisse : soit des compétences ou prestations propres à la MSA (accompagnement global, aide au financement ou prise en charge de consultations chez un psychologue...), soit des partenaires (qui peuvent notamment être des psychologues, des sophrologues...). Enfin, la MSA propose à ses adhérents un service téléphonique, « Agri'écoute », accessible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Il permet de dialoguer anonymement et de façon confidentielle avec des bénévoles formés.
Sophie Marçot, consultante BTPL (www.btpl.fr) et auteure de « J'ai décidé de gagner du temps » (éd. France Agricole, oct. 2015)
Contacts /
Action sociale et accompagnement du mal-être : MSA Ardèche-Drôme-Loire : 04 75 75 68 95.
Agri’écoute - commun à toutes les MSA : 09 69 39 29 19.
Témoignages d'agriculteurs
Marion* / “ La thérapie me permet de faire les choix les plus justes ”
« C’est un mal-être au niveau de ma vie de couple qui m’a amené à aller voir un thérapeute. À ce moment-là, je ne me sentais plus à ma place chez moi, j’étais incapable de me projeter dans quoi que ce soit, je travaillais sans plaisir, ni envie. C’est mon médecin traitant qui m’a conseillé de rencontrer un psychologue, et qui m’a indiqué un professionnel qu’il connaissait. Ce travail d’introspection m’a permis de comprendre ce qui me rendait malade dans la situation que je vivais, et pourquoi ça me rendait malade. Après la compréhension de cela, j’ai réussi à mettre en place dans ma vie un nouvel équilibre, une organisation qui me convient davantage. La thérapie me permet de faire les choix les plus justes pour moi et de les assumer pleinement. Ce travail m’a permis d’identifier également sur un plan professionnel les situations dans lesquelles je me sentais plus ou moins bien et de mettre en place concrètement des choses pour vivre mieux. Ces changements ont nécessité des temps d’échanges et de réflexions entre associés sur nos besoins, nos envies, nos objectifs. La thérapie m’a permis d’exprimer mes envies sans la crainte de blesser, d’abuser, ou d’être “mal vue” par les autres. Aujourd’hui, je me sens épanouie sur mon exploitation, autant qu’au niveau personnel, et cela n’aurait pas été possible sans ce travail. Je considère l’accompagnement comme une chance que l’on se donne, un cadeau que l’on se fait. Celui-ci va nous permettre de voir les situations de vie que l’on traverse sous différents angles et, ainsi, de découvrir de nouvelles issues possibles. »
Yvan* / “ Le thérapeute m’a aidé à prendre du recul ”
« J’ai eu un métier très prenant avant de m’installer agriculteur, qui nécessitait d’être précis, de travailler avec beaucoup de méthodologie. J’étais perfectionniste. Quand je me suis installé, je suis resté le même, dans le même état d’esprit. Et je demandais aux autres autant que ce que je faisais, ce qui a posé problème avec mes associés, et notamment mon père qui supportait mal que son jeune fils remette en cause ses pratiques. Je ne trouvais pas ma place et j’étais conscient que j’avais un problème à régler pour la trouver. Je suis allé consulter un thérapeute un an après mon installation. Il m’a aidé à prendre du recul, à trouver une limite à mon perfectionnisme en le transformant en amour du travail bien fait et à avoir de meilleures relations avec mon père. Cela m’a permis de sortir la tête de l’eau et de mieux me comprendre pour apprendre à gérer des situations avec d’autres. La solution, je l’ai trouvée moi-même mais grâce à la thérapie : j’ai donné une autre dimension à notre atelier lait et mon père a finalement petit à petit lâché prise et m’a transmis les rênes de l’exploitation. Il avait perdu ses repères et acceptait enfin de ne plus être le chef. Dans le monde agricole, on n’a pas l’habitude de parler de ces choses-là et pourtant nous sommes comme les autres secteurs d’activité. Avant d’en arriver à des situations très graves, on devrait réagir, se faire aider quand on ne sait plus quoi faire. Se faire accompagner nous aide aussi à ouvrir les portes des possibilités, trouver un nouveau projet, avoir de l’inspiration pour réorienter nos projets quand ils sont dans l’impasse. Sans cela, on fonce tout droit et, souvent, il y a un mur… »
Retrouvez quelques outils pratiques, notamment sur l’estime de soi et la gestion du stress, sur le site www.coaching-harmonique.fr.
Coach / Marie-Pierre est coach en Auvergne. Elle reçoit et accompagne des agriculteurs(trices) qui se sentent mal et les aide à trouver les ressorts pour aller mieux. Interview.“ Les agriculteurs doivent retrouver ce qui est important pour eux ”Qu’est-ce qui amène les agriculteurs à venir vous consulter ?
Marie-Pierre : « Les agriculteurs qui viennent consulter sont dans une situation de stress et d’inconfort qui cachent souvent une peur ou une appréhension : peur de ne pas y arriver, stress de ne pas savoir faire, déséquilibre entre vie personnelle et vie professionnelle… »
Coach, psy, thérapeute, comment s’y retrouver ?
M-P : « Les psychologues et les psychiatres interviennent dans le domaine de la psychopathologie. Les psychologues sont formés à la détection des pathologies, les psychiatres sont là pour les traiter. Ces derniers sont des médecins et peuvent prescrire des médicaments. Les coachs et thérapeutes sont des accompagnants qui utilisent généralement des outils communs pour accompagner les personnes à la recherche de solutions. Il existe certaines nuances entre ces deux pratiques. Par exemple, le coach vise à mettre la personne en autonomie. »
Comment se passent les séances ? Combien de séances sont nécessaires ? À quel coût ?
M-P : « Je pratique des séances de
1 h 30 à 2 h, afin d’aller au bout de la problématique soulevée à chaque séance. Mon objectif est qu’après la séance, la personne aille mieux qu’avant et qu’elle soit en mesure de modifier sa façon de faire. Les séances ont lieu soit dans mon local, soit par internet en utilisant l’outil skype. Mes outils s’adaptent très bien aux consultations à distance, ce qui permet de limiter les trajets pour les personnes qui viennent de loin. Le coût est de 90 euros par séance et, en moyenne, je pratique deux à quatre séances. Il n’y a pas de prise en charge par la sécurité sociale mais le coût des séances peut rentrer dans les charges professionnelles, comme pour tout chef d’entreprise. »
Comment trouver un accompagnant près de chez soi ?
M-P : « Les coachs et thérapeutes sont organisés en fédérations nationales qui peuvent donner des listes de personnes s’engageant à respecter des chartes de déontologie. Les médecins de famille, mais aussi les ostéopathes ou acupuncteurs peuvent également vous recommander des accompagnants : le corps est souvent le reflet de ce qui se passe dans la tête… »
Avez-vous un message à donner aux agriculteurs qui hésitent à se faire accompagner ?
M-P : « Souvent les agriculteurs pensent qu’ils vivent dans un monde à part, mais ils ont les mêmes problèmes que dans d’autres professions. Une particularité que j’observe est tout de même que les agriculteurs font bien souvent passer leur travail avant leurs propres besoins. Dès que l’on n’est plus en accord avec ses propres valeurs, dès que l’on ne respecte pas ses besoins, et que la situation dure dans le temps, on se met en danger. Notre inconscient va nous avertir que quelque chose ne va pas et quand on ne l’écoute pas, le niveau de stress augmente. Il est important que les agriculteurs retrouvent ce qui est important pour eux et ne se laissent pas aller dans la dérive progressive d’une situation de plus en plus inconfortable. »