Où en est le projet d'IGP Saint-Félicien ?

Le 21 septembre à la chambre d'agriculture de la Drôme à Bourg-lès-Valence, s'est tenue l'assemblée générale constitutive de l'association de promotion du Saint-Félicien. L'occasion de faire le point sur l'avancement du dossier de mise en place d'une indication géographique protégée (IGP) pour ce fromage au lait de vache.
Il se commercialise 2 800 à 3 500 tonnes de Saint-Félicien par an (selon l'estimation faite par les producteurs). Or, à l'heure actuelle, ce fromage peut être produit n'importe où puisqu'il n'est protégé par aucun signe officiel de qualité garantissant son origine. Aussi, fin 2015, l'union des producteurs laitiers de Saint-Marcellin (UPLSM) a lancé un projet d'IGP. Celui-ci a par la suite été repris par un collectif inter-chambres d'agriculture composé par les compagnies consulaires de la Drôme, l'Isère, l'Ardèche et du Rhône. Différentes rencontres ont eu lieu entre temps, avec la présence notamment de l'Inao, des laiteries concernées, ainsi que de représentants du « caillé doux de Saint-Félicien », fromage au lait de chèvre fabriqué en Ardèche.
Quatre départements concernés
« En 2017 et début 2018, avec un stagiaire, nous avons réalisé un travail historique et bibliographique sur ce fromage au lait de vache », indique Thomas Huver, conseiller « filière lait » à la chambre d'agriculture de l'Isère et animateur du projet Saint-Félicien. La trace la plus ancienne retrouvée est un dépôt de marque en 1956 par Marius Bouchet, industriel fromager à Villerbanne qui approvisionnait la région lyonnaise. « Mais, avec l'urbanisation, le développement de la population sur Lyon, les transformateurs ont dû sortir en périphérie de la ville, explique Thomas Huver. Et ils sont devenus moins nombreux pour fournir un marché qui, lui, grandissait. Quelques décennies plus tard, la production et la transformation de Saint-Félicien sont arrivées dans l'Isère et la Drôme, notamment avec des structures comme l'Etoile du Vercors (Saint-Just-de-Claix) et la Fromagerie alpine (Romans). »
Au début, le projet était porté par l'UPLSM « car l'on pensait que le périmètre géographique du Saint Félicien correspondait à celui du Saint-Marcellin. En fait, on s'en rendu compte qu'il était bien plus large ». En effet, à Désaignes en Ardèche, la fromagerie Beillevaire (anciennement fromagerie du Vivarais) en fabrique également.
Un pré-zonage défini
Le caillé doux de Saint-Félicien (marque collective), lui, est produit avec du lait de chèvre sur la commune du même nom et ses contreforts (en Ardèche). La volonté a été que ces deux fromages puissent continuer à co-exister. Or, déposer une demande d'IGP pour le Saint-Félicien au lait de vache bloquerait l'utilisation de la terminologie Saint-Félicien. Aussi, les producteurs de caillé doux Saint-Félicien ont été associés à la réflexion. Et, finalement, a été décidée la création de deux signes officiels de qualité : une IGP pour le Saint-Félicien au lait de vache et une AOP pour le caillé doux de Saint-Félicien. Les deux dossiers sont aujourd'hui conduits en parallèle « mais en veillant à une concertation afin que tout se passe bien », souligne Thomas Huver, avant de signaler : « Nous ne savons toujours pas s'il est possible de déposer des dossiers pour des terminologies aussi proches et surtout pour des zones de production qui se chevauchent ».
Concernant le Saint-Félicien au lait de vache, un pré-zonage a été défini. Il a été modifié à quelques reprises, notamment pour intégrer des communes lyonnaises, ainsi que la zone de Crémieu (Nord-Isère) où une fromagerie collecte du lait. Pour l'Ardèche, a été prise en compte la zone de collecte de la Fromagerie Beillevaire. « Ce n'est pas une zone définitive, a-t-il été noté lors de l'assemblée constitutive. Il faudra la défendre et, à la marge, l'élargir ou la réduire. »
Définir le produit, sa fabrication
Une ébauche de cahier des charges a été rédigée, « qui reste à amender ». Un travail d'identification de la méthode de fabrication du Saint-Félicien a démarré. Plusieurs opérateurs (producteurs fermiers et industriels) ont été rencontrés pour recueillir des éléments de base. Le but est d'arriver à une définition partagée par tous. « Aujourd'hui, il existe un Saint-Félicien classique de 150 à 200 grammes et un double crème, commente Thomas Huver. Il faudra harmoniser ou définir les deux. » Une commission d'examen organoleptique chargée de la caractérisation du profil sensoriel du Saint-Félicien sera réunie fin 2018 ou début 2019.
Justifier le lien avec l'aire géographique
Autre chantier, un argumentaire justifiant le lien entre le Saint-Félicien et l'aire géographique souhaitée devra être fourni à l'Inao. A cette fin, est envisagé un travail avec le réseau des EDE(1) ou un organisme comme le Ceraq(2) pour identifier les spécificités du territoire : facteurs naturels (caractéristiques pédoclimatiques...) et humains (savoir-faire, pratiques partagées au sein de l'aire...).
Une IGP pour le Saint-Félicien serait un moyen d'ancrer ce fromage sur son territoire et de mieux le valoriser. Lors de cette assemblée, il s'est entre autres dit : « Si on protège bien notre produit, on en sera les bénéficiaires ». Mais aussi : « Il faut que chacun, à chaque échelon, puisse gagner sa vie ».
Annie Laurie
(1) EDE : établissements départementaux d'élevage.
(2) Ceraq : centre de ressources pour l'agriculture de qualité et de montagne. Il s'agit d'une association composée de chambres d'agriculture et d'ODG (organismes de défense et de gestion des produits sous signe de qualité AOP ou IGP). Elle a pour objet, entre autres, d'accompagner des agriculteurs et filières recherchant une différenciation par le signe de qualité ou le lien au territoire.
L'association de promotion du Saint-Félicien
- Siège social à la chambre d'agriculture de la Drôme à Bourg-lès-Valence.- Conseil d'administration de 20 membres : 8 producteurs (laitiers, fermiers), 8 transformateurs (coopératives, industriels privés) et 4 institutionnels (1 pour chacune des 4 chambres d'agriculture).