Pépinière viticole : une marque collective pour promouvoir l’origine nationale

Face à la pression sanitaire (flavescence dorée, xylella fastidiosa, maladies du bois...), à la baisse des exportations et l'augmentation des importations (lire encadré), la pépinière viticole française a décidé de frapper un grand coup. Son président, David Amblavert, a annoncé « la création d'une marque collective nationale basée sur trois piliers : une sélection française, des greffons et des porte-greffes cultivés en France, des plants produits en France. Nous sommes pour une traçabilité renforcée, la transparence et la mise en avant de notre faire-savoir », a-t-il expliqué.
« Une assurance qualitative »
Cette marque, qui sera présentée lors du congrès 2018 de Beaune, entrera en application dès 2019. Elle fera l'objet d'une certification garantie par un organisme externe. Son cahier des charges est en cours de rédaction et son nom reste à définir. L'ensemble de la filière viticole sera impliquée « au sein d'une gouvernance partagée regroupant les pépiniéristes, viticulteurs, pouvoirs publics et sélectionneurs, avec un pilotage de la marque par les pépiniéristes dans une instance différente de la FFPV », a expliqué Marie-Catherine Dufour, de l'IFV(1), en charge du projet.
« Nous avons fait beaucoup sur la qualité sanitaire, à l'image du travail mené cette année sur la flavescence dorée et la prospection de la totalité des vignes mères à greffons en France. Nous avons désormais une vision nationale et ce travail traduit un engagement sans précédent », a rappelé le Vauclusien, Giovani Varelli, vice-président de la FFPV. « Aucun pays au monde ne s'est inscrit dans une telle démarche », a ajouté Pierre-Marie Guillaume, directeur des pépinières éponyme et vice-président du Comité international des pépiniéristes (CIP). « Cette nouvelle marque ne fera pas doublon avec la marque Inra-Entav, a précisé le Gardois, Bernard Angelras, président de l'IFV. Elle est complémentaire et essentielle pour la filière viticole française, à qui il faut apporter une assurance qualitative. » Pour le président du Cniv(2), Jean-Marie Barrillère, il s'agit là « d'une réponse aux problématiques sanitaires croissantes qui deviennent préoccupantes avec l'extension de la flavescence dorée et la disparité constatée dans la mise en œuvre des contrôles en Europe ».
L'ombre de la flavescence dorée
L'ombre de la flavescence dorée a bien plané tout au long de ce congrès. La prospection réalisée en 2017 a permis d'établir une situation précise de la pépinière viticole. « La pression est plus que jamais en augmentation, plus des deux tiers du territoire national se trouve en périmètre de lutte obligatoire », a rappelé David Amblevert, lors du discours de clôture. Le président n'a d'ailleurs pas manqué d'interpeller la représentante du ministre de l'Agriculture sur la mise en place de contrôles renforcés sur le matériel végétal importé. Il s'est aussi fait l'écho des craintes de pépiniéristes sur « l'efficacité de certaines molécules insecticides utilisées par la viticulture. Nous sommes face à une maladie de quarantaine. La pépinière viticole demande le retrait des molécules si elles s'avèrent inefficaces. Il en va de la pérennité de notre parc de vignes-mères », a-t-il dit. Il a en outre annoncé que la FFPV étudiait, en concertation avec la DGAL(3), la possibilité d'une éligibilité au Fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental (FMSE) : « Ceci permettrait, en cas de mise en quarantaine d'une parcelle clonale, d'être indemnisé sur la perte de récolte ».
Un nouveau règlement sanitaire européen en 2019
L'annonce de la création de la marque collective et les inquiétudes autour de la flavescence dorée et de xylella fastidiosa - en particulier de la sous-espèce responsable de la maladie de Pierce, récemment découverte à Majorque sur une trentaine de vitis, comme l'a rapporté Jacques Grosman, de la DGAL - n'ont évidemment pas été les uniques sujets développés au cours des trois jours du congrès. Les professionnels ont profité de la présence de représentants de la DGAL et de FranceAgriMer pour émettre leurs inquiétudes quant aux contrôles sanitaires réalisés sur les produits d'importation. Comme l'a expliqué Jean-Claude Graciette, chef du service contrôles et normalisation de FranceAgriMer, deux directives sont applicables dans l'ensemble des Etats membres : « Ces textes prévoient la traçabilité et le suivi des plants de la sélection à la commercialisation. Nous dépendons tous des mêmes directives sanitaires, même si chaque pays définit ses propres règles, le tout dans l'esprit européen qui est celui de la libre circulation des biens et des personnes. Le passeport phytosanitaire européen (PPE) concerne l'ensemble des États membres et il n'y a pas de raison de contrôler tout le matériel importé. Ce PPE a la même valeur en France qu'ailleurs. On a la possibilité de vérifier certains lots, ce que nous avons fait modestement en 2017 et que nous allons augmenter en 2018 ».
Ainsi, quand des lots importés sont constatés virosés après contrôle aléatoire, les services de l'Etat ne peuvent que demander leur destruction. « En cas de détection de virose, nous demandons la destruction et alertons les autorités concernées mais on ne peut pas agir directement », a-t-il résumé, soulevant un tollé dans la salle. Une faille de la réglementation qui ouvre ainsi la porte à un renvoi des plants contaminés dans leur pays d'origine. La FFPV espère que le nouveau règlement européen concernant l'encadrement sanitaire, à paraître en 2019, améliore les choses. « Le but, a conclu Jean-Claude Graciette, est d'harmoniser les règles entre pays membres. »
Céline Zambujo
(1) IFV : institut français de la vigne et du vin.
(2) Cniv : comité national des interprofessions des vins à appellation d'origine.
(3) DGAL : direction générale de l'alimentation.
Plants viticoles : la France importe plus qu’elle n’exporte
En 2015-2016, la filière française de la pépinière viticole a exporté 629 tonnes de plants, soit environ 13 millions d’unités (6 % de la production nationale) : 481 t vers l’Union européenne - essentiellement vers l’Espagne pour une valeur de 2,4 millions d’euros (M€) et l’Italie (4,5 M€) ; 148 t vers les pays tiers, dont 1,4 M€ vers le Mexique. En tendance, ces exportations de plants sont en hausse vers la Russie et l’Italie, en légère baisse vers l’Espagne. Les exportations de boutures sont plus stables (286 t), en petite baisse vers l’UE et en augmentation vers les pays tiers, principalement vers la Suisse (1,3 M€ en valeur) et le Canada (0,6 M€).
Avec 1 245 t en 2015-2016, soit environ 26 millions de plants et 4 millions de boutures greffables, les importations françaises de plants de vigne ont augmenté. Les principaux fournisseurs sont l’Italie (12,5 millions de plants), l’Espagne (7,9) et la Slovénie. La France importe en majorité des greffons d’Italie (sangiovese), d’Espagne (tempranillo) et du Portugal (marselan). Quant aux porte-greffes, ils proviennent principalement d’Espagne et du Portugal. C. Z.
Réaction : « Des limites et des blocages »
«Depuis cinq ans, notre syndicat s’est fortement mobilisé sur la surveillance de notre parc de vignes mères puisque nous produisons sur le territoire 60 % de la production nationale, explique Giovanni Varelli, président du Syndicat des producteurs de bois et plants de vignes du Vaucluse et des communes voisines. Le nombre de parcelles contaminées est en baisse, nos efforts montrent que l’on peut agir sur la flavescence dorée et même envisager de l’éradiquer d’un territoire, lorsque l’on s’y prend suffisamment tôt. Mais il y a aussi des limites et des blocages : tout d’abord, les plus gros foyers sont là où la viticulture bio est concentrée. Ensuite, quand les foyers sont découverts trop tard, le mal a été fait et il est bien difficile de revenir en arrière. Par ailleurs, nous considérons que le seuil d’arrachage d’une parcelle fixé à 20 % est trop élevé : localement, nous avons pris contact avec les vignerons concernés pour voir comment œuvrer au mieux pour tous car il n’est pas possible d’avoir une telle épée de Damoclès au-dessus de nos têtes, surtout quand ce risque se trouve à proximité de nos pépinières. Enfin, il faut revoir le niveau des contrôles sur le matériel d’importation qui entre avec la mention ZPd4(1) car nos services nationaux de contrôles n’ont pas de regard sur le devenir de ce matériel contaminé. Nous redemandons que les contrôles soient renforcés sur le matériel végétal dans un contexte de maladies connexes et émergentes. »Propos recueillis par C. Z.
(1) Depuis 2012, le matériel végétal qui circule dans la zone protégée contre la flavescence dorée ou qui entre dans cette ZP doit porter une mention obligatoire supplémentaire « ZPd4 » sur les étiquettes de certification du passeport phytosanitaire européen (PEE).
TEC / Faire évoluer la norme
Si les traitements à l’eau chaude (TEC) ne font pas l’unanimité auprès des pépiniéristes, pour des raisons d’impacts physiologiques sur les plants (décalages de débourrement constatés, impact sur les taux de reprise), il n’empêche que la pépinière française s’est mise en ordre de marche et dispose, dans chaque région, de stations de traitement. « Le traitement à l’eau chaude doit rester un outil mais nous ne souhaitons pas le généraliser, même si nous sommes conscients que son recours sera de plus en plus fréquent », a expliqué le président de la FFPV, David Amblevert. Néanmoins, la fédération a demandé à l’IFV de rééditer un guide d’utilisation des TEC « précisant le mode opératoire, en amont et post-traitement, afin de minimiser les problématiques de reprise lors de traitement eau chaude ». Par ailleurs, elle s’est dite « satisfaite » du consensus de l’Anses et de la DGAL sur l’homologation du couple 50°C pendant 35 minutes (au lieu de 45 mn dans la norme actuelle). « Depuis deux ans, le Comité international de la pépinière (CIP) propose à l’Europe d’abaisser de 10 minutes le temps de passage des plants à 50°C, a expliqué Pierre-Marie Guillaume, vice-président du Comité international des pépiniéristes. Cette proposition de modifier la norme de traitement a été bloquée il y a deux mois par le Portugal. On vit assez mal cet échec et nous allons demander que cette question soit remise à l’ordre du jour avec un nouveau vote. Nous allons aussi demander aux autorités portugaises de justifier leur refus et nous espérons, avec les nouveaux travaux menés par l’IFV, les amener à nous rejoindre sur cette évolution de norme. »
C. Z.