Peut-on interdire toute consommation d’alcool dans l’entreprise ?

Durant cet été 2019, un inspecteur a retiré une disposition d'un règlement intérieur d'une entreprise interdisant toute consommation d'alcool. Le Conseil d'Etat a ensuite examiné la validité de cette décision et considéré qu'un règlement intérieur peut comporter des dispositions interdisant totalement la consommation d'alcool pendant le temps de travail, pour les postes à risques identifiés dans l'entreprise, notamment dans le document d'évaluation des risques (DUER). L'employeur peut alors s'affranchir du code du travail autorisant la présence du vin, de la bière et du cidre dans l'entreprise.
L'alcool dans l'entreprise
Le code du travail autorise la présence de certaines boissons alcoolisées mais ces boissons sont limitées : vin, bière, cidre et poiré. En revanche, il est interdit de laisser entrer ou séjourner dans les lieux de travail des personnes en état d'ivresse.
L'employeur peut, sous couvert de l'obligation de sécurité lui incombant, chercher à encadrer plus encore la consommation d'alcool dans l'entreprise au moyen notamment d'une disposition dans le règlement intérieur. L'employeur peut, par exemple, chercher à interdire totalement la consommation d'alcool dans l'entreprise, allant au-delà des prescriptions du code du travail.
Interdire l'alcool dans le règlement intérieur
L'inspecteur du travail considère que la disposition du chef d'entreprise (tolérance zéro alcool dans l'annexe relative au contrôle d'ébriété d'un règlement intérieur qui faisait l'objet d'une révision ) contrevient à l'habilitation par la loi de la présence du vin, de la bière, du cidre et du poiré. L'entreprise qui a adopté cette mesure conteste la décision de l'inspecteur du travail.
Le Conseil d'Etat retient, pour donner raison à l'employeur, que celui-ci peut, lorsque la consommation de boissons alcoolisées est susceptible de porter atteinte à la sécurité et à la santé des travailleurs, prendre des mesures proportionnées au but recherché, limitant voire interdisant cette consommation sur le lieu de travail. En cas de danger particulièrement élevé pour les salariés ou pour les tiers, il peut également interdire toute imprégnation alcoolique des salariés concernés. La sécurité de tous passe avant les libertés individuelles.
Cette décision prend appui sur :
- la possibilité pour l'employeur d'apporter des restrictions aux droits des salariés si elles sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché ;
- l'obligation générale de prévention des risques professionnels incombant à l'employeur et dont la responsabilité, y compris pénale, peut être engagée en cas d'accident. Il doit à cet effet prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ;
Pour établir que la disposition du règlement intérieur est justifiée par la nature des tâches à accomplir, l'employeur doit établir la liste des postes concernés par la restriction. Dans le cas présenté, l'employeur listait les postes tels que conducteurs d'engins, utilisateurs de plateformes élévatrices, électriciens ou mécaniciens.
Pour établir le caractère proportionné de la mesure imposée aux travailleurs, l'employeur n'a pas besoin de détailler les risques encourus par les salariés ou même de renvoyer au document unique d'évaluation des risques dès lors que ce dernier existe et y mentionne les risques auxquels les salariés sont exposés et contre lesquels la mesure du règlement intérieur entend lutter.
Le service juridique social de la FDSEA 26