Photovoltaïque « agricole » : quelle rentabilité ?

Valorisation de surfaces de toitures, diversification des ressources de l'exploitation agricole, achat à prix fixe de l'électricité produite sur vingt ans... Tout cela pousse les agriculteurs à s'intéresser à nouveau à l'énergie photovoltaïque. De plus, la loi sur la transition énergétique vise à encourager les énergies renouvelables. Et les installations photovoltaïques présentes aujourd'hui sur le marché sont à haute fiabilité, moins sujettes à l'usure et nécessitent peu d'entretien. Afin d'apporter une information aussi complète que possible, la chambre d'agriculture de la Drôme a organisé une journée intitulée « photovoltaïque sur bâtiments agricoles : conditions et rentabilité ». Le 7 décembre à Bourg-lès-Valence, une cinquantaine d'agriculteurs de la plaine de Valence, Tain-l'Hermitage et des Monts du matin y ont participé. Ainsi que l'ont indiqué Michel Baude et Grégory Chardon, élus consulaires en charge du comité d'actions et de projets (Cap) de ce vaste territoire, « cette thématique a été demandée par toutes les organisations membres de ce Cap. »
« Une technologie fiable »
En réunissant des experts aux compétences diverses (technique, juridique, économique, gestion du risque) et des témoins (société, agriculteurs), la journée avait deux objectifs. D'une part, appréhender les éléments à prendre en compte dans un projet photovoltaïque ; d'autre part, mesurer l'intérêt et la faisabilité d'une installation sur une exploitation agricole. Olivier Thiercy, conseiller énergie pour les chambres d'agriculture de Drôme et Ardèche, a d'abord fourni les notions de base d'une installation photovoltaïque. « La puissance est exprimée en Watt crête (Wc). 1 000 Wc (soit 1 kWc) équivaut à 6 à 7 mètres carrés de panneaux, a-t-il expliqué. Ceux aujourd'hui utilisés sont à 90 % à base de silicium, mono ou polycristallin. » Des questions ont été posées sur la solidité des matériels, la maintenance... « C'est une technologie fiable, testée pour résister à divers aléas », a répondu le conseiller. Panneaux, onduleurs, câbles... ont été passés en revue. « La performance d'une installation photovoltaïque dépend de trois composantes, a-t-il ajouté. L'irradiation reçue, la puissance crête installée et le ratio de performance, généralement de 70 à 80 %. » Sur ce dernier point, il faut tenir compte, entre autres, du rendement des onduleurs, des pertes au niveau des câbles, de la température de fonctionnement des modules, des masques (ombre portée)...
Investissement, prix de vente
Le coût d'une centrale photovoltaïque dépend principalement de sa puissance. Pour une installation de 100 kWc (soit 700 mètres carrés de panneaux), l'investissement représente environ 100 000 euros (soit un euro par watt crête). Dans le cas d'une centrale de 36 kWc, l'investissement variera de 45 à 70 000 euros. Pour une installation de 9 kWc, il faut compter en moyenne 20 000 euros. S'ajoutent les coûts de raccordement : plus ou moins 15 000 euros pour 100 kWc, 1 000 à 2 000 pour 9 kWc.
Dans la majorité des cas, l'électricité produite est vendue en totalité à EDF. Sachant qu'il n'y a pas d'obligation de revente, deux autres options sont possibles : l'une mêle autoconsommation et vente du surplus ; l'autre autoconsommation totale et injection gratuite du surplus dans le réseau. Pour les installations jusqu'à 100 kWc de puissance, les opérateurs (EDF, Enercoop...) sont contraints d'acheter l'énergie photovoltaïque à un prix fixé par la loi. C'est le principe de l'obligation d'achat (OA), contrat élaboré sur vingt ans. Les tarifs dépendent du type d'installation. Pour une centrale intégrée au bâti (IAB*) d'une puissance maximale de 9 kWc, le prix a oscillé de 25,01 à 23,92 centimes d'euro par kilowatt-heure (c€/kWh) entre le début et la fin de l'année 2016. Sur la même période, dans le cas d'une installation simplifiée au bâti (ISB**) de 36 à 100 kWc, il a évolué de 13,13 à 11,88 c€/kWh. Pour accéder à l'OA, certaines conditions sont à respecter.
A noter, pour des installations plus puissantes, la vente se fait par appels d'offre (AO). Dans ce cas, le producteur d'électricité propose son prix (dans une fourchette définie) mais n'a pas la garantie d'être retenu !
Indicateurs de rentabilité
Reste à déterminer la rentabilité d'une centrale photovoltaïque sur un bâtiment agricole. Olivier Thiercy a présenté une simulation, réalisée sur la commune de Chabeuil. Selon la pente et l'orientation du toit, la production électrique varie de 1 150 à 1 210 kWh/kWc. Dans le cas d'une centrale de 9 kWc, le chiffre d'affaires représente 2 476 euros la première année (10 350 kWh x 0,2392 €/kWh). Il atteint 13 662 euros pour une centrale de 100 kWc (115 000 kWh x 0,1188 €/kWh).
Diverses charges sont à prendre en compte, leurs niveaux variant selon la puissance de l'installation : le Turpe***(54 €/an pour 9 kWc, 753 € pour 100 kWc), la maintenance (100 ou 500 €/an), l'assurance, les frais de comptabilité, le nettoyage des panneaux. A prévoir aussi, une provision pour les onduleurs (200 ou 1 000 €/an) dont la durée de vie est de dix ans.
Dans l'exemple présenté, en moyenne, le retour sur investissement a lieu au bout de 11,8 ans pour une centrale de 9 kWc, 10,8 ans pour celle de 100 kWc. « Ca peut très vite varier, prévient Olivier Thiercy, surtout pour les petites centrales où la production d'électricité est faible. Le photovoltaïque est une possibilité pour le monde agricole, a-t-il conclu. Ce serait dommage de ne pas y regarder. »
Christophe Ledoux
Pour plus d'informations, contacter la chambre d'agriculture de la Drôme, Olivier Thiercy, conseiller énergie Drôme-Ardèche (tél : 06 33 25 27 64 - mail : [email protected]). L'accompagnement proposé porte principalement sur la pré-étude du projet (première approche de rentabilité), l'examen des devis et des contrats.
* IAB : les panneaux photovoltaïques remplacent la toiture, assurent l'étanchéité et le bâtiment est clos sur les quatre faces.
** ISB : une sous-couche (type bac acier) assure l'étanchéité et le bâtiment peut être ouvert ou semi-ouvert.
*** Turpe : tarif d'utilisation du réseau public d'électricité.
Pour en savoir plus, cliquez sur ce lien :
- Centrale photovoltaïque : plusieurs solutions pour un agriculteur
- Photovoltaïque : indicateurs de rentabilité
Photovoltaïque /
Prudence avant de s'engager
Faire construire un hangar agricole soit-disant « gratuitement » par une société photovoltaïque est tentant. « Mais soyez vigilant avant de vous engager », prévient Olivier Thiercy. Dans certains cas, de nombreux points restent flous et peu précis, pouvant donner lieu à toutes les interprétations et, par là même, potentiellement à des abus. En Rhône-Alpes, plusieurs agriculteurs ont signé des contrats en versant de fortes sommes d'argent, et les bâtiments ne sont toujours pas construits deux ans après ! Avant de s'engager, mieux vaut confier à un conseiller la relecture du contrat et des clauses. De même, pour investir soi-même dans une centrale, mieux vaut se faire accompagner.