Phytos à 150 mètres : à Saoû, 68 % des îlots Pac impactés

La polémique fait rage. Fin août, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a suspendu l'arrêté pris par Daniel Cueff, le maire de Langouët (Ille-et-Vilaine), qui visait à empêcher les agriculteurs d'utiliser des pesticides à moins de 150 mètres d'habitation. Le retentissement médiatique suscité par cette action a toutefois largement lancé, devant le grand public, le débat sur les zones de non-traitement (ZNT). Depuis, 46 maires ont pris des arrêtés similaires, dont celui de Saoû le 2 septembre. A l'instar du premier édile de Langouët, le Drômois Daniel Gilles, agriculteur et éleveur caprin, évoque lui aussi « un principe de précaution », « un problème de santé publique ».
Phytos : une police spéciale confiée à l'Etat
Le 5 septembre, le préfet de la Drôme, Hugues Moutouh, a demandé au maire de Saoû de retirer son arrêté au motif qu'il est entaché d'illégalité, citant dans son courrier les nombreux textes encadrant la réglementation en vigueur. Le même jour, il a aussi adressé un courrier explicatif* à tous les maires de la Drôme, ainsi qu'aux parlementaires, sur les pouvoirs de police en matière d'utilisation des produits phytosanitaires. Il a notamment souligné qu'« en application des textes, notamment de l'article L253-7 du code rural et R253-45 du même code, les conditions d'utilisation et de détention de ces produits relèvent d'un pouvoir de police spéciale confié au ministre chargé de l'Agriculture. Le juge administratif a clairement et de façon constante rappelé le caractère exclusif de cette compétence ministérielle, précisant que "s'il appartient au maire, responsable de l'ordre public sur le territoire de sa commune, de prendre les mesures de police générales nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, il ne saurait en aucun cas s'immiscer dans l'exercice de cette police spéciale par l'édiction d'une réglementation locale" ».
A Saoû, 68 % des îlots impactés
La chambre d'agriculture a analysé l'impact de l'arrêté « anti-pesticides » pris par le maire de Saoû le 3 septembre. 280 îlots Pac ont été déclarés en 2018 sur cette commune (ce qui représente 865 hectares).L'arrêté de zone non traitement (ZNT) à 150 mètres en touche 190, partiellement ou en totalité. Soit 68 % des îlots.En surface, cela représente 225 hectares au moins mais beaucoup plus si l'on prend en compte la totalité de la surface des îlots impactés partiellement.
ZNT / Une consultation publique de trois semaines a débuté le 9 septembre. Elle concerne deux projets de texte (un arrêté et un décret) encadrant l'utilisation des produits phytosanitaires à proximité des habitations.
Des ZNT imposées « en l'absence de chartes »

Ces distances sont reprises dans le projet d'arrêté présenté le 7 septembre par les ministres de la Transition écologique (Elisabeth Borne), de l'Agriculture (Didier Guillaume) et de la Santé (Agnès Buzyn). Le texte mentionne aussi la possibilité de les adapter dans le cadre de chartes de voisinage (ou de riverains) validées au niveau départemental, après échanges entre les agriculteurs, les riverains et les élus. Elles pourraient ainsi être ramenées « à 3 m pour les cultures basses et la viticulture et à 5 m pour les autres cultures, à la condition d'avoir recours à des matériels de pulvérisation les plus performants sur le plan environnemental ».
Après cette phase de consultation, le décret (règles d'élaboration des chartes) et l'arrêté (distances minimales) définitifs, élaborés en octobre, entreraient en vigueur le 1er janvier 2020. Ils seront également soumis à la consultation de la Commission européenne.* Anses : agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail.
Favoriser les discussions locales
Christian Durlin, administrateur de la FNSEA, estime que le texte, « trop strict », ne s'adapte pas à la diversité des productions agricoles. « Les discussions doivent se faire autour de chartes de bon voisinage dans les territoires car il y a un réel problème de dialogue sur le sujet des produits phytosanitaires. Au niveau local nous avons l'opportunité de dialoguer et de rappeler que des dispositifs de sécurité existent déjà et nous pouvons les compléter avec des engagements adaptés aux territoires et aux productions. ». Afin que cette diversité soit représentée, il appelle les agriculteurs à s'exprimer largement durant la consultation qui durera trois semaines.
Dans un communiqué du 10 septembre, la FNSEA a finalement vivement attaqué le projet d'arrêté sur les zones de non traitement mis en consultation le 9 septembre. « Les distances ne sont en aucun cas une réponse à la nécessaire protection des riverains », affirme le syndicat majoritaire qui qualifie l'arrêté proposé « d'inacceptable ». La FNSEA appelle à privilégier « le dialogue et la concertation au plus près du terrain » par rapport « aux réglementations arbitraires et descendantes ». « Il est temps que les arguments des professionnels soient enfin entendus et considérés », indique la fédération.