Phytos : « Si on est absent du débat, on nous condamne par défaut »

Producteur de noix dans la Drôme, vous êtes partisan du dialogue avec le grand public. Au point que vous avez assisté à une conférence intitulée « En finir avec les pesticides » au festival de L'Albenc le 1er septembre dernier. Pourquoi ?
On se rend compte qu'on communique de plus en plus à notre place et on dit des choses en notre absence. Je trouve qu'il est important de s'impliquer dans la vie de la société et que la question des traitements est un problème de société. Si personne n'est présent à ce type d'événement, personne ne peut dire vraiment ce que l'on fait, ni raconter comment nous modifions nos pratiques. Or il est important de défendre nos positions. Ce n'est pas revendicatif. Il ne s'agit pas non plus d'essayer de convaincre des gens, mais d'expliquer vers quel modèle nous voulons aller, de façon à ce que les gens s'expriment en connaissance de cause.
Au début de cette conférence, vous avez ressenti une atmosphère assez hostile. Vous avez pourtant réussi à inverser la tendance...
C'était hostile, dans le sens où il y avait vraiment des a priori par rapport aux producteurs de noix et l'agriculture en général. Dès l'entrée, on m'a reproché de traiter, de polluer. J'ai expliqué que oui, quelques jours plus tard, j'allais passer avec l'atomiseur dans les noyeraies, mais que c'était pour passer un engrais foliaire et des oligo-éléments - des produits homologués en bio - afin d'apporter des éléments nutritifs à l'arbre en prévision de l'année suivante. Ce ne sont pas des traitements phyto. Mais si le grand public ne le sait pas, il me voit passer avec un atomiseur et il me juge déjà coupable.
Qu'est ce qui vous a poussé à intervenir au cours de cette conférence ?
Au début, on nous a projeté le film de Paul François, « Le paysan qui défie Monsanto », un document vraiment à charge. Derrière, on pouvait donc s'attendre à une salle assez remontée contre l'utilisation des pesticides et des phytos. Certes, ce n'est pas simple d'être dans une soirée comme ça, parce que nous n'étions que deux ou trois producteurs de noix. Mais pour moi, il est utile d'être là et surtout d'intervenir pour éviter que ne s'installe un climat de revanche contre des agriculteurs absents. Dans ce genre de situation, j'essaie de prendre la parole rapidement pour désamorcer le conflit, expliquer qu'on n'est pas fermé, qu'on fait aussi partie de la société et qu'on a tout intérêt à se mettre autour de la table pour se parler.
Tout le monde n'a pas ce courage...
Je ne pense pas que ce soit du courage. Il s'agit plus de faire évoluer la perception de la société vis-à-vis de nous. Nombre de mes collègues se disent : « De toute façon, ils vont casser du paysan, ça ne sert à rien d'y aller. » Sauf que si on y va pour expliquer, déjà on prend contact, on discute et on se rend compte que c'est payant. A la suite de la réunion qui a eu lieu à Vinay en février dernier, Sylvia Vieuguet, la présidente de Noix nature santé, est venue à la journée sur les traitements alternatifs organisée par la Senura en juillet. Ça lui a permis de comprendre des choses, et son discours a évolué. Bien sûr, il reste des désaccords, mais ça avance. L'association a pris conscience des problématiques que nous avions et des efforts que nous faisions. Les gens s'imaginaient que nous faisions des choses horribles et que nous étions manipulés par les multinationales, alors que non : nous avons notre propre réflexion sur l'utilisation de nos produits.
Conséquence inattendue : en fin de soirée, François Veillerette, le directeur de Générations futures, a salué votre intervention...
Oui, il a salué le courage d'être venu alors que, encore une fois, ce n'est pas du courage. C'est simplement l'occasion de rappeler qu'on veut dialoguer et essayer de travailler ensemble. On ne sera pas d'accord sur tout, nous n'aurons pas les mêmes objectifs, mais au moins nous auront eu le mérite d'essayer de nous comprendre.