Picodon : le lien au terroir renforcé

Petit retour aux origines. Le syndicat de défense et de promotion du Picodon est créé en 1975 « pour faire reconnaître et protéger un savoir-faire ancestral et une tradition locale ». En 1983, ce fromage de chèvre est reconnu appellation d'origine contrôlée (AOC) avec la dénomination « Picodon de la Drôme » ou « Picodon de l'Ardèche ». Le cahier des charges d'alors définit le cadre de sa production et de sa fabrication. En 1996, après quatre ans de concertation et travail collectif, une deuxième version du cahier des charges est validée. Elle précise certains points, à la demande de l'Union européenne. Puis un autre travail est engagé pour que le mot « Picodon » soit réservé à sa zone d'origine. Il aboutit à sa relocalisation, en 2000. Enfin, une quatrième version est entrée en application le 19 juin dernier, après quelque dix ans de gestation. « Elle approfondit le lien au terroir », explique Paule Ballet, animatrice du syndicat du Picodon AOP.
Le troupeau et son alimentation
Dans ce nouveau cahier des charges, le troupeau a été défini comme l'ensemble des chèvres laitières de plus d'un an présentes sur l'exploitation au 1er janvier. Le lien au terroir est renforcé notamment au niveau de la nourriture des animaux. La base de leur alimentation est obligatoirement constituée de fourrages, pâturés ou apportés, provenant à 100 % de l'aire géographique de l'AOP (contre 80 % auparavant). Les surfaces fourragères destinées aux chèvres sont composées au minimum de 30 % de parcours et (ou) prairies permanentes et (ou) couverts végétaux contenant au moins trois espèces. La ration fourragère annuelle est constituée d'au moins douze espèces de plantes (flore variée). Quand les conditions climatiques le permettent, le troupeau sort en pâturage, parcours ou, au minimum, a en permanence accès à un parc d'exercice d'au moins cinq mètres carrés par chèvre, avec ombre et eau à disposition.
Son alimentation doit être exempte d'ensilage ou autres produits fermentés. Auparavant, l'ensilage était interdit sur l'exploitation. Un éleveur ayant aussi un troupeau autre que caprin nourri à l'ensilage devait demander une dérogation. A présent, il a juste à fournir un déclaratif l'engageant à ne pas en donner aux chèvres. L'ancienne version du cahier des charges ne comportait pas de mentions sur les aliments complémentaires (céréales, concentrés, tourteaux, déshydratés non-OGM). La nouvelle, si : leur quantité ne peut dépasser 390 kilos par chèvre laitière et par an. Les céréales ainsi distribuées sous forme brute (éventuellement aplaties, concassées ou germées) doivent également provenir à 100 % de l'aire géographique de l'AOP.
La transformation fromagère
Un autre changement renforce le lien au terroir, à l'origine et apporte de l'unicité dans le cahier des charges : à présent, le Picodon doit être fabriqué avec du lait à l'état cru exclusivement (avant, la thermisation était autorisée pour les entreprises de transformation). Ainsi peuvent être maintenues dans le lait les flores spécifiques qui, lors de la fabrication et l'affinage, donnent au Picodon sa typicité.
Le syndicat du Picodon AOP a profité de cette réouverture du cahier des charges pour modifier d'autres points. Dans la précédente version, en termes de Picodon affiné lavé, seule figurait la « méthode Dieulefit » (réservée à la partie de notre département située au sud de la rivière la Drôme). Or, « traditionnellement, du Picodon "affiné lavé" est affiné avec d'autres méthodes, précise Paule Ballet. Donc, il y avait de bonnes raisons de les inclure dans le cahier des charges. » Cela a été fait. Il existe un tronc commun entre les deux méthodes mais aussi des différences. Le protocole du Picodon « affiné méthode Dieulefit » prévoit, entre autres, au moins deux lavages à l'eau claire. Pour le Picodon « affiné lavé », un seul est obligatoire (à l'eau claire ou au petit lait, vin blanc, marc...). Et il peut être affiné dans toute l'aire géographique de l'AOP.
Une charte pour l'étiquetage
Autre nouveauté, une charte graphique régissant l'étiquetage a été annexée au cahier des charges. Tous les opérateurs sont tenus de la respecter. Trois versions d'étiquette existent : Picodon « standard », « affiné lavé » et « affiné méthode Dieulefit », intégrant ou non la mention « fermier ». En ce domaine aussi, de l'unicité a été apportée.
« A la demande de l'Inao(1), ce nouveau cahier des charges clarifie certains points, note Paule Ballet. Il est plus cohérent sur le plan pratique et juridique. Il est unique pour tous les opérateurs. Et il rend la production indélocalisable. » Deux autres nouveautés sont à signaler. Le syndicat vient de se doter d'un programme informatique pour effectuer le plan de contrôle et la gestion de l'ODG(2). Et un dépliant de communication explicatif sur le Picodon vient d'être édité.
Annie Laurie
(1) Inao : institut national de l'origine et de la qualité.
(2) ODG : organisme de défense et de gestion.
Point de vue / L'avis d'Hervé Barnier, vice-président du syndicat du Picodon AOP, sur le nouveau cahier des charges de ce petit fromage de chèvre emblématique de la Drôme.Des évolutions ayant du sens« Le nouveau cahier des charges est, indéniablement, une amélioration du précédent, assure Hervé Barnier, éleveur de chèvres avec son épouse à Vesc et vice-président du syndicat du Picodon AOP. A mon avis, il ne pose pas de problèmes, ne complexifie pas le travail des producteurs. Le lait cru est une garantie d'authenticité, d'un produit identifié non standardisé. Cela a du sens. L'alimentation constituée de fourrages et céréales provenant à 100 % de l'aire AOP a plusieurs intérêts. Premièrement, les animaux sont nourris avec des aliments de la zone... Deuxièmement, elle peut être un débouché local pour d'autres agriculteurs. Mais aussi un moyen, pour certains, d'intégrer dans leur rotation des cultures fourragères, qui sont intéressantes sur le plan agronomique. Il devrait y avoir un retour sur la zone car les éleveurs de chèvres ne sont pas tous autonomes en foin. Le bonus n'est pas que pour nous. Cela va dans le bon sens.
La limitation des aliments concentrés, elle, est le gage de ne pas transformer nos chèvres en monogastriques ! Quant aux Picodons "affiné lavé" et "méthode Dieulefit", ils ont un intérêt gustatif. Et seule notre AOP propose ce type de fromages. Ce sont des productions de niche mais intéressantes pour certains opérateurs de l'appellation. »Propos recueillis par Annie Laurie
Le Picodon en chiffres
Le syndicat du picodon AOP recense :- 26 000 chèvres ;
- 8,7 millions de picodons produits en 2016, soit 516 tonnes (6 % de plus qu'en 2015) ;
- 176 adhérents en 2016 (producteurs laitiers et fermiers en proportion égale) ;
- 5 entreprises de transformation : Eurial, la Fromagerie de la Drôme, la Fromagerie des 3 becs et la Tomme Capra en Drôme, la Fromagerie du Vivarais en Ardèche ;
- 3 affineurs : les établissements Cavet et Distral en Drôme, la SARL Peytot en Ardèche.